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Accident mortel de Bellevue en mai dernier : 2 ans de prison ferme requis pour le motard

Par Valérie DAIZEY
25 November 2022
Dans la nuit du 22 au 23 mai derniers, Sarah, 37 ans, maman d’une petite fille de 8 ans, décédait des suites de ses blessures sur la route de Bellevue, après avoir été violemment percutée alors qu’elle circulait à scooter, par un conducteur d’une moto grosse cylindrée. Hier matin, se tenait en audience correctionnelle le procès de cet accident mortel, en présence du prévenu, le conducteur de la moto impliqué dans l’accident. Ce dernier encourt jusqu’à 15 ans de prison et une amende de 150 000 €. Le délibéré du procès sera rendu le 15 décembre prochain.
Une vive émotion régnait ce jeudi matin dans la salle d’audience du tribunal de Saint-Martin. Sur les bancs du public, la maman de Sarah et son mari, son frère, son compagnon, le papa de sa petite fille et sa compagne, sa tante… Des parties civiles assistées par deux avocats. Du côté de la défense, également assistée par deux avocats, le prévenu placé sous contrôle judiciaire depuis le 19 août dernier, sa maman accompagnée d’un autre membre de sa famille.
Les circonstances de l’accident ont été douloureusement évoquées par la présidente du tribunal : après avoir effectué un footing nocturne avec son petit-ami dans les jardins des Rastas de Bellevue, Sarah, aux environs de minuit, a repris son scooter (un 50cm3), casque sur la tête. Marquant un arrêt à la sortie des jardins des Rastas pour laisser passer un véhicule circulant dans le sens Cole Bay/Marigot, elle s’engage sur la route pour tourner vers la gauche, en direction de Cole Bay, son lieu de résidence, franchissant la ligne blanche qui sépare les deux voies. « Après un dernier signe dans ma direction, Sarah a traversé la route pour venir se placer dans la voie en direction de Cole Bay. Et c’est à ce moment-là que j’ai entendu le bruit très fort d’une moto arrivant depuis le rond-point de Bellevue. Sarah a dû l’entendre aussi car je l’ai vue se déporter complètement sur la droite. Après je n’ai plus rien vu car j’avais un arbre dans mon champ de vision, mais j’ai entendu l’impact… », explique son petit-ami appelé à la barre, qui a soutenu Sarah dans ses bras jusqu’à la fin. Un autre témoin capital dans cette affaire, le conducteur de la voiture qui venait de passer sur la voie dans le sens Cole Bay/Marigot et qui a vu la scène. Il s’est immédiatement arrêté et a barré la circulation avec son véhicule. Dans son témoignage, il dit avoir vu la moto arriver à très vive allure depuis le rond-point de Bellevue ainsi que le scooter sortant des jardins des Rastas. Courant précipitamment sur les lieux de l’accident, il découvrait alors les deux personnes allongées sur le sol, Sarah et le conducteur de la moto. Sarah décédait sur place et le conducteur de la moto était transporté, inconscient et dans un état grave à l’hôpital de Saint-Martin. Les premiers éléments relevés par les enquêteurs faisaient état de l’emplacement des corps et des véhicules : Sarah avait été projetée à 42m de la zone de l’impact, son scooter, coupé en deux par l’arrière, était à 18m. Quant au conducteur de la moto, il était retrouvé allongé à 32m du point d’impact. Des distances qui attesteront dans l’enquête de la violence du choc et par déduction de la vitesse excessive à laquelle la moto a le scooter de la jeune femme. Le prévenu à la barre, portant encore au visage et à un bras des stigmates importants, indique n’avoir aucun souvenir de l’accident : « Je n’ai rien vu, rien entendu, j’ai juste ressenti un impact, je suis tombé et j’ai perdu connaissance », expliquera le motard. Les enquêteurs ne relèveront d’ailleurs aucune trace de freinage sur l’asphalte. Quant à la grosse cylindrée, une Suzuki 1000cm3, elle avait disparu de la scène de l’accident et n’a jamais été retrouvée. Il s’avérait que cette moto n’était pas assurée, le prévenu venant tout juste d’en avoir fait l’acquisition. Le motard, J.P., était ensuite transféré à l’hôpital de Sint Maarten puis évacué vers le Panama, afin d’y être opéré. Il n’a finalement pu être auditionné par les gendarmes que le 19 août dernier et a été placé à cette date sous contrôle judiciaire, dans l’attente du procès.

