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Réchauffement climatique : la population de Saint-Martin en première ligne

Réchauffement climatique : la population de Saint-Martin en première ligne

06 February 2024

Le Conseil Économique Social et Culturel de Saint-Martin a été saisi en octobre dernier par le préfet Vincent Berton dans le but de réaliser un rapport sur l’impact des émissions de gaz à effet de serre sur l’île. Une première. Rendu public vendredi, ce dernier annonce des défis «hors du commun».

DES RELOCALISATIONS D’ICI 2040

Malgré le décor de carte postale, les Antilles font désormais partie des zones les plus menacées par le réchauffement climatique selon le rapport du Giec paru en mai 2022 dans «Le Point». Dans les décennies à venir, «les cyclones seront plus intenses et les îles connaitront des pics de destructions, comme en 2017 à Saint-Martin», pouvait-on y lire. En plus de l’augmentation des températures et du risque de submersion, l’érosion côtière qui entame les littoraux pourrait menacer habitations, infrastructures et activités touristiques. Des prévisions aussi sombres qu’actuelles puisque les experts intergouvernementaux du Giec estiment qu’aux Antilles, «à compter de 2040, les pouvoirs publics devront mettre en place des relocalisations, et déplacer les personnes ainsi que les activités dans des zones sûres».

C’est pour répondre à cette urgence environnementale que Vincent Berton a saisi le Conseil Economique Social et Culturel de Saint-Martin présidé par Ida Zin Ka Leu. L’avis non pas scientifique mais «de bon sens» qui lui a été remis liste un certain nombre de préconisations à destination des pouvoirs publics, et entend mobiliser l’ensemble de la population. Car malgré sa superficie, Saint-Martin est aujourd’hui en première ligne des effets liés au réchauffement climatique : «Cyclones, séismes, submersion… Nous sommes l’une des régions du monde les plus concernées car le territoire est exposé à tous les risques naturels en dehors du risque d’avalanche », a déclaré le préfet délégué Vincent Berton lors d’une conférence à la Préfecture vendredi dernier. L’énergie utilisée sur l’île est carbonée à presque 100%, et tout cela appelle de nouvelles adaptations en termes d’agriculture, de pêche, de techniques de construction, de modes de déplacements, d’habitudes de consommation, etc.).

LES IMPACTS DIRECTS CONSTATES SUR L’ILE

Cyclone le plus puissant jamais identifié dans l’Atlantique, Irma s’inscrit notamment dans cet accroissement des phénomènes météorologiques causés par l’élévation de la température des océans. D’après le Giec, ces évènements hors normes devraient d’ailleurs continuer de s’intensifier, entrainant dans leur sillage destructions et désorganisations socio-économiques. Autre impact pour Saint-Martin, le risque de submersion marine qui se combine dangereusement avec l’élévation du niveau de l’océan. En parallèle, l’érosion côtière, déjà visible, menace plusieurs portions du littoral et entraine un déficit de sable exponentiel sur une bonne partie des plages de Saint-Martin, pourtant garantes du tourisme. Or, qui dit recul du trait de côte dit conditions nouvelles et potentiellement mortelles pour toute la végétation côtière. Le rapport s’inquiète aussi de la disparition des récifs coraliens qui ne cessent de blanchir, entrainant avec eux les animaux qui en dépendent. Tout le nord des Antilles est placé en état d’alerte par l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique. Un phénomène d’autant plus alarmant que ces récifs abritent 25% de la biodiversité marine. Augmentation des températures, intensification des brumes de sable… Le rapport énumère dans le détail chaque changement à venir avec une question : l’île peut-elle rester habitable et touristique, et si oui, dans quelles conditions et à quel prix ?

UNE RESPONSABILITE COLLECTIVE

Si sortir de la dépendance aux énergies fossiles est une priorité absolue, les pays émergents qui en ont besoin pour leur croissance économique ne l’entendent pas forcément de la même oreille. Ils représenteront pourtant 62% de l’économie mondiale en 2050, et produiront alors 85% des émissions de gaz à effets de serre. Au niveau du territoire, l’île qui n’a pas d’industries pollue par sa totale dépendance aux liaisons aériennes et aux produits d’importation, et subit en même temps les effets mondiaux de ce réchauffement, comme on le voit avec les sargasses causées entre autres par la déforestation. En 2023, elles ont coûté 2,5 millions d’euros aux pouvoirs publics, dont 80% payés par la Collectivité.

Certes des solutions existent : les espaces coraliens peuvent être sanctuarisés, des zones menacées d’érosion comme Baie Nettlé, Friar’s Bay ou Marigot peuvent être réensablées, et l’ont peut endiguer les façades maritimes très urbanisées. Mais l’île dépend du tourisme et l’on sait qu’un vol transatlantique aller-retour équivaut par passager à trois mois d’émission pour un français. Et que dire des croisières qui détruisent les fonds marins en laissant dans leur sillage dioxyde de carbone, méthane et carbone noir alors même que Sint Maarten accueillera bientôt le plus gros paquebot au monde ? Au final, toute l’économie de Saint-Martin dépend de cette consommation hyper-carbonée et comme le dit le préfet-délégué, «chacun d’entre nous produit ce carbone». Ce rapport qui va être distribué au public souhaite modifier collectivement la perception de la problématique pour faire accepter «le principe de réalité». Selon l’avis du CESC, faire face à tous ces enjeux constitue indéniablement «un défi à court terme hors du commun», et nécessite d’aller vers une «mutation économique profonde».

TOUS LES ACTEURS DE SAINT-MARTIN REUNIS POUR LE CLIMAT

Toutes les entreprises liées à l’énergie et au climat se réuniront bientôt afin d’élaborer une feuille de route et plancher sur les axes prioritaires en termes d’environnement à horizon 2030 pour Saint-Martin. Services de l’État, Collectivité, grands opérateurs (EDF, SAUR, Verde, aéroport, transporteurs maritimes, etc.) aborderont ensemble la question des investissements nécessaires au développement des biocarburants et des panneaux photovoltaïques. La réunion de préparation à une future COP (conférence de parties initiées par l’ONU) aura lieu courant février en présence des représentants du côté hollandais.    

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