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La gestion du Centre Hospitalier en question

Par Valérie DAIZEY
28 février 2023

La gestion de l’hôpital de Saint-Martin à nouveau sous les feux des projecteurs. La non-reconduction de contrats d’anesthésistes remplaçants est venu mettre le feu aux poudres, dans un climat déjà agité. Entre un important turn-over de personnels remplaçants et postes laissés vacants, l’hôpital et une grande partie de son personnel sont sous-tension et les syndicats mais aussi les élus sont prêts à en découdre avec la direction. Décryptage d’une bombe à retardement…

Le Centre hospitalier de Saint-Martin (CHSM) est dirigé depuis le début de l’année 2020 par sa directrice, Marie-Antoinette Lampis. Une nouvelle direction arrivée en plein début de la crise sanitaire du Covid-19 et après que l’établissement hospitalier ait été placé pendant une année sous tutelle administrative pour entre autres objectifs, réduire les déficits structurels récurrents qui atteignaient alors les 6 millions d’euros. C’est donc à la suite d’une période troublée que la directrice Lampis a pris les commandes de l’hôpital... Et nombreux sont ceux à penser qu’elle ne s’y prendrait pas de la meilleure manière qu’il soit…

L’AFFAIRE QUI A MIS LE FEU AUX POUDRES

Une direction dont la forme de management est taclée d’autocratisme et dénuée de sens humain par bon nombre de personnel hospitalier. Des sentiments qui ont encore été exacerbés par la gestion de la crise sanitaire, puis la suspension des personnels soignants qui ne souhaitaient pas se soumettre à l’obligation vaccinale. Par ailleurs, selon la sénatrice Annick Pétrus, certaines missions financées par l’ARS, telles que le dépistage des maladies sexuellement transmissibles, les maladies infectieuses ou encore la vaccination, ne seraient plus assurées par le CHSM.

Un événement récent est encore venu mettre le feu aux poudres : l’incompréhension et la colère de deux médecins qui ne se sont pas vus reconduire leur contrat de remplacement (contrats de 4 mois), dans un service où les besoins en personnels sont prégnants : le service anesthésie-réanimation. De nouveaux contrats qui leur semblaient acquis, ces deux médecins s’étant, selon eux, particulièrement investis ces derniers mois dans le fonctionnement de l’hôpital et souhaitant y pérenniser leurs travaux. C’est en dernière minute, alors que ces médecins avaient pris leurs dispositions pour rester à Saint-Martin, que la directrice a fait volte-face et donné son véto. Face à cette déconvenue, c’est à grand renfort de courriers et autres courriels, adressés aux autorités politiques et sanitaires de Saint-Martin, de Guadeloupe, mais aussi à des ministères parisiens, que ces deux médecins crient à l’injustice et mettent en exergue une gestion de l’hôpital douteuse qui viendrait diminuer la qualité des soins pratiqués à l’hôpital et créer une défiance de la population saint-martinoise pour son établissement hospitalier. Ils ont tout simplement ôté la soupape d’une cocotte-minute déjà bouillonnante…

LA DIRECTION FAIT SIGNER DES COURRIERS PAR LES MÉDECINS

Face à ces attaques rendues quasi-virales, la direction a entrepris de faire signer par des médecins un courrier adressé à nos parlementaires, sénatrice et député, au président de la Collectivité et aux élus ainsi qu’au directeur général de l’ARS. Ainsi, douze médecins (sur une quarantaine au total) sont signataires de ce courrier et « adhèrent pleinement à la décision prise par la directrice, après avis du Comité regroupant le Président de la Commission Médicale d’Etablissement (CME), le Chef de Pôle, et le Chef de Bloc, de ne pas retenir la candidature du Dr M. en tant qu’anesthésiste ». Dont acte.

DÉFIANCE DE LA COLLECTIVITÉ

Siégeant à la présidence du Conseil de surveillance de l’hôpital, la Collectivité a réagi à cette procédure et a souhaité se procurer les originaux de ces courriers. Une demande peu banale de la part de la Collectivité qui démontrerait une certaine défiance des élus visà- vis de la direction de l’hôpital. Car avant tout, la direction d’un établissement hospitalier, entourée de la CME et des médecins chefs, est seule maître à bord pour procéder au recrutement du personnel de son établissement. Les remous faits par ces deux médecins écartés du CHSM ne seraient que la face immergée d’un iceberg qui serait prêt à sombrer. Ce ne serait en effet pas la première fois que les élus de la Collectivité, auraient vent de problèmes au sein de l’hôpital, entre la direction et le personnel hospitalier.  

FAIRE LA CHASSE AUX MÉDECINS MERCENAIRES !  

De notre côté, nous avons sollicité un entretien avec la directrice, Marie-Antoinette Lampis, pour recueillir les informations pendantes à ces affaires qui font grand bruit dans les couloirs de l’hôpital et au-delà. La directrice nous a reçu vendredi dernier, en présence de sa garde rapprochée, le professeur Meunier, chef de bloc opératoire et le docteur Mourtada, chef de pôle. Dans un entretien de près de deux heures, la direction et les deux médecins ont évoqué la fuite de 30% du personnel qualifié suite à l’ouragan Irma en 2017. « Il a fallu procéder au recrutement de personnels hautement qualifiés, qu’il est difficile de trouver, partout dans l’Hexagone, et de surcroît faire venir à Saint-Martin. Nombreux sont les médecins qui saisissent des opportunités financières en venant à Saint-Martin faire des remplacements de courte durée», explique la directrice. Les conditions proposées sont en effet très avantageuses (prise en charge du logement et de la location de voiture pendant 3 mois, billet d’avion aller et retour). « Ces médecins remplaçants ont bien souvent des exigences financières élevées, et pour ne pas provoquer une rupture dans les soins, nous sommes obligés d’accepter. Ce sont des médecins mercenaires et nous avons décidé de rompre avec ces habitudes qui présentent un coût important pour les finances de l’hôpital. Nous travaillons à la stabilisation des personnels, qui s’investiront sur le long terme, ce qui permettra d’optimiser la qualité des soins rendus aux patients », poursuivent la directrice et les médecins.

STABILISER LES EFFECTIFS MÉDICAUX

Et la direction de continuer : « S’agissant des anesthésistes, service qui a connu de graves déboires ces dernières années, nous procédons actuellement au recrutement de 4 médecins anesthésistes avec des contrats longue durée, voire des CDI. Un 5e médecins viendra compléter l’équipe en septembre prochain. Concernant le Dr M., dont nous avons décidé la non-reconduction du contrat, celui-ci rencontrait des problèmes relationnels avec certains de ses collègues. Le service anesthésie a besoin de sérénité et de stabilité, comme l’ensemble de l’hôpital. Nous travaillons à inverser la proportion entre personnels titulaires et personnels contractuels… Et nous y parviendrons ! »  

JE NE SUIS PAS LÀ POUR ÊTRE AIMÉE, MAIS POUR FAIRE FONCTIONNER UN HÔPITAL  

La directrice indiquait également que sur un effectif d’environ 450 personnels hospitaliers, 70 se sont mis en disponibilité depuis Irma. « Ce sont des postes bloqués pour lesquels on ne peut prévoir que des remplacements. Des contrats précaires qui une fois de plus n’optimisent pas le fonctionnement de l’hôpital. Depuis le début de l’année, nous avons réussi à faire libérer 44 postes, en lançant les procédures usuelles. Des actions qui restent impopulaires… Mais je ne suis pas là pour être appréciée, je suis là pour faire fonctionner un hôpital, et aujourd’hui, l’hôpital va plutôt bien», assure en conclusion la directrice. Une conclusion qui semble hâtive et qui est sans compter le remue-ménage qui s’organise par ailleurs, tant au niveau des syndicats que des politiques…

LA SÉNATRICE PÉTRUS ENTEND SAISIR L’INSPECTION GÉNÉRALE DES AFFAIRES SOCIALES

Interviewée sur les ondes de Youth Radio (92.5FM) hier aprèsmidi, la sénatrice Annick Pétrus indiquait être inquiète et à l’écoute de ces problèmes récurrents et informait de sa décision de saisir les ministres de la Santé, des Outre-mer et également la première ministre pour leur faire part de ces préoccupations qui pourraient avoir des impacts négatifs sur la qualité des soins. La demande est claire : saisir l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) afin de comprendre la source de ces dysfonctionnements et les décisions de la direction, afin de rassurer la population et ses élus.

Valérie DAIZEY

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