Le prévenu ne reconnaît pas la très grande vitesse à laquelle il est présumé avoir circulé

Les analyses sanguines du prévenu révèleront un taux d’alcoolémie de 1.7gr d’alcool dans le sang par litre d’air expiré, « soit 3 fois plus que la mesure autorisée » a insisté l’avocate des parties civiles. Celles de Sarah révèleront la présence de substances de cannabis qui auraient été consommées dans les 12 heures précédant l’accident.
Alors qu’interrogé par la présidente du tribunal sur la vitesse à laquelle il circulait, le motard a répondu qu’à son avis il ne roulait pas vite. Une vitesse qui n’a toutefois pas pu être précisément déterminée, faute d’expertise réalisée dans l’enquête, la moto ayant disparu.
L’avocate des parties civiles mettait néanmoins en lumière une vitesse excessive, certainement dépassant de près de 100km/h la vitesse de 70km/h autorisée sur cette portion de route. « Les images d’une vidéo-surveillance capturées lors du passage du motard dans la rue de Low Town, peu de temps avant l’accident, démontrent la très grande vitesse du véhicule, ainsi que le bruit du moteur relevé par les témoins de l’accident. La violence du choc et la projection des corps à plusieurs dizaines de mètres du point d’impact témoignent également de cette forte vitesse ». L’avocate insistait sur « le comportement criminel des conducteurs de deux-roues qui roulent à tombeau ouvert, au mépris des autres usagers de la route (…), presque toujours alcoolisés et sous l’empire de stupéfiants (…) Sarah est la victime d’un comportement global criminel », plaidait-elle. La maman de Sarah demandait à la barre que le prévenu « pour le respect de ma [sa] fille, reconnaisse qu’il roulait à une vitesse excessive ». S’excusant pour ce drame auprès des familles et reconnaissant l’infraction face à l’alcoolémie, le prévenu ne reconnaissait toutefois pas avoir roulé à très vive allure et indiquait se trouver également en « situation de victime puisque paralysé d’un bras ». « C’était un accident », plaidait-t-il. Des arguments repris pas les avocats de la défense dans leurs plaidoiries qui ont insisté sur la prise de responsabilité de chacune des parties en demandant au tribunal « de chercher à être au plus près de l’équilibre, de la balance de la justice » dans le rendu de son jugement.
 
« Un drame qui ne relève pas de la fatalité mais de l’intention »

Dans ses réquisitions, le ministère public a estimé que « cette affaire dramatique n’est pas de l’ordre de la fatalité, mais de celui de l’intention ; la vitesse excessive motivée par le plaisir et le manquement aux obligations de sécurité semblent avérés ». Le procureur demandait au tribunal d’entrer en voie de condamnation et de prononcer la peine de 5 ans d’emprisonnement dont 3 ans avec sursis, l’annulation du permis de conduire ainsi que l’interdiction de conduire tout véhicule pendant 2 ans. Le tribunal rendra son délibéré le 15 décembre prochain.
En fin de procès, l’ex-compagnon de Sarah et papa de leur fillette de 8 ans, ainsi que sa compagne, estimaient amèrement que les débats n’avaient pas fait grand cas de la douleur et de l’atteinte psychologique de la petite fille d’avoir perdu sa maman brutalement, conjuguée avec son changement radical de vie, ayant dû quitter Saint-Martin où elle est née et vivait avec sa maman pour aller vivre à Saint-Barthélemy, avec son papa.
Pour mémoire, ce nouveau drame de la route impliquant des deux roues avait fait réagir une communauté de personnes dénonçant la délinquance routière à Saint-Martin perpétrée par les conducteurs de cyclomoteurs. Un collectif citoyen pour la sécurité routière était créé, transformé depuis lors en association.
Valérie DAIZEY

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