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Coller pour crier la réalité des femmes dans la société

Coller pour crier la réalité des femmes dans la société

28 October 2020
Le premier message a été collé cet été à Concordia. Un second fut repéré à Sandy Ground. Un troisième à Marigot. Le nombre de collages s’est ensuite envolé aussi vite que celui des féminicides en France Hexagonale : 146 meurtres de femmes en 2019. Les deux initiatrices, J. et K., nous retracent l’avènement du mouvement sur le territoire de Saint-Martin. De plus, elles recrutent.
 
Leur rencontre était une évidence. J., qui collait déjà à Paris, avait connaissance que le phénomène du collage ne s’était pas encore exporté sur nos terres. Quant à K., novice dans le domaine mais avec un engagement féministe plus axé sur les données scientifiques, elle lui a exprimé son désir de devenir colleuse, ignorant totalement lesavoir-faire de J. Trois jours après, elles collaient ensemble et n’ont jamais cessé de le faire jusqu’à leurs récents départs respectifs de l’île. Elles s’appliquent depuis à motiver les colleuses toujours sur place et à recruter celles qui n’ont pas encore osé sortir le seau à colle.
L’utilisation du collage comme moyen d’expression politique est une étape incontournable dans les mouvements révolutionnaires, clin d’oeil à la pionnière Olympe de Gouges. Les collages dénonçant les féminicides sont l’initiative de Marguerite Stern mi-2019. Les collectifs féministes où le groupe prédomine se sont ensuite multipliés en France et en dehors. Derrière chaque feuille, il y a une femme. Derrière chaque lettre, il y a un vécu. Derrière chaque collage, il y a une vérité. Que ça plaise ou que ça dérange.
 
Pas de barrière linguistique
 
Les deux femmes ont pris soin de coller des messages en français, en anglais, en créole et en espagnol, se faisant souvent aider par les femmes locales pour assurer la fidélité de la traduction. « Une femme sans homme, c’est comme un poisson sans bicyclette », « Asasina Fanm Lan », « Papa il a tué Maman », « No Estas Sola, Denuncia ! », « Silence is not an option », « Si tu insistes, c’est un viol », « Elle le quitte, il la tue », « Saint-Martin, plus haut taux de violences familiales en France » (donnée CESE 2017), collage arraché dans la foulée, preuve de la pertinence de ce constat. De par son expertise, K. a constaté le manque béant de statistiques en rapport aux violences faites aux femmes à Saint-Martin, l’absence de résultat est un résultat en soi. Les colleuses œuvrent dans une dynamique inverse de la politique de l’autruche, elles choisissent d’exposer, de dénoncer, de revendiquer, de hurler sur les murs pour rendre la parole aux femmes qui ne sont plus là pour faire valoir leur voix.
L’acte en soi est un véritable ascenseur émotionnel, même s’il est illégal, il est légitime aux yeux de J. : « Avant de coller, je n’avais pas conscience de ne pas être libre dans l’espace public qui est un endroit dangereux pour les femmes. Coller rime parfois avec insultes et tentatives d’agressions mais toujours avec déconstruction de ses propres schémas, et un grand soutien. En collant, tu te réappropries cet espace, c’est extrêmement puissant comme sentiment de libération. » K. : « Toutes les colleuses ont des intentions différentes, s’affirmer comme femme dans la société, utiliser le collage comme moyen pédagogique, éducatif ou revendicatif, ouvrir le dialogue avec les instances politiques, ou exprimer des souffrances après une agression. Face aux lenteurs de la justice ou à l’écoute amoindrie des forces de police, le collage marque une reconnaissance du vécu de la victime, ça lui rend son identité de femme et ça participe non seulement à son processus de reconstruction mais ça s’appelle surtout la sororité… la solidarité entre femmes. »
La cause féminine saint-martinoise a besoin de colleuses pour reprendre le relais. Même à distance, K. et J. s’engagent à fournir soutien, logistique, aide, conseils, elles sont joignables sur instagram via collages_feministes_sxm

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