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La doyenne de Saint-Martin fêtera bientôt ses 106 ans !

La doyenne de Saint-Martin fêtera bientôt ses 106 ans !

03 novembre 2023

Arrivée sur l’île au détour d’un voyage il y a 74 ans, Dorcille Barry ne l’a plus jamais quittée. Rencontre avec la doyenne de Saint-Martin. 

PARCOURIR L’ÎLE À PIED

L’histoire de Dorcille est indéniablement mêlée à celle de Saint- Martin. Le Saint-Martin de 1949, encore simple arrondissement de la Guadeloupe. Pas de réseau électrique, pas d’aéroport à Grand Case et tout juste un taxi sur l’île. C’est donc par bateau que la Dominicaine d’une trentaine d’années rejoint le territoire. Fervente catholique, elle participe à une procession religieuse autour de Sainte-Thérèse et tombe sous le charme du lieu. Suffisamment pour quitter sa Dominique natale et revenir s’y installer définitivement. Pourtant, la jeune femme est une habituée des îles qu’elle parcoure en bateau pour vendre des fruits et légumes aux voyageurs. Mais c’était sans compter le charme unique de l’île et de ses habitants. Elle demande au prêtre qui organise l’évènement de l’aider à se loger et revient donc quelques mois plus tard déposer ses valises dans une case créole de Saint James.

A cette époque, le tourisme de masse n’existe pas et il faut marcher des kilomètres pour se déplacer d’un bout à l’autre. Pas de quoi décourager la jeune femme qui arpente le territoire de long en large jusqu’aux recoins de Philipsburg avec son panier de fruits et légumes sur la tête pour vendre ses produits.

Ce qu’elle aime par-dessus tout, c’est la chaleur humaine et la solidarité des Saint-Martinois auxquels elle s’attache inexorablement. En grande passionne de cricket, (cousin du baseball), Dorcille réunit les femmes de son quartier en équipes et organise des rencontres sportives. Il faut dire qu’il n’y a ni cinéma, ni nightclub et que les habitants passent la majorité de leur temps libre ensemble, comme une grande famille. Les maisons sont construites avec la contribution de tous et on prend plaisir à se retrouver le soir autour d’un poulet rôti ou de Journey Cakes. En guise d’instruments, de simples pots et bâtons font l’affaire pour danser et chanter en rythme. Toutes les nationalités se rencontrent et cohabitent.

“I’VE HAD A GOOD LIFE”

En 1957, Dorcille épouse Jean-Noël Barry, un Saint-Martinois avec qui elle aura deux filles, Iris et Juliette, mais qui décèdera prématurément en 1975. Seule pour élever ses enfants, elle décide de s’appuyer sur sa foi chrétienne et travaille sans relâche jusqu’à 74 ans pour prendre soin de sa famille.

«I’ve had a good life», explique-t-elle pendant l’interview. Aujourd’hui âgée de 105 ans, celle que son entourage surnomme «batterie Duracell» reste alerte et attentive et se prête volontiers au jeu des photos et des questions, amusée par la popularité que lui apporte son grand âge. Son ainée veille tout de même à ne pas la fatiguer et fait l’essentiel du récit pour elle.

Avec son air presque enfantin et son regard taquin, difficile de croire que Dorcille soit née en 1918. Pas de cheveux blancs non plus qu’elle masque sous une coloration :«Pourquoi vous-voulez que j’ai des cheveux blancs? Je ne suis pas vieille !» se défend-telle en provoquant l’hilarité générale.

Grâce aux aides-soignantes du SSIAD et à l’assistance ménagère dont elle bénéficie, le quotidien de Dorcille est bien encadré et permet à Iris de conserver son emploi à plein temps. Un kiné vient régulièrement lui délivrer des massages et l’aider à faire de la gymnastique douce pour conserver le maximum d’autonomie. La centenaire se coiffe toute seule, mange toute seule et fait quelques pas quotidiens à l’aide d’un déambulateur. Le tout, sans problème de santé particulier. Elle reçoit simplement un traitement contre l’hypertension 2 fois par an : « Son médecin lui a dit que si tous les patients étaient comme elle, il aurait fait faillite, s’amuse Iris. Même lorsqu’elle a eu le Covid elle a juste pris des potages et un peu d’oxygène pour récupérer ». Comment expliquer une telle forme ? «Je mange surtout les légumes de mon jardin», rapporte Dorcille. Pas de tabac, pas d’alcool et beaucoup de bonne humeur. Elle apprécie notamment de jouer avec son petit chien « Snoopy », qu’elle ne quitte pas des yeux et accuse de faire un tas de bêtises.

Aujourd’hui, la doyenne qui n’a pas de petits-enfants préfère rester à son domicile et recevoir les visiteurs depuis son fauteuil. Un prêtre fait même le déplacement pour faire la messe directement dans son salon. Certains agents administratifs acceptent aussi de lui apporter les papiers à signer, même si tous ne jouent pas le jeu: «J’ai dû faire venir un service d’ambulancier pour l’emmener à la banque parce qu’ils ne me croyaient pas lorsque je disais son âge, raconte Iris. D’autres me demandent simplement de la mettre au téléphone pour être sûrs que ça ne soit pas une fraude.»

Quel regard Dorcille porte-t-elle sur l’île aujourd’hui, 74 ans après son arrivée ?: «Elle ne reconnait plus vraiment les quartiers, explique Iris. Ce n’est plus la même solidarité non plus. On se sent un peu perdues mais il faut savoir s’adapter au changement, c’est la vie ».

La centenaire soufflera sa 106ème bougie le 15 janvier prochain.  

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