SORTIR DE LA LOGIQUE INSULAIRE

Lorsqu’elle s’installe à Saint-Martin en provenance de la Polynésie il y a deux ans, l’enseignante Amaya Legros a l’idée de demander une accréditation à l’organisme européen Erasmus + afin de permettre aux élèves confrontés à la vie insulaire, comme à Tahiti, de sortir de l’enclavement causé par l’éloignement géographique. Elle en parle à sa collègue Dolorès Meunier, et les deux femmes décident de faire une demande de subvention pour leurs classes respectives: «On voulait démystifier l’Europe dans la tête de ces enfants qui pour beaucoup n’avaient jamais voyagé, explique Dolorès. Beaucoup de gamins n’osent même pas prétendre à certaines licences par peur de quitter l’île pour aller vers un monde qu'ils ne connaissent pas». Leur dossier ayant retenu l’attention d’Erasmus+, le lycée fait désormais partie du dispositif, et ce, jusqu’en 2027: «Cela concerne tous les projets de mobilité avec la possibilité de faire autant de voyages qu’on le souhaite», poursuit-elle. Les enseignants, personnels de gestion ou de direction aussi peuvent par ailleurs en bénéficier pour suivre des formations ou partir observer la manière dont leurs collègues pratiquent leur métier dans le monde. Une ouverture d’autant plus primordiale qu’à Saint-Martin, les enseignants sont confrontés à la barrière de la langue et manquent parfois de dialogue suffisant avec les parents d’élèves.

Grâce à cette subvention, les élèves pourront également effectuer une formation en autonomie sur une période allant de 1 mois à 1 an en classe de première ou terminale dans des pays comme la Suède, Espagne ou le Danemark par exemple, dans la langue usuelle, tout en validant leur année scolaire française: «Cela permet à des familles sans moyens d’envoyer leurs enfants faire des études à l’étranger sans rien payer, reprend l'enseignante. La subvention est calculée en fonction du niveau de vie avec un montant journalier qui varie selon que l’on est en Croatie ou en Espagne ». Billets d’avion, logement, nourriture… Tout est pris en charge.

Pour le premier voyage de mobilité du lycée Robert Weinum, un petit groupe constitué de 12 enfants et 2 enseignants sont donc partis hier, direction Valence, dans le sud de l’Espagne, pour un voyage scolaire classique dans un premier temps :«Nous voulons inciter les autres établissements de Saint-Martin à solliciter la même subvention car l’argent est disponible, il faut juste faire la demande d’accréditation», assure Dolorès Meunier. Lors de ce déplacement inaugural, les élèves vont suivre des cours d’espagnol avec d’autres enfants venus du monde entier et découvrir tous les métiers que le plurilinguisme ouvre pour eux: hôtellerie, gestion d’Airbnb, guide de musées, etc. Ils exposeront ensuite toutes ces découvertes à leur retour sur l’île en mars prochain.