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Huissiers de justice, les limites à ne pas franchir

Par Ann Bouard
03 July 2020
Sur les huit chef d’accusation associés à cette affaire, impliquant deux huissiers de l’île, sept avaient d’ores et déjà fait l’objet de non lieux. Mais il en restait un, la prise illégale d’intérêts par dépositaires de l’autorité publique dans une affaire dont ils assuraient le paiement ou la liquidation. Un dossier complexe où se mêlent intérêts privés et publics et qui a connu sept années d'instruction.

Le propriétaire d’une laverie, fait le déplacement depuis la métropole pour négocier avec son locataire le paiement des arriérés de loyers. La discussion tourne mal et le locataire en vient à le menacer d’un cutter. Le propriétaire s’en remet donc à l’étude des huissiers, voisine de la laverie, pour demander que lui soit adressé un commandement de payer. Ce dernier lui est remis le 7 novembre 2012. Aucun accord ne semble possible entre le bailleur et le locataire. Le 12 novembre, le locataire remet les clés de son commerce à l’étude des huissiers. Le 20 novembre, les deux huissiers signent les statuts d’une nouvelle société et mettent en place un gérant pour exploiter la laverie. Trois semaines plus tard le commerce reprenait son activité.
 
Vie privée et vie publique ne font pas bon ménage
 
Vue sous cet angle, l’affaire peut paraître simple, si ce n’est que les protagonistes sont tous intimement liés. Le propriétaire est l’ex-mari de Madame l’huissier, le nouveau gérant partage sa vie à l’époque des faits, son associé dans la laverie l’est également à l’étude des huissiers de justice. Un vrai vaudeville qui a déclenché toute l’affaire car c’est à la séparation du couple huissier-gérant, trois mois après la reprise de la laverie, que les choses se sont envenimées.
Les deux huissiers sont accusés d’avoir fait pression sur le locataire pour qu’il leur cède leur commerce. Ce dernier l’aurait fait de son plein gré et les huissiers ont épongé sa dette locative avec leurs deniers personnels (7000 € chacun). Une fois les clés récupérées, ils créent une société, pour permettre au compagnon de madame, qui ne travaillait pas, restait à la maison ou trainait dans la rue (sic) de trouver un travail, sachant que la gestion n’est pas son fort, il a connu plusieurs faillites et ne dispose même plus de compte en banque. Lors de leur séparation, il porte plainte, soutenu par l’ancien locataire.
Tout cela s’expose dans une ambiance électrique devant le tribunal, Madame l’huissier arguant « je fais ce que je veux, si je veux j’expulse, je n’ai pas de leçon à apprendre » ; le juge devra lui demander de baisser d’un ton. L’autre huissier dira pour sa défense qu’il a fait cela pour rendre service, qu’effectivement cela lui a un peu effleuré l’esprit que la transaction n’était peut-être pas si légale, mais que c’était la première et dernière fois.
 
Huissier de justice, une profession à part ?
 
Comme le rappellera le procureur, lorsque l’on est dépositaire de l’autorité publique, on doit éviter de mélanger affaires publiques et privées. Mais dans les faits, cette affaire ressemble plus à un délit d’initié et sur le principe on ne peut que condamner ces petits arrangements dira le Ministère Public. Il requiert une peine à visée pédagogique et aucune peine complémentaire, soit quatre mois de prison avec sursis, et une amende de 8 000 € dont la moitié avec sursis pour chacun d’entre eux. La défense réclamera la relaxe pour les deux prévenus afin qu’ils soient totalement blanchis dans cette affaire.
Le verdict du tribunal sera rendu le 22 octobre prochain.

Ann Bouard

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