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Affaire « 400 toitures » : le procureur requiert la culpabilité avec dispense de peines

Par Valérie DAIZEY
21 January 2022
En janvier 2019, préfète déléguée Sylvie Feucher active l’article 40 du code de procédure pénalepour favoritisme et non-respect des règles de la commande publique. Le procureur est de ce fait saisi sans délai et ouvre une enquête qui débute en février de cette même année. L’affaire concerne l’opération « Réfections de 400 toitures » pour un budget de 5 M€, diligentée par la Collectivité en début d’année 2018, après le passage de l’ouragan Irma. L’enquête révèlera de nombreuses irrégularités dans les marchés publics passés, dont sept entreprises locales ont été bénéficiaires et dans le protocole transactionnel qui a ensuite permis de les payer. Et le tribunal mettra en exergue que la Collectivité ne peut financer des travaux pour des particuliers.
A la barre, le président Gibbs qui a été entendu par les enquêteurs sur cette affaire à deux reprises, pendant sa garde à vue en octobre 2019 et libre en novembre 2019, explique qu’après une visite en présence de la préfète, réalisée en début d'année 2018, de différents chantiers opérés par l’association des Compagnons Bâtisseurs, il décide que la Collectivité mette en œuvre une opération pour aider des personnes vulnérables et en situation précaire en réhabilitant les toitures, d’autant que 60% de la population n’avaient pas d’assurance habitation. C’est l’opération 400 toitures pour laquelle un budget de 5M€ est voté. Un budget interpelle le tribunal puisqu’il n’atteint pas la limite des 5.2M€ au-dessus de laquelle le contrôle de légalité intervient dans le cadre des marchés publics. « Etait-ce un coup de com’, des cadeaux à faire à de potentiels électeurs ? », interpelle la présidente du tribunal, Françoise Gaudin. Le président Gibbs rétorque « Je suis un homme politique, je prends des décisions politiques que mes services doivent ensuite mettre en musique ».
 
Fausses notes dans la partition !
 
Le marché, constitué de 4 lots, pour 3 quartiers de Saint-Martin (Sandy Ground, Quartier d’Orléans et Grand Case) et 1 lot pour la fourniture des matériaux, a été truffé d’irrégularités, avec des entreprises contactées en amont de l’appel d’offre. Un accord cadre à bons de commandes a ensuite été acté, suite à l’infructuosité de l’appel d’offre sur deux lots. Parmi les sept entreprises retenues (MWI, Sosamart, Omega constructions, Saint-Martin Matériau, HardTech, Saint-Martin Charpente et Couverture et Orléans Hardware), le tribunal a relevé des différences de prix très importants : 103 000 € pour MWI et 2865 € pour Saint-Martin Charpente et couverture, par exemple. De plus, certaines de ces entreprises à avoir remporté ces marchés n’ont pas présenté les documents obligatoires, tels que l’assurance décennale. Au final, une dizaine de toitures a été restaurée, pour un montant total de 352 000 €, « une moyenne de 35 000 euros par toiture, un montant élevé puisque la prestation ne comprenait que la main d’œuvre et pas les matériaux… », a relevé la présidente du tribunal qui par ailleurs a estimé «un marché très sous-évalué, car avec le projet de restaurer 400 toitures, le budget à prévoir avoisinait les 17 M€… ». En tout état de cause, le marché a été arrêté, la préfète ayant estimé un marché truffé d’irrégularités par ailleurs que des travaux réalisés avec de l’argent public ne peuvent être en faveur de particuliers sauf en période d’urgence impérieuse. Ce qui n’était plus le cas. Le comptable public ayant refusé de payer les factures, des protocoles transactionnels ont alors été actés en conseil exécutif afin d’engager les dépenses pour payer les entreprises qui ont réalisés les travaux, mais n’ont pas passé le cap du contrôle de légalité, d’où le déclenchement de l’article 40 par la préfète Feucher.
Un dossier que le procureur Sicot a jugé tendancieux : « Certes, il faut être au courant des règles de la commande publique, mais rien n’a démontré que Daniel Gibbs a favorisé une entreprise par rapport à une autre (…) C’est aux services compétents de la Collectivité que revient la mission de mettre en place les marchés y afférents ». Considérant toutefois que l’infraction existe matériellement, même si la pratique irrégulière des marchés publics était récurrente depuis avant l’arrivée au pouvoir de Daniel Gibbs en 2017, il requiert d’entrer en voie de condamnation pour le délit de favoritisme sans prononcer de peines, nonobstant que ces marchés pour reconstruire des toitures ont été mis en œuvre dans un contexte particulier, post-Irma. Le tribunal rendra sa décision le 24 février prochain.
Valérie DAIZEY

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