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Logements sociaux : difficultés juridiques et financements

Par Ann Bouard
30 May 2025

Lors du dernier Conseil territorial du 23 mai, le rachat par la Semsamar d’une parcelle de terrain à Terres Caraïbes a fait débat. Mais cela pose surtout question quant à l’élaboration technique et juridique des dossiers et plus largement sur l’application du droit local.

La Collectivité, n’ayant pas les moyens de mobiliser les fonds nécessaires pour étendre son foncier dans un laps de temps relativement court, avait adhéré à l’établissement public foncier de Guadeloupe (EFP) en 2024, aujourd’hui nommé Terres Caraïbes, afin de pouvoir réaliser ses projets. À charge à elle, ensuite, de rembourser les échéances pour récupérer les titres de propriété.
Dans le cas présent, Terres Caraïbes a fait l’acquisition en mai 2024 d’une parcelle de 1,97 hectare à Cul de Sac destinée à accueillir un programme de 159 logements sociaux (en bail réel solidaire ou en accession). Or si Terres Caraïbes dispose de l’agrément en tant qu’office foncier solidaire, elle ne peut intervenir sur le territoire dans le cadre d'un programme de logements sous baux réels solidaires.  Saint-Martin n’est en effet pas assujettie à la réglementation nationale en matière de baux réels solidaires et dispose de son propre Code de la construction et de l’habitat. Concrètement, Terres Caraïbes ne peut assurer le portage du foncier sur ce type de logement. Il fallait donc un tour de passe-passe pour que ces fameux logements puissent sortir de terre.
La parcelle sera donc rétrocédée à la Semsamar, « pour sa capacité d’intervention rapide » a indiqué le Président Mussington pour 1 887 920 €, soit le prix d’acquisition initiale par Terres Caraïbes (1 729 000 €),  les frais de notaire (20 600 €) et les droits de mutation (138 320 €). Le programme permute vers des  logements locatifs sociaux.

Un Code local restrictif

Pour couper court au débat, Louis Mussington a rappelé «l’urgence d’avoir des logements décents, pour héberger dignement les familles». À ce jour les besoins seraient évalués à environ 3500 logements. Il a sollicité un vote unanime dans l’intérêt de la population. Sur le principe les membres de l’opposition étaient d’accord sur la nécessité de ses programmes, mais la manière de procéder a, elle, été remise en cause.
Mélissa Rembotte a en effet souligné que la commission urbanisme et affaires foncières, à laquelle elle participe, n’a pu statuer sur le dossier faute d’éléments, certains arrivant au fil de l’eau, certains étant contradictoires.
Marie-Dominique Ramphort, puis Jules Charville ont soulevé la problématique du Code de la construction et de l’habitat de Saint-Martin, s’interrogeant sur le fait qu’il n’ait pas été modifié depuis 2024, afin d’inscrire la disposition nationale : pourquoi dans ce cas mandater un établissement qui ne peut intervenir ? Comme l’a soulevé également Daniel Gibbs, ce problème technique et juridique peut se poser à nouveau dans les prochains mois dans des situations similaires.
À l’issue des débats, la délibération pour la rétrocession de la parcelle a finalement été approuvée avec à 11 voix pour. La Team Gibbs (4 voix) n’a cependant pas souhaité prendre part au vote et celle de Jules Charville (2 voix) s’est abstenue.
Un premier obstacle a été franchi, mais pour que ces logements sortent de terre d’ici deux ans, reste encore à trouver les financements. Le contrat de convergence, soit 6 M€  (à parts égales entre l’État et la Collectivité) est loin de couvrir les 27 M€, chiffrés pour ce projet. Le Président a indiqué qu’il solliciterait l’aide des différents ministères, dont celui du Logement lors de son prochain déplacement à Paris pour trouver les financements complémentaires.

Ann Bouard