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Projet d’application anticipée du PPRn : Un « non » franc et sans détour des élus du Conseil territorial

18 July 2019
C’est un Conseil territorial très consensuel qui s’est tenu mercredi matin à l’Hôtel de la Collectivité. L’union entre tous les élus de l'assemblée, a permis un vote à l’unanimité pour émettre un avis défavorable au projet d’application anticipée du PPRn proposé par la préfète et ses services de la DEAL. Des débats et un vote applaudis par les élus et le public présent dans la salle des délibérations.

Les cinq premierspoints à l'ordre du jour de ce Conseil territorial relevaient de questions de droit, relatif notamment au Code de l’Environnement, et de questions de l’administration territoriale. Ils ont été débattus et votés, quasi à l’unanimité, dans un court délai. Un vote d’abstention à la majorité (1 vote contre, celui d’un élu de la majorité, Jean-Raymond Benjamin) a même été observé quand il s’est agi d’approuver la liste des candidats proposés par les services de l’Etat pour composer le Conseil Scientifique Territorial du Patrimoine de Saint-Martin. Une abstention majoritaire venue se ranger derrière les arguments de conflits d’intérêt mis en exergue par l’élu de l’opposition Jules Charville, à la lecture du nom d’Anne-Marie Bouillé parmi les candidats, cette dernière étant également chargée de mission auprès du Conservatoire du Littoral. 

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REMISE EN CAUSE DE LA QUALITÉ DES ÉTUDES MENÉES

Quand est arrivé le tour du 6e point, celui relatif au projet de PPRn, les débats, passionnés, ont pris le devant de la scène. En préambule à ce point important inscrit à l’ordre du jour, le président Gibbs a insisté sur l’importance des enjeux de telles décisions réglementaires pour les saint-martinois qui ne peuvent être balayés en quelques mois : « Seulement quatre mois ont été donnés à la population, depuis mars dernier, pour comprendre les tenants et les aboutissants d’un tel projet. Sur la forme, ce n’est ni envisageable et ni supportable… Depuis près de deux ans, les saint-martinois ne cessent de voir de nouvelles réglementations arriver sur le territoire après tant d’années d’absence (…). Nous ne pouvons accepter ce règlement, c’est notre vie, notre histoire, notre avenir dont il s’agit ». Et le président a continué sur le fond même du projet de PPRn, remettant en cause la qualité des études menées par les experts après le passage de l’ouragan : « Les mesures de la montée des eaux ont été réalisées plus  d’un mois après le passage du cyclone. Des points de mesure forcément altérés avec le temps. De plus, pour le président, certaines données, en l’occurrence celles fournies par la bathymétrie (mesure des profondeurs et du relief de l'océan pour déterminer la topographie du sol de la mer) n’ont pas été prises en compte ». 

OUI À LA PRÉVENTION, NON À L’INTERDICTION

Le président Gibbs a également évoqué le fort impact du projet de PPRn sur l’activité économique : « Notre économie tournée essentiellement vers le tourisme impose une activité sur le littoral. Or, dans le projet de PPRn, c’est tout le littoral qui est frappé d’interdiction. Les conséquences en termes d’augmentation de primes d’assurances sont très fortes (…) Les investisseurs vont renoncer à venir s’implanter sur notre territoire. En conclusion, Daniel Gibbs indiquait être « conscient de la responsabilité qui pèse en termes de sécurité », mais évoquait le fait que l’Etat devrait revoir sa copie, accorder plus de temps  à la réflexion et changer sa méthode : « Le passage d’un cyclone est connu plusieurs jours en amont. Il y a un temps possible de préparation pour se protéger. Là où l’Etat serait utile, ce serait en prévoyant des abris pouvant contenir jusqu’à 3500 personnes et améliorer les systèmes d’évacuation des populations ». La sécurité des populations fait en effet partie des prérogatives de l’Etat. Des propos accueillis par les applaudissements de tout l’hémicycle. 

