Skip to main content

Sint Maarten : une gestion de la crise qui pose questions

Par Valérie DAIZEY
10 April 2020

Couvre-feu total décrété précipitamment sans possibilité d’anticipation par la population, une aide sociale qui s’improvise au jour le jour, un système de santé inexistant et une capacité de santé bien en-deçà des besoins actuels eu égard à la crise sanitaire… Face à la pandémie du Covid-19, la partie hollandaise de l’île qui habituellement se plaît à montrer « ce qui brille », se trouve aujourd’hui confrontée à sa réalité : une aide sociale inexistante, un système de santé défaillant, une misère sociale prégnante et une classe dirigeante grassement payée.

 

La Première ministre Silveria Jacobs s’est exprimée hier soir pour évoquer le nombre de cas contaminés encore actifs à ce jour et donner les dernières informations et mesures concernant le couvre-feu total.  Au jeudi 9 avril, Sint Maarten comptabilisait 39 cas actifs sur les 50 avérés positifs depuis le début de la crise, dont 2 personnes sont toujours hospitalisées dans un état critique et les 37 autres sont en confinement à leur domicile. Quelque 203 personnes présentant des symptômes ont été placées en isolement. Au total, la partie hollandaise a testé 134 personnes. 

Improvisation des livraisons de denrées alimentaires

S’agissant des livraisons de denrées autorisées du fait du couvre-feu total et de la fermeture des supermarchés et des épiceries, Silveria Jacobs a indiqué que les commandes devaient être effectuées entre 8h et 10h le matin. Les livraisons sont possibles la journée entre 8h et 16h, et les employés des supermarchés et des épiceries sont autorisées à travailler jusqu’à 18h pour préparer les commandes du lendemain.  Elle a précisé aux dirigeants des supermarchés et épiceries qu’ils devaient s’assurer que les produits commandés correspondaient bien à des produits de première nécessité. Absolument pas préparés à cette nouvelle façon de travailler, les livraisons peinent à s’organiser. En effet, pour ce faire, il faut des véhicules, des assurances spéciales, du personnel en conséquence, une gestion des stocks différente, etc…

400 repas distribués à ce jour aux personnes les plus vulnérables sur les 4000 demandes reçues

De son côté, le gouvernement a assuré procéder à l’approvisionnement des personnes les plus vulnérables, et jusqu’alors 400 personnes auraient été destinataires de panier-repas, en fonction d’une évaluation sociale préalablement réalisée, via un formulaire à remplir en ligne sur le site du gouvernement. Plus de 4000 personnes se sont inscrites dans ce dispositif, et une enquête sociale est réalisée avant la distribution de cette aide alimentaire. Elle a précisé que les premiers servis seront ceux dont les besoins seraient les plus importants.

Week-end Pascal, journées de jeûne imposé !

Elle a enfin précisé ce jeudi soir, que durant le week-end Pascal, les livraisons étaient interrompues dès le lendemain, vendredi Saint et le dimanche de Pâques. Deux journées fériées pendant lesquelles aucune livraison ne serait autorisée… Silveria Jacobs a néanmoins souhaité que les personnes aient anticipé cette période et aient fait les provisions nécessaires… Si ce n’est pas le cas, Silveria Jacobs compte sur la solidarité entre voisins pour partager les vivres.  

Pour la population, système « D » à tous les étages !

La population dont la majeure partie vit au jour le jour, cumulant des petits boulots qui permettent d’assurer le quotidien alors que le salaire mensuel minimum avoisine les 700 USD, a pour habitude de faire jouer le système « D ». Et selon nos sources, nombreux sont ceux aujourd’hui qui traverseraient la montagne permettant de rejoindre Concordia en partie française, depuis le quartier de Saint-Peters, en partie hollandaise, pour aller faire quelques courses dans les épiceries locales et le supermarché situé dans ce quartier de Concordia, puis repartir chez eux, avec leurs provisions.

Un geste des politiciens : ils renoncent à 10% de leur salaire !

GOUVERNEMENT SINT MAARTEN

Exprimant leur solidarité envers la population et face à un besoin urgent de liquidités pour faire face à cette crise sanitaire sans précédent qui débouchera certainement vers une crise sociale également inédite, les hauts responsables politiques, membres du gouvernement et du conseil des ministres, ont acté la mesure selon laquelle ils renonçaient à 10% de leur rétribution mensuelle… Une goutte d’eau face aux besoins importants auxquels vont devoir faire face les quelque 40 000 habitants que compte cette partie-là de l’île… Et un geste considéré comme « de sympathie » par le ministre des affaires étrangères des Pays-Bas, Raymond Knops, qui estime qu’ « il faut faire beaucoup plus en cette période de crise ».

Les Pays-Bas parlent de prêt et non d’aides directes

Dans le même temps, les dirigeants de Sint Maarten continuent leur lobbying auprès de la Couronne  des Pays-Bas pour que le gouvernement néerlandais vienne leur porter assistance et demande une aide directe « sans conditions ». Après l’assistance médicale parvenue dimanche dernier par avion militaire, le gouvernement des Pays-Bas a assuré dans le courant de la semaine, apporter une aide financière à Sint Maarten comme aux autres îles caribéennes de la Couronne, sous forme de prêt à taux zéro remboursable à partir de 2022, et non pas d’aide directe non remboursable. En effet, comme il l’avait fait après le passage dévastateur de l’ouragan Irma, en 2017, Le gouvernement des Pays-Bas impose à Sint Maarten, dans le cadre d’aide directe accordée, des conditions, notamment celle de pouvoir être en mesure de contrôler la destination de chaque euro donné. Après Irma, Sint Maarten avait refusé cette condition, et se voyait octroyés des prêts gérés par la Banque Mondiale. 

Des prêts qui pourraient devenir des subventions sous conditions

Avec la crise du coronavirus, ce sont également des prêts sous conditions qui sont proposés aux autorités de Sint Maarten. Et alors qu’elles avaient demandé une aide de 245 millions de NAF (soit environ 138 millions de dollars), le gouvernement des Pays-Bas consentirait un prêt à taux zéro de 50.5 millions d’euros, duquel il déduira 3 millions d’euros correspondant aux frais de détention des saint-martinois détenus dans les prisons néerlandaises.

RAYMOND KNOPS PAYS BASLe ministre Raymond Knops a toutefois précisé que ces prêts à taux zéro pourront devenir à l’issue de 2 ans des subventions si pendant cette période « les différents pays des Caraïbes néerlandaises ont « mis en œuvre des réformes permettant la réduction des dépenses de personnel, de disposer d'une gestion financière solide, d’augmenter les recettes fiscales, et d’investir dans des politiques (sociales, de santé, etc.) qui contribueraient à l’accroissement de la résilience du pays ».  

Une crise sanitaire qui a bien des égards pourrait venir ébranler la souveraineté du sud de l’île et mettre en exergue ses limites… 

Valérie DAIZEY

By continuing your visit to this site, you accept the use cookies to make statistics of visits.