Cati Burnot : Derrière le regard de l’artiste

Le 97150 : Comment avez-vous cheminé vers l’art ?

Cati Burnot : J’ai eu la chance d’avoir une grand-mère très originale qui me laissait peindre, dessiner et exploiter mon potentiel pendant qu’elle grattait sa guitare. Elle m’a même laissée faire une fresque murale chez elle. En grandissant, j’ai ensuite poursuivi sur cette voie en parallèle d’autres activités et ma pratique s’est enrichie au fil de mes voyages. Le Japon, et l’Afrique aussi qui m’a inspirée le goût des couleurs. Les hommes y portent des boubous roses et ça n’a rien de tabou. En Métropole, on a l’impression que le climat fait perdre cette couleur à la nature et même aux gens. Y compris dans la décoration des maisons où tout est beige et blanc. J’ai eu tendance à me restreindre moi aussi en écoutant un peu trop mes amis. Puis un jour, j’ai rencontré un critique d’art qui a demandé à voir mes tous premiers tableaux d’enfant et qui m’a dit que j’étais instinctivement coloriste. Que j’avais un talent dans ma manière de jouer avec les pigments, de les assembler, de les marier et de les exploiter. Moi, j’étais convaincue d’être un « bébé peintre », et lui m’a expliquée que l’important, ce n’était pas d’être techniquement parfait, mais de réussir à faire passer des émotions. Ça m’a marquée. J’ai arrêté d’écouter les autres et j’ai appris à être plus libre, à me faire confiance.

Le 97150 : Vous pratiquez une technique assez particulière qui est le glacis flamand, pourquoi avoir choisi cette technique ?

Cati Burnot : C’est une méthode chinoise qui a 150 ans et dont se sont inspirés les Flamands lors de leurs voyages en Chine. En rendu, ça ressemble à plusieurs papiers de bonbons transparents superposés sur lesquels on viendrait déposer des éléments à chaque couche pour donner de la profondeur. C’est une technique très spécifique qui se rapproche de la transparence du verre ou des fleurs en nacre. J’ai aussi travaillé sur le marbre et le bois pour dompter les matières, sachant que chaque morceau de bois a des veines de densités différentes, et que le marbre est un gros caillou qui raconte une histoire avec musicalité et harmonie. La technique du glacis n’aime pas la chaleur, et comme un cuisinier, j’ai dû revoir ma recette et la réadapter pour l’importer à Saint-Martin. A cause du climat, ça peut prendre un an à sécher et même rassir. C’est une peinture fragile que j’essaie de protéger avec une fine couche de vernis même si l’on n’est pas à l’abri des accidents.

Le 97150 : Pour ceux qui ne vous connaissent pas encore, pouvez-vous décrire votre vision artistique ?

Cati Burnot : Le glacis permet de faire plus vrai que nature, parce que dans la nature, on retrouve une harmonie, des formes carrées et longues que l’oeil reconnait tout de suite. Moi, ce que je veux, c’est que l’imaginaire soit sollicité lorsque l’on s’arrête sur mes toiles. Je travaille sur le ressenti, et certains suspendent même les tableaux dans un sens différent en suivant leur propre ressenti. J’aime que l’on s’approprie mes toiles. Je suis fière d’être médaillée d’or de l’école d’art de Bruxelles et d’avoir appris à utiliser les accidents en ma faveur. C’est tout l’art de la création : savoir rebondir, mettre sa touche, savoir quand s’arrêter aussi. Avec cette exposition, je fais la moitié du chemin et vous l’autre. Vous verrez donc tantôt des formes aquatiques, astrales ou végétales, voire une paire de seins, le corps d’une femme enceinte, un foetus, etc. Des choses que je ne réalise parfois pas moi-même. Car quand quelqu’un écrit ou que l’on peint, on se révèle nous aussi, par-delà notre conscience.