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Justice : l’affaire de l’Observatoire de la Santé jugée hier

Par Ann Bouard
24 September 2021
Interpellé le 13 août 2018, suite à une perquisition dans les locaux de l’hôpital Louis Constant Fleming, et placé en garde à vue, un médecin attendait depuis lors d’être jugé. Après de multiples renvois de l’affaire, le chirurgien-gynécologue était convoqué hier matin pour la cinquième fois devant le tribunal pour répondre des chefs d’inculpation d’abus de confiance, de non désignation de commissaire aux comptes et de prise illégale d’intérêts. A ses côtés, le directeur de l’une des structures cogérée par le médecin (l’Observatoire de la santé) accusé lui aussi d’abus de confiance et non désignation de commissaire aux comptes.
 
Au même titre que les deux hommes, l’association «L’Observatoire de la santé CTESS», dont le docteur en est le président et le second prévenu le directeur, est également poursuivie en tant que personne morale. Un dossier complexe et conséquent pour les magistrats qui ont dû relater des faits datant de 2015 et reprendre les éléments de l’enquête menée en 2018.
 
Des imbrications complexes
 
Créée en octobre 2010 sous l’impulsion de la Collectivité de Saint-Martin, cette structure avait pour mission de collecter, analyser et coordonner les données sanitaires, sociales et épidémiologiques, réaliser des études et en diffuser l’information aux institutions locales sur les besoins prioritaires en matière de santé publique, pour les deux parties de l’île.
En parallèle le médecin crée en 2013 une entreprise de droit privé néerlandais, Health Destination, dont il revend 30% des parts à Madame P. L’hôpital LCF signe une convention avec cette société et lui confie la mission de recouvrer les factures des patients de Sint Maarten par le biais de l’assurance SZV. La société se rémunère par une commission de 15% sur chaque facture recouvrée. Le médecin assure par ailleurs des traductions médicales pour lesquelles il est rémunéré.
En 2014 il est membre de la commission médicale d'établissement de l'hôpital Louis Constant Flemming et devient en 2015 vice-président du directoire. A ce titre il participe à toutes les prises de décisions de l’hôpital.
Par ailleurs l’hôpital rémunère le médecin pour ses fonctions de chirurgien-gynécologue (entre 6 000 € et 8000 € mensuels au moment des faits) et le met à disposition de l’Observatoire de la Santé cinq demi-journées par semaine. C’est pourquoi il est accusé de prise illégale d’intérêts car selon la loi française, il ne peut inciter une institution où il a un pouvoir décisionnel de signer un accord commercial avec une société dont il est le Président.
Dans le même temps un différend avec Madame P, qui porte plainte à son encontre, et une dénonciation anonyme faisant état d’emplois non déclarés (ou tardivement) vont lancer toute l’affaire.
 
Une gestion compliquée et aléatoire
 
Le 30 juin 2015, la convention pour l’attribution des fonds européens (fonds Feder) est signée par Aline Hanson alors présidente de la collectivité et le docteur. 578 777 € sont attribués par arrêté territorial à l’Observatoire de la Santé. La Collectivité effectue un premier versement de 200 000 € en septembre 2015 pour la mise en œuvre des actions. Mais selon l’enquête cette somme aurait servi à régler des dépenses non éligibles ou sans justificatifs. Le reste de la subvention fait l’objet d’un second versement le 23 décembre 2015. Des dates qui ont toute leur importance car dans le cadre des subventions, leurs affectations sont soumises à un calendrier, dans le cas présent avec une Dead line fixée au 31 décembre de la même année. Le directeur, dans la logique de projet aurait commencé à travailler bien en amont. Il lui est attribué un salaire de 30 000 € mais du coup hors du périmètre temporel. Le médecin lui assure n’avoir jamais touché de rémunération sur l’association et n’avoir tiré aucun bénéfice personnel de ces activités.
 
Les indemnisations financières au cœur des débats
 
La Collectivité et l’hôpital se sont portés parties civiles. Si l’une demande un renvoi sur les intérêts civils, l’autre réclame la réparation du préjudice économique, d’une part sur les salaires versés soit 236 810,21 € et d’autre part sur les factures de patients non recouvrées à ce jour soit 99 887,29 € ainsi que
4 000 € pour préjudice moral.
Dans son réquisitoire le procureur, a repris chaque chef d’accusation. Sur l’inculpation d’abus de confiance, il a admis qu’au final peu d’éléments tangibles peuvent être retenus, si ce n’est que la gestion de ce projet relevait de l’amateurisme total. Cette infraction n’est pas suffisamment caractérisée pour entrer en voie de condamnation selon lui.
Pour la non désignation du commissaire au compte, qui elle aussi selon le substitut du procureur s’inscrit dans une négligence de la part des dirigeants, il y avait là par contre une obligation de le faire. Si le directeur, dans les faits, ne dirigeait rien du tout il doit cependant aujourd’hui assumer la responsabilité de la fonction et suggère à ce titre une amende de 5000 € avec sursis. Sur la prise illégale d’intérêts du médecin, plus grave à ses yeux, il a estimé que celle-ci était évidente et que ses explications n’étaient pas convaincantes. Il a estimé le montant de l’amende sur la base des profits que ce serait attribué le médecin soit 53 000 € et a demandé comme peine complémentaire une inéligibilité pendant cinq ans et la diffusion de la condamnation dans un support de presse à ses frais.
Les avocats des deux prévenus demanderont à l’issue de leurs plaidoiries la relaxe de leur client et que les parties civiles soient déboutées de leurs demandes. Prochain et dernier rendez-vous pour cette affaire le 18 novembre pour connaître la sentence du tribunal.

Ann Bouard

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