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L’Eglise au cœur de l’actualité…

Par Ann Bouard
8 octobre 2021
Entre les affaires de crimes pédophiles qui éclaboussent l’église catholique, l’absence de gouvernance au diocèse de Guadeloupe et donc des Iles du Nord, le turn-over des prêtres sur l’île, les actes de vandalisme, l’abandon des églises par la Collectivité, mais aussi le retour des offices réguliers, la réouverture de l’église de Marigot au public et la nomination d’un nouveau prêtre sur le territoire … tout cela méritait un entretien à bâtons rompus avec le père Lavaud Christophe désormais en charge de l’église catholique à Saint-Martin.
 
Depuis le Père Charles, Saint-Martin peine à trouver une figure aussi charismatique et les prêtres se succèdent sans rester bien longtemps. A son arrivée en septembre 2020 le père Blot avait pourtant annoncé de nombreux projets en faveur de l’île. Un an plus tard, il est déjà reparti, appelé à d’autres missions en Guadeloupe. C’est donc désormais le Père Christophe, qui était vicaire lors du passage du père Blot, qui a été nommé et pris ses fonctions le 1er septembre dernier.
 
Saint-Martin une paroisse particulière
 
L’image d’Épinal où les prêtres meurent en chaire n’est plus. A 74,5 ans, il posent leur démission et partent à la retraite à 75 ans, âge établi par l’église. C’est le cas de Monseigneur Riocreux, évêque de Basse-Terre et de Pointe-à-Pitre non remplacé à ce jour. Les paroisses de la Guadeloupe et des Iles du Nord sont donc gérées par un administrateur apostolique, en la personne de l’archevêque de Martinique. Déjà mal comprises par la Guadeloupe, les spécificités propres à Saint-Martin sont encore un peu plus éloignées des préoccupations de l’administration religieuse actuelle.
Malgré tout, le Père Christophe a vu en cette nomination une sorte de challenge. Pour lui les mélanges ethniques, les langues parlées constituent déjà un premier défi et il le reconnait, l'île demande de grandes capacités d’adaptation. En effet, le curé de cette paroisse est seul, sans référent sur place, les confessions sont nombreuses, la vie y est plus chère, les problèmes de sécurité sont autres …. depuis son arrivée il a d’ailleurs dû faire face à une douzaine d’actes de vandalisme dans l’église de Marigot, une situation qu’il n’avait pas connu en vingt ans d’exercice en Guadeloupe. A chaque fois il porte plainte, mais on peut imaginer que le vol d’un cierge ou de nappes d’autel ne sont pas une priorité pour les gendarmes. Malgré tout, à son initiative les portes de l’église sont à nouveau ouvertes depuis début octobre afin qu’elle retrouve sa fonction première : accueillir des visiteurs, être un havre de paix et de repos. Il est donc possible pour les fidèles ou simples curieux de la découvrir ou s’y recueillir du mardi au samedi dès 8h et jusqu’à la messe du soir. Un petit groupe de paroissiens se relaye chaque pour veiller à ce que la sérénité règne sur le lieu. En ce début d’année pastorale, plusieurs autres comités ont été créés avec pour mission de renouer le contact avec la population et l’inciter à reprendre le chemin de l’église un peu oublié depuis Irma, avec un mot d’ordre « allez partout et faites des disciples » !
 
Des paroissiens sans toit
 
Les catholiques de Saint-Martin disposent de trois lieux de culte … mais deux sont en piteux état. En effet, si la Chapelle de Quartier d’Orléans a été entièrement restaurée, il n’en est pas de même pour les églises de Marigot et de Grand Case. La première appartient à l’église, qui a mis les moyens, pour assurer sa rénovation totale. Les deux autres sont propriétés de la Collectivité qui ne consent pas à donner l’autorisation à l’Eglise d’entreprendre les travaux, alors que le diocèse est prêt à débloquer les fonds nécessaires. Le précédent prête avait déjà tenté d’obtenir cette autorisation qui, légalement, permettrait à l’église d’intervenir sur le bâti de la Collectivité, mais sans succès. A Marigot des réparations de fortune ont été faites dans l’attente de mieux et à Grand Case les messes se déroulent toujours dans l’arrière salle.
 