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UN AVIS DÉFAVORABLE SANS APPEL

L’élue Pascale Alix Laborde a rendu publiques les conclusions faites par la commission dédiée de l’Aménagement du Territoire, dont les conclusions de rejet dudit projet ont là-aussi été sans appel : « L’Etat veut imposer à Saint-Martin des règles importées tout droit de France métropolitaine, où les conditions ne sont pas les mêmes, et sans prendre en compte les particularités du territoire. Des règles de surcroît influencées par le lobby des assurances (…) A la lecture du projet de PPRn, il y a véritablement des risques d’expropriation et d’interdiction de reconstruction (…). Le projet de PPRn ne tient pas compte de notre économie touristique  (…) Les élus n’ont pas été suffisamment consultés : seules deux réunions avec certains élus et techniciens de la COM, mais aucune présentation à l’ensemble des élus (…) La commission s’oppose également à la prise en compte de l’ouragan Irma comme point de référence du PPRn, chaque cyclone a ses propres caractéristiques (…) Les études sont insuffisantes et la Commission conclut que c’est à la Collectivité qui a la compétence de l’urbanisme de déterminer les zones constructibles ou non (…) L’Etat doit rester dans ses règles régaliennes de protection des populations en proposant la construction de nouveaux abris anticycloniques de plus grande  capacité et en prévoyant des procédures d’évacuation ». La Commission dédiée émettait avec virulence un avis défavorable. 

LE CESC A RAJOUTÉ DE L’EAU AU MOULIN

Arrivant en fin de mandat à l’issue de ses 10 années passées à la présidence du CESC, Georges Gumbs, rendait pour la dernière fois l’avis du CESC sur ce dossier, et là aussi, le couperet est tombé : « La loi prévoit que le PPRn ne pourra être appliqué sans l’avis favorable de la COM ». Le président Gumbs fustigeait également un terme employé à vau-l’eau : « l’attachement à ce territoire », précisant que le saint-martinois ne se sentait pas concerné par ce terme, lui éprouvant « un sentiment d’appartenance à ce territoire » ! Et une fois n’est pas coutume, « Le CESC rejoint avec force l’avis défavorable qui sera donné par la Collectivité ». 
Le PPRn, un sujet qui continue de déchainer les passions et qui aura su, mercredi dernier, mettre au diapason tous les élus autour de la table, sous les applaudissements de l'assistance.

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Arrivant en fin de mandat, le président du CESC Georges Gumbs, a émis pour la dernière fois et avec le verbe haut qu’on lui connaît, l’avis de son Conseil, bénéficiant d’une oreille attentive de l’ensemble de l’hémicycle.


 LE GOUVERNEMENT N’A PAS TARDÉ À RÉAGIR 

Certainement informé dans les meilleurs délais des débats déroulés lors du Conseil territorial de mercredi, le Ministère des Outre-mer, pas plus tard que jeudi matin, adressait un communiqué indiquant la poursuite et l’amplification de la concertation avec la population avec la mise en place de permanences et la tenue d’une dernière réunion publique avant la fin du mois  : « A la demande des représentants du territoire, Annick Girardin, ministre des outre-mer, a voulu que la concertation se poursuive et s'amplifie. 
La Préfecture a mis en place une permanence pour toute personne ayant besoin d'explications précises sur sa situation mais également  pour les porteurs de projet qui solliciteraient un accompagnement. 
Il a été décidé que des traducteurs en anglais et en espagnol seraient mobilisés à cette occasion. Une dernière réunion publique sera organisée par la préfecture avant la fin juillet », est-il indiqué. 
Le ministère précise aussi que la commission d’enquête qui s’ouvrira par la suite « mobilisera trois commissaires enquêteurs déployés sur le territoire. Ils viendront à la rencontre des habitants de Saint-Martin et recueilleront l'ensemble des remarques qui pourront conduire à des ajustements. 
Des réunions publiques de concertation pourront être organisées dans les conseils de quartier ». 

 

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