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Noé, 16 ans : «On me traite de sale pédé»

Par Swanee Ngo Kanga
12 décembre 2023

Membre du conseil d’administration de SAFE Sxm depuis 1 an, Noé, 16 ans, se livre sur sa difficile expérience d’adolescent «queer» à Saint-Martin.

HARCELÉ DEPUIS LE CM1

Ne pas s’identifier aux modèles dominants dans son identité sexuelle porte un nom, «queer», qui signifie différent. C’est la manière dont se perçoit Noé, 16 ans tout juste, mais portant déjà un passé de harcèlement derrière lui. Du CM1 à la 3ème, le jeune «métro» aux cheveux longs et au look androgyne s’est en effet senti sournoisement mis à l’écart, et a été la cible de ce qu’il décrit comme un acharnement. Pour autant, l'adolescent n’a jamais réussi à se percevoir comme un «harcelé» et a donc gardé gardé le silence, années après années : «Les élèves me traitaient de sale pédé et s’acharnaient sur moi, rapporte Noé. Quand j’avais 13 ans, un soir en rentrant du sport un garçon plus jeune que moi est carrément descendu d’une voiture pour me courir après alors que je ne faisais que marcher dans la rue. J’ai dû prendre la fuite sans même savoir pourquoi». Depuis, de peur d’être pris à parti et lassé des regards incessants, l’adolescent ne passe plus devant les écoles pour rentrer chez lui et préfère rallonger son itinéraire.

Malgré la présence à ses côtés de parents qu’il décrit comme ouverts d’esprit (le grand frère de Noé est lui aussi LGBTQA+), le jeune homme a tout de même eu l’impression que ces derniers relativisaient la gravité de sa situation, et ne se sentait pas non plus soutenu par les professeurs qui partagent selon lui l’opinion des élèves sur sa différence. Il parle même d’un «fossé» entre les profs et la jeune génération sur les questions de transidentité et d’homosexualité.

LES HARCELEURS TROUVENT ÇA NORMAL

Si les choses se sont calmées pour Noé depuis son arrivée au lycée, il explique qu’il lui a fallu une année pour se remettre psychologiquement de ces brimades à répétition:« Je vais mieux aujourd’hui, confie-t-il. C’était plus compliqué l’année dernière parce que je ne savais pas trop où me caser. Je suis queer, j’ai un côté androgyne, et je dois faire attention à mon habillement ici, moins quand je rentre en métropole. Il ajoute : Même si je ne suis plus harcelé aujourd’hui, on a eu un débat en cours d’anglais sur la GPA la semaine dernière et on m’a dit :l’homosexualité ça n’est pas naturel, alors ça ne compte pas. On a beau essayer de parler calmement, il n’y a pas de dialogue. On est associé à la prostitution ou au côté très sexualisé de la communauté LGBTQA+».

Pour Noé, le problème est encore plus pernicieux en ce qu’il n’apparait pas aux harceleurs eux-mêmes :«J’ai revu une ancienne harceleuse l’année dernière pour une journée de sensibilisation où 3 classes étaient invitées à parler du sujet. Je ne lui ai pas parlé directement, mais ce qu’elle disait montrait clairement que pour elle, il ne s’était rien passé. Elle n’avait jamais rien fait de mal, c’était juste normal». Concernant le questionnaire qui sera bientôt mis en ligne par Safe sxm, l’adolescent espère qu’il permettra de «prendre la température pour savoir ce qu’il en est de l’homophobie à Saint-Martin. Comme ça, ajoute-t-il, si les gens pensent encore que l’homophobie est une maladie, on saura d’où on part». D’autant plus que selon lui, cette omerta plonge les jeunes dans le mutisme et les expose donc aux MST/IST, fautes de d’informations: «A saint-Martin, en termes de protection, c’est le néant. Il n’y a personne à qui en parler, et c’est encore pire pour les locaux ». Raison pour laquelle l’association SAFE sxm assure un travail de sensibilisation des traitements Preps notamment. Malgré son jeune âge, Noé se dit déçu par l’action du gouvernement qui «donne l’impression de découvrir la réalité du harcèlement », même s’il salue des mesures récentes comme l’obligation pour le harceleur de quitter l’école, et non plus le harcelé.

Pour sa part, l’adolescent n’a qu’un regret : avoir relativisé et accepté cette forme de violence, raison pour laquelle il s’engage aujourd’hui avec l’association SAFE, pour défendre le droit de tous à la différence. 

Swanee Ngo Kanga

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