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Enquête d’incidence sur un dépôt d’armes à Grand Case

Par Valérie DAIZEY
05 November 2021
Dans le cadre d’une enquête d’incidence consécutive à l’enquête initiale relative aux sévices mortels perpétrés sur des animaux domestiques courant du mois de septembre dernier, une perquisition a été menée dans l’habitation d’un résident de Grand Case et un dépôt d’armes a été découvert par les enquêteurs. Placé sous contrôle judiciaire depuis sa sortie de garde à vue, l’homme était jugé mercredi en audience de comparution immédiate au tribunal de Saint-Martin, après un premier renvoi d’audience qui avait eu lieu le 8 octobre dernier.
 
Suite à l’empoisonnement des animaux domestiques, une instruction était ouverte conduisant à la perquisition au petit matin du 23 septembre dans l’habitation d’un résident de Grand Case. Les gendarmes découvraient alors tout autre chose que ce qu’ils cherchaient : dans un coffre-fort fermé par un code, était placé tout un arsenal d’armes, de catégorie C, en l’espèce 6 carabines et 1 fusil, de catégories A et B, 1 fusil d’assaut et 2 révolvers, et de catégorie D, 1 pistolet d’alarme, 1 carabine à plomb et 1 carabine à air comprimé. Plus de 450 munitions étaient également découvertes, toutes en rapport avec les armes et 2 pistolets étaient chargés. Un délit faisant encourir à une peine de 5 ans d’emprisonnement et à une amende de 75 000 euros. L’homme était alors interpellé et placé en garde à vue pour être entendu sur ces découvertes collatérales à la première enquête.
 
L’affaire dans l’affaire
 
Un cadre juridique compliqué avec en effet une affaire arrivée en incidence de celle menée sur les empoisonnements de chiens, pour laquelle l’instruction est toujours ouverte. Une faille que n’a pas manqué de relever la défense du prévenu pour demander la nullité de l’entièreté de la procédure : aucun indice préalable n’a été relevé justifiant d’une perquisition puis d’un placement en garde à vue de son client, comme le requiert le code de procédure pénale dans le cadre de l’ouverture d’une instruction, et l’avocate considère alors qu’il y a eu violation de domicile de son client par les gendarmes. En effet, « au petit matin du 23 septembre dernier, enquêtant sur l’affaire des empoisonnements de chiens, les gendarmes sont munis d’un mandat de perquisition pour cette affaire, et seulement celle-ci, et aucunement dans le cadre d’une affaire de détention d’armes. Ils ont pénétré au domicile du prévenu pour y chercher des preuves de culpabilité de l’homme, alors que ce dernier était parti acheter le pain et que le portail de son domicile était fermé et soumis à un code pour s’ouvrir », explique la défense, demandant la nullité pure et simple de l’ensemble de la procédure, de la garde à vue et également de la saisie des armes, et demandait au tribunal de condamner l’Etat à verser 6000 € au prévenu, face aux importants frais de justice engagés.
 
«Pas de flagrance dans ce dossier»
 
Le procureur n’ayant pas eu connaissance au préalable des conclusions de la défense, et face à cette requête de nullité eu égard à la forme de la procédure, assortie d’une condamnation à payer de l’Etat, le procureur demandait au tribunal de consentir à une suspension d’audience, le temps que soit joint au dossier le procès-verbal constatant la flagrance dans le cadre de l’affaire des sévices sur animaux. Le tribunal suspendait l’audience pendant 1 heure afin de délibérer sur l’incidence et ordonnait de prononcer la flagrance du délit.
De nouvelles pièces arrivaient dans le dossier : des images de vidéo-surveillance montrant un pick-up dans le quartier de Cul de Sac dont la plaque d’immatriculation n’est pas entièrement lisible, ainsi que le témoignage d’une personne sur le décès de deux chiens à Cul de Sac, indiquant également que l’homme suspecté avait eu des animaux décédés suite à des morsures de chiens. L’avocate démontait ces maigres pièces ne prouvant nullement la culpabilité de son client : « Mon client n’est pas le seul sur cette île à posséder ce même type de véhicule dont la plaque d’immatriculation n’est pas lisible sur ces images et le témoin dit qu’il l’a vu à Cul de Sac, mais mon client habite Grand Case… ». L’avocate demandait le maintien de la nullité de la procédure, le tribunal n’ayant pas été saisi régulièrement. Selon elle, cette affaire de dépôt d’armes ne peut pas être traitée alors que celle des empoisonnements de chiens est toujours en cours.
 
Des armes pour chasser les iguanes et les singes
 
Le procureur indiquait cependant que les pièces fournies au dossier étaient suffisamment éloquentes et que l’incident était joint au fond. Ceci étant clos, Le tribunal entrait alors dans l’affaire du dépôt d’armes.
Le prévenu expliquait au tribunal que ces armes appartenaient à la famille depuis plus de 30 ans et certaines provenaient des Etats-Unis, pays pour lequel le prévenu détient aussi la nationalité en plus de la nationalité française et indiquait avoir servi au sein de l’armée américaine. Le frère du prévenu avait également des armes à son domicile, et détenait un permis de port pour 4 d’entre elles, ainsi qu’un permis de chasse. Un autre frère décédé peu de temps avant le cyclone Irma en détenait également. Avec le passage de l’ouragan Irma en septembre 2017, la maison du frère a été détruite et la famille a décidé de regrouper toutes ces armes en un seul et unique endroit, dans un coffre-fort acheté pour l’occasion, placé au domicile du prévenu. « Les armes sont issues de toute la famille, mon frère s’en sert quand il vient chez moi pour chasser les singes, quant à moi il m’arrive d’utiliser les armes que les gendarmes ont retrouvé chargées pour tuer les iguanes qui menacent de démolir les piliers qui supportent ma maison. Les armes sont en sécurité dans un coffre-fort fermé à l’aide d’un code que je suis le seul à connaître », se défend-t-il, mettant en évidence sa culture plus tournée vers les Etats-Unis que vers Hexagone, au regard de la détention d'armes.
Mettant en exergue de nombreuses contradictions et incompréhensions entre les déclarations du prévenu faites aux enquêteurs et celles faites devant le tribunal, le procureur mettait en doute la véracité de ses propos. Toutefois, devant l’absence de tout antécédent judiciaire il requérait une peine de jour-amende de 240€ à 10€, une interdiction de détenir une arme pendant 8 ans, la confiscation de l’ensemble des scellés ainsi que du coffre-fort.
Le tribunal rejetait la demande de nullité et suivait partiellement les réquisitions du procureur : En sus des 240€ à 10 € de jour/amende, il condamnait le prévenu à la saisie des armes, à l’exception de celles de catégorie D et prononçait l’interdiction de détenir une arme pendant 5 ans.
 
Valérie DAIZEY

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