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CRISE SANITAIRE : De mystérieuses rotations d’avions gros-porteurs russes

Par Valérie DAIZEY
27 April 2020

Depuis une dizaine de jours, on assiste sur le tarmac de l’aéroport Juliana, à un étrange et incessant va-et-vient d’avions gros porteurs, des Iliushin de la compagnie privée Global Dnepr Airlines, immatriculés en Russie. Peu, voire pas de cas, dans la presse locale ni nationale des missions conférées à ces avions cargo. Serait-ce en lien avec la guerre géopolitique menée tambour battant entre les Etats-Unis et la Russie, dont l’enjeu majeur est le pétrole de schiste vénézuélien, alors même que la crise sanitaire du Covid-19 sévit au niveau planétaire ?

Le 17 avril dernier, un avion gros-porteur russe Illiushin de la compagnie Global Dnepr Airlines, se posait sur le tarmac de Juliana Airport. Il était parti la veille de Maastricht (Pays-Bas) et avait réalisé une escale à Gander (Terre Neuve, Canada). Un entrefilet sur le site de ladite compagnie évoquait la livraison pour Sint Maarten de 5 respirateurs et du matériel nécessaire à l’installation d’une unité médicale mobile. Soit. L’avion redécollait de Sint Maarten pour Maastricht, via une nouvelle fois Gander. Puis de nouveau, le lendemain, ce même avion revenait à Sint Maarten, toujours selon le même trajet. Ce sont au total 3 rotations de la sorte qui ont été effectuées, jusqu’à jeudi de la semaine dernière, où ce sont deux avions Illiushin qui se sont simultanément posés sur le tarmac de l’aéroport de Juliana. L’un est reparti vendredi dernier, et le second y est encore à ce jour stationné.

tableau horaire

Des rotations, certes inhabituelles, mais qui pouvaient sembler crédibles face au contexte inédit imposé par la crise sanitaire. Même si, et cette fois à grand renfort médiatique, un avion militaire affrété par les Pays-Bas était déjà parvenu le 5 avril dernier délivrer du matériel médical dont celui pour l’installation d’un hôpital de campagne, du matériel de transport ainsi qu’un contingent d’hommes pour soutenir les autorités de Sint Maarten à lutter contre la propagation de l’épidémie.  

La zone Caraïbe, théâtre d’un conflit entre russes et américains

Toutefois, le stationnement prolongé depuis 4 jours du gros-porteur russe sur le tarmac de Sint Maarten nous a interpellés, nous incitant à mener quelques recherches complémentaires, et nous amenant à faire un lien avec le conflit mené entre les russes et les américains, avec en principal enjeu le Venezuela, et dont toute la zone Caraïbe est le théâtre.  

Selon les représentants du gouvernement russe, les Etats-Unis, sous couvert de démanteler un gigantesque trafic de narcotique, chercheraient à profiter de la crise sanitaire mondiale provoquée par le Covid-19 pour faire un coup d’Etat au Venezuela et renverser le président Nicolas Maduro, allié historique de la Russie. Mais ce serait en fait une stratégie politique pour mettre la main sur l’or noir que constitue le pétrole de schiste dont le Venezuela est le plus gros producteur mondial. Une manne pétrolière dont les Etats-Unis ont un besoin crucial pour surmonter la crise économique à laquelle le pays va devoir faire face.

Une crise géopolitique qui perdure depuis plusieurs mois, alors que le Venezuela est économiquement et socialement aux abois, et aggravée encore par, en janvier dernier l’auto-proclamation de président par interim de Juan Guaido, chef du parlement. Les Etats-Unis ont reconnu la légitimité de Guaido, alors que les russes sont un allié historique de Maduro. Depuis cette date, le conflit s’est envenimé entre les deux grandes puissances. Par la présence de deux présidents à la tête du Venezuela, la crise dans ce pays est en train de tourner au bras de fer diplomatique entre les Etats-Unis et la Russie.

Dans la grave crise économique et politique qu'il traverse, le Venezuela est ainsi soutenu par la Russie et la Chine, les principaux créanciers du gouvernement de Nicolas Maduro. La dette extérieure du pays est estimée à 150 milliards de dollars.

Les Etats-Unis mettent à prix la tête de Maduro pour 15 M$

La Russie a envoyé en ce début de mois d’avril des troupes militaires au Venezuela, par avions-cargos russes qui se sont posés à Caracas et y sont restés stationnés sous haute protection militaire. Les autorités russes ont affirmé que cette opération ne concernait qu’une coopération militaire et technique entre la Russie et le Venezuela. Selon les médias locaux, ces avions transportaient 99 militaires et 35 tonnes de matériel. Dans le même temps, le président Trump réclamait le départ de ce dispositif militaire et décidait de mettre à prix la tête de Nicolas Maduro, 15 millions de dollars précisément pour toute personne « ayant des informations menant à son arrestation ».

Un scénario de guerre

Selon plusieurs sources de médias, confirmées par l’AFP, un navire espion portugais, le RCGS Resolute, serait parvenu début avril à couler le bateau des gardes-côtes vénézuéliens venu l’arraisonner, à s’enfuir puis à se placer sous protection hollandaise à Curaçao. Pendant ce temps, La France et le Royaume-Uni ont dépêché sur la zone deux navires de combat, le porte-hélicoptères amphibie Dixmude et le porte-containers RFA Argus, pour apporter du matériel médical dans la zone Antilles Guyane, mais aussi semblerait-il des armes et des munitions sous couvert de transport de matériels anti-Covid-19. Un destroyer US et plusieurs navires de la Navy ont été placés sous le commandement de la Drug Enforcement Agency.

Serait-ce un véritable scénario de guerre -avec des enjeux politico-économiques et stratégiques- calfeutré par la crise du Covid-19, qui serait en train de se jouer sous nos yeux ?

A ce stade de la réflexion, la question qui réside toutefois est « pourquoi des avions gros-porteurs russes affrétés par une compagnie privée atterrissent à Juliana, alors que la Russie soutient le Venezuela face à la mobilisation des USA et des pays de l'OTAN ? Une question et une réflexion qui n’engagent que nous, mais qui restent à creuser…    

Valérie DAIZEY

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