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Immigration : Saint-Martin n’est plus un eldorado !

Par Ann Bouard
11 juillet 2023

Si Saint-Martin était une terre d’attractivité avec l’arrivée de populations étrangères importantes dans les années 80, il n’y a plus de phénomène migratoire massif et le flux de migrants s’est stabilisé. Cependant l’arrivée de bateaux de ressortissants haïtiens et plus récemment de personnes en provenance du Cameroun interpelle à nouveau sur le sujet. L’occasion de faire le point avec le Préfet Vincent Berton et Catherine Choisi, cheffe du service citoyenneté, immigration de la Préfecture.  

Entre 1982 et 1990, la population a été multipliée par 3,5 du fait des besoins en main d’œuvre engendrés par le développement immobilier et touristique de l’île. Mais à partir des années 1990, l’immigration massive s’estompe et la croissance devient plus pondérée (+1,4 % en moyenne par an entre 1990 et 2008) avant d’entamer une baisse régulière accentuée en 2017 avec Irma. La population diminue depuis de 1,5 % en moyenne par an et selon le dernier recensement la partie française de l’île compte 32 358 habitants. Un chiffre qui englobe les personnes en situation irrégulière puisque le recensement se fait sans considération de papier. Aujourd’hui, Saint-Martin est plus une zone de transit qu’une destination finale.

LA COMPLEXITÉ DE L’UNIFORMISATION

Toute la difficulté du contrôle des flux migratoires réside dans la différence de réglementation entre le nord et le sud de l’île. Récemment quelques aménagements ont cependant été faits pour tenter d’uniformiser les choses comme l’évolution de l’arrêté portant obligation de présenter un visa pour les ressortissants du Venezuela depuis juillet 2021. Si ce visa ne leur est pas demandé en Guadeloupe, il l’est désormais à Saint-Martin. A contrario, une réflexion est menée pour les Colombiens qui n’ont pas d’obligation de visa en partie néerlandaise, mais doivent en produire un pour la partie française.

Indépendamment de ces deux nationalités, ce sont les haïtiens qui représentent la majorité du flux migratoire qui reste cependant stable, devant les ressortissants de la Dominique, la Jamaïque, Sainte Lucie, St Kitts et plus récemment du Guyana. Une immigration essentiellement économique ou pour rapprochement familial.

QUE DEVIENNENT LES MIGRANTS ?

La France reconnait le droit d’asile et à ce titre toute personne menacée peut faire une demande auprès de la Préfecture. Ce fût le cas d’une partie des haïtiens arrivés par bateau à Galisbay. Leur dossier a été instruit par l’office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). A l’issue d’un entretien, en visioconférence pour Saint-Martin, l’OFPRA décide de la recevabilité, mais en cas de refus la personne est reconduite à la frontière. A ce jour, les demandes d’asile n’ont pas encore toutes été notifiées et ceux ayant faits une demande de titre de séjour ont été déboutés. Ils avaient un mois pour quitter le territoire de manière volontaire. Difficile cependant de savoir le nombre de départs, la majorité des personnes qui s’y soumettent repartant via Juliana, et les autorités néerlandaises ne transmettant pas systématiquement le formulaire de départ. Les personnes arrivées par bateau à Sandy Ground ont été transférées au centre de rétention administrative de Guadeloupe tout comme les camerounais arrivés eux aussi par bateau mais dont la destination n’était cependant pas Saint-Martin mais les îles américaines. A Saint-Martin les migrants ne peuvent être détenus plus de 48h.

DES OBLIGATIONS DE QUITTER LE TERRITOIRE AU-DESSUS DE LA MOYENNE

L'obligation de quitter le territoire français (OQTF) est délivrée par la Préfecture dans trois cas de figure : un refus de titre de séjour, un rejet d’une demande d’asile ou, cas minoritaire, à la suite d’un contrôle d’identité par les forces de l’ordre qui fait apparaître qu’un étranger se trouve en situation irrégulière. L'étranger doit alors quitter le territoire national, selon les cas, sans délai ou dans un délai de 30 jours. Le taux d’exécution des OQTF est de 20% à Saint-Martin contre 6,9% pour la moyenne nationale. L’année dernière 81 personnes ont fait l’objet de ces OQTF et d’ores et déjà 42 personnes sur les six premiers mois de cette année. Ces OQTF sont assorties d’une interdiction de retour sur le territoire d’un à trois ans. A l’issue de cette période, la personne peut refaire une demande de titre de séjour.

1700 TITRES DE SÉJOURS ACCORDÉS CHAQUE ANNÉE

Les six personnes du service citoyenneté-migration de la préfecture reçoivent, lors de rendez-vous personnalisés, environ 2000 personnes chaque année. Chaque cas est étudié mais quelle que soit la demande, ce sont les articles du Ceseda (code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) qui font foi et déterminent l’acception ou le rejet de la demande.

La Préfecture délivre en moyenne chaque année 1700 titres de séjours de durées variables (1 an, 2 ans ou 10 ans). Un titre de séjour peut être retiré, voir ramené à une durée plus courte, en cas de trouble à l’ordre public.

En parallèle, 40 à 50 personnes de Saint-Martin et Saint-Barthélemy acquièrent la nationalité française par mariage ou par décret. Là encore, les règles sont strictes et il faut pouvoir prouver son attachement à la mère patrie en maitrisant parfaitement la langue mais aussi les valeurs de la République.

DES CONTRÔLES BIENTÔT RENFORCÉS

Les contrôles vont être renforcés avec l’arrivée en septembre prochain de 17 policiers supplémentaires pour étoffer les effectifs de la Police aux Frontière. Leur présence sur la voie publique sera quotidienne et sur une plage horaire plus étendue. En parallèle, les contrôles dans les établissements de l’île menée avec d’autres services de l’état (inspection du travail, Urssaf, etc) vont se poursuivre de manière intensive sur tous les secteurs de l’île. Les sanctions peuvent couter cher, de l’amende en passant par la fermeture administrative et jusqu’au pénal, voire le retrait du titre de séjour si l’employer est un ressortissant étranger.

Des mesures que le Préfet justifie par la nécessité d’enrayer le travail clandestin qui nuit à l’économie du territoire, aggrave la précarité sociale et prive de travail les saint-martinois alors que le taux de chômage est de 35%. 

Ann Bouard

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