Le rapport qui fait mal
 
L’entretien ne pouvait d’achever sans évoquer le rapport du Ciase (voir encadré) qui a mis cette semaine le monde catholique en émoi. Le Père Christophe a déjà abordé le sujet avec ses fidèles. Il pense qu’il faut condamner ce qui est condamnable mais note qu’il est important de se référer également à la dimension anthropologique de ces actes, car ils ne sont pas attribuables dans notre société qu’aux prêtes malheureusement. Quand on l’interroge sur le voile volontairement jeté par l’Eglise sur ces agissements il explique qu’historiquement l’Eglise mettait cela sur le compte d’un « pêcheur» mais qu’aujourd’hui elle se rend compte que le pêcheur est bel et bien coupable et qu’il faut sortir de la dimension spirituelle pour entrer dans celle de l’humain. Alors que dire du secret de la confession, l’une des bases de l’Eglise, qui si l’on y touche peut faire vaciller toute la structure ? L’Eglise est une famille, et le linge sale se lave … en famille ! Cette notion va jusqu’à la non dénonciation pour ne pas accabler un frère. Le père explique que le confesseur donne le pardon de Dieu et demande à ce que réparation soit faite en incitant l’auteur des actes à se dénoncer lui-même. Jusqu’alors l’église estimait être au-dessus des lois républicaines. Ce n’est plus le cas et les choses évoluent et même le Pape prône désormais la transparence.
 
Église et pédophilie : un mea-culpa nécessaire
 
Après deux ans et demi de travaux, la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église a rendu son rapport le 5 octobre. A la demande des évêques catholiques de France et financé par l’église (pour 3 millions d’euros), ce rapport doit aider à comprendre l'ampleur et les causes majeures des abus sexuels commis entre 1950 et 2020 (avec un pic entre 1950 et 1970) mais aussi formuler des recommandations pour que ces scandales admis depuis peu seulement par l'Église ne se reproduisent plus.
Les chiffres sont en effet accablants : en France 216 000 enfants et adolescents ont subi des violences ou des agressions sexuelles de la part de religieux ou clercs depuis 1950. En 70 ans, il y aurait eu environ 3000 prêtres prédateurs sexuels. Ce chiffre est de 330 000 enfants si l'on prend en compte les agressions perpétrées par des laïcs au sein de l'institution. C’est 4% du total des violences de ce type en France et elles concernent à 80% de jeunes garçons de 10 à 13 ans (dans le reste de la société 75% des victimes d'abus sexuels sont des femmes). Même si cela n’est pas plus réjouissant, la France a cependant un taux de prêtres abuseurs (entre 2,5 et 2,8%) moins important comparé à l’Allemagne (4,4%), aux États-Unis (4,8%), l’Australie (7%), ou l’Irlande (7,5%).
Le rapport ne divulgue pas de chiffres spécifiques pour les Antilles pourtant territoires à forte pratique religieuse mais indique que « dans les départements et les collectivités d’outremer, il est probable qu’un ensemble de facteurs sociaux et culturels peuvent dissuader les hommes
de révéler les agressions qu’ils ont pu subir ». En effet peu de victimes en Martinique et en Guadeloupe ont choisi de témoigner via le partenariat avec France Victimes. Les principales sources d’informations proviennent donc des archives de congrégations missionnaires, qui révèlent des pratiques abusives imputables à des missionnaires. Un phénomène accentué par certaines décisions de l’Eglise comme celles d'envoyer les coupables d’actes répréhensibles en métropole dans des contrées plus lointaines comme la Caraïbe … avec l’espoir que leur comportement change sous l’influence de cieux plus cléments.
 
Ann Bouard

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