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Demande d’internement abusive ou nécessaire ?

Demande d’internement abusive ou nécessaire ?

29 April 2024

Un médecin de l’île comparaissait ce mois-ci devant le tribunal de Saint-Martin pour altération frauduleuse de la vérité. Il a établi un certificat médical d’internement d’une personne, sans l’avoir auscultée. Décision arbitraire ou nécessité due à un contexte délicat ? C’est toute la problématique posée aux magistrats.

L’affaire remonte à mars 2022, dans le contexte des élections territoriales. Un homme, JD, profère des menaces sur les réseaux sociaux, tient des propos incohérents, menace de brûler le drapeau français et la Préfecture. Suite à l’établissement d’un certificat médical demandant son placement en unité psychiatrique, et à un arrêté préfectoral, il sera arrêté par les gendarmes le 15 mars.

Le médecin qui l’accueille à l’hôpital consigne une attitude défensive agressive, un état délirant et indique qu’il faudrait l’interner, car il est en souffrance. L’homme refuse d’entrer dans le bâtiment, aucune chambre n’est par ailleurs disponible, on le laisse donc repartir. Le lendemain, son conseil porte plainte contre le médecin ayant établi le certificat. JD alerte le public sur les réseaux sociaux, arguant d’un complot entre son médecin et sa mère. Une enquête est ouverte par le procureur.

UNE MENACE POUR SA FAMILLE

Le médecin reconnaît avoir rédigé le certificat à la demande de la mère de JD, sans l’avoir examiné. Il explique cependant qu’en tant que médecin traitant de la famille, il connaît bien JD, qu’il suit pour son addiction à l’alcool. Ce 15 mars, la mère, la sœur et la femme de celui-ci se présentent à son cabinet. Elles indiquent qu’il a bu, et montre une vidéo où on le voit proférer ses menaces. Le médecin leur conseille de contacter le Préfet, car la procédure pour faire interner une personne est très encadrée. De son côté il cherche à contacter son patient, en vain. La mère écrit au Préfet que suite à la diffusion sur les réseaux sociaux de messages incitant à la haine et à la violence, elle demande de l’aide, son fils traversant une grosse dépression depuis qu’il a annoncé sa volonté d’être président de la Collectivité. Il défie toute autorité et distille sa haine sur les réseaux sociaux et dans les médias locaux. Une situation qui met par ailleurs en danger sa femme et sa petite fille. Sa sœur témoigne également d’un état alcoolique fréquent, qui, mélangé avec des médicaments, ne fait pas bon ménage.

Le médecin argumente que l’on ne peut parler de faux certificat car il connaît très bien son patient. Au vu des menaces proférées sur les réseaux, il juge qu’il y a un péril imminent pour JD mais aussi pour autrui. Il explique que pour certains patients violents, il est parfois impossible de les examiner par peur qu’ils ne commettent un acte regrettable. Le médecin de l’hôpital qui lui était face à JD a fait les mêmes constations.

À L’APPRÉCIATION DU MÉDECIN

En théorie, un médecin ne peut rédiger un certificat médical sans voir le patient. Cependant l’admission en soins psychiatriques sans consentement du patient est autorisée à la demande d’un tiers (article 63-3 du code de la santé publique), en cas de péril imminent ou sur décision du représentant de l’État (source : conseil départemental de Guadeloupe de l’ordre des médecins).

Le procureur remarque que si on reproche au médecin de ne pas avoir eu les éléments d’appréciation requis pour établir ce certificat, il faut tenir compte du climat périphérique. Pour le ministère public, le dossier est fortement contesté et « on fait face à la théorie du complot ». Mais il n’y a pas de victime. Au pire, indique-t-il, on peut reprocher au médecin un manquement à la déontologie, ce qui relève de l’appréciation médicale et non du droit pénal.

L’avocat du médecin, saluant la clairvoyance du parquet, demande la relaxe. Pour lui, il y avait une situation d’urgence et une pression de la famille. Lorsque qu'une personne est dans une situation de démence, on ne peut attendre que quelqu’un soit blessé ou tué. Il précise que ce fameux jour du 15 mars, sa femme a pris l’avion, estimant qu’il était dangereux et n’est jamais revenue.

Une plaidoirie qui sera suivie par la cour qui prononcera à l’issue de l’audience la relaxe du médecin. 

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