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Etre droguée à son insu … Si on en parlait ?

Par Valérie DAIZEY
5 octobre 2023

Une soirée festive peut tourner au drame. En cause, la rencontre entre des femmes, des jeunes filles, et des personnes malveillantes et malintentionnées qui vont tenter d’abuser d’elles, en introduisant dans leurs verres des substances chimiques, de type GHB ou GBL. Objectif : les rendre vulnérables et à leur merci. La drogue du violeur, un sujet bien réel mais peu abordé, sur lequel nous avons décidé de nous pencher pour une mise en garde de ces femmes victimes. Et peut-être une alerte auprès des autorités…  

Introduire une substance chimique dans un verre, à l’insu de la personne victime qui en boira le contenu, est un acte pénalement répréhensible. En effet, la personne suspectée d’avoir commis ce délit encourt une peine pouvant aller jusqu’à 5 ans de prison et 75 000 € d’amende. Oui, mais comment lle prouver quand, qui plus est, fort heureusement, les intentions d’abus sexuel et de viol n’ont pas abouti à leurs termes ?

BANALISATION D’UN ACTE QUI POURRAIT AVOIR DES CONSÉQUENCES DRAMATIQUES

Les effets dans l’organisme de ces drogues, GHB et GBL plus communément appelées « drogues du violeur », utilisées couramment pour ces délits, sont de très courte durée dans l’organisme, moins de 10 heures. Les symptômes d’une ingestion de ce type de drogue peuvent également être confondus avec un abus d’alcool, avec néanmoins des différences tangibles : un ralentissement de la respiration, une forte sensation de chaleur, une somnolence pouvant aller jusqu'à la perte de conscience, des mouvements plus saccadés et une perte de coordination, des nausées et des vomissements. Quand, le cas échéant, les jeunes femmes présentent ces symptômes et suspectent une ingestion de drogue à leur insu, se rendent au service des urgences de l’hôpital ou à la gendarmerie, il est bien souvent trop tard, pour que de quelconques analyses détectent la présence de ces drogues. Interrogés par nos soins, les services d’urgence de l’hôpital nous indiquent ne pas avoir eu à intervenir dernièrement sur des cas de ce type, les analyses de sang et d’urine n’ayant rien révélé, et mettent l’état de la jeune femme sous le coup de l’emprise de l’alcool… Du côté des médecins de ville, si les langues sont difficiles à délier, on annonce timidement quelques cas par an, entre 0 et 10. De notre côté, des cas nous ont été rapportés par des jeunes femmes, mais elles n’ont pas souhaité y donner suite, rongée par la culpabilité, la honte d’avoir pu être abusée de la sorte et la quasi-certitude que sans preuve ni agression physique, aucune suite ne sera donnée à leur affaire, d’autant que les faits se sont déroulés, pour la plupart, dans des lieux de divertissements de la partie hollandaise…

AGIR DANS LES PLUS BREFS DÉLAIS : ANALYSES MÉDICALES ET DÉPÔT DE PLAINTE

Les services de la gendarmerie nous indiquent en revanche quant à eux prendre très au sérieux ces affaires d’administration de drogue à l’insu de la victime, même si elles n’ont pas été suivies d’agressions, sexuelles, viols ou même vols. « Dès lors qu’une personne se présente à la gendarmerie pour dénoncer ces faits, un protocole est immédiatement mis en place. La priorité, dans ces cas est la recherche de toxique qu’il faut faire dans les plus brefs délais dans le but de caractériser l’infraction. Or les victimes viennent bien souvent nous voir trop tardivement et il est impossible de retrouver dans le sang des traces des substances », commente le lieutenant-colonel de la gendarmerie, Maxime Wintzer qui reconnait toutefois que faute de preuves tangibles déterminées par les analyses médicales, « sur tous les dossiers sur lesquels nous avons eu à enquêter nous n’avons jamais découvert des traces de GHB ou GBL qui sont des désinhibiteurs ».

LA PRÉVENTION EST CAPITALE

Pour autant, si les faits ne sont pas probants, il est de notoriété publique qu’ils ont bel et bien lieu. Le colonel de gendarmerie indique que des campagnes de sensibilisation auprès des professionnels des milieux de la nuit sont régulièrement mises en oeuvre et une prochaine aura lieu en début de saison touristique. Les établissements sont également invités à se doter de moyens de vidéo-protection, permettant aux enquêteurs d’identifier les suspects ainsi qu’à sensibiliser leur personnel à ce fléau. Il existe également des films en latex qui se placent sur le verre en épousant ses contours, facilement trouvables sur Internet. Un tchat en ligne est disponible 24h/24, 7J/7 permettant un échange individualisé entre la victime et un gendarme ou un officier de police spécialement formé (Voir QR Code à scanner ciavant).

En tout état de cause, les jeunes femmes doivent rester attentives, refuser de se faire offrir un verre par un inconnu, privilégier les sorties entre amis qui pourront intervenir auprès d’elles en cas de danger et maitriser leur consommation d’alcool. Et surtout, en cas de doute, contacter au plus vite la gendarmerie. L’association France Victimes 978 est aussi à même d’apporter des réponses à ces femmes victimes, par une aide et un accompagnement juridique, psychologique et judiciaire, en les accompagnant par exemple pour aller porter plainte.

L’agence nationale de la sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a mis en place depuis 2003, un dispositif d’observation sur l’usage criminel des drogues. Cette enquête annuelle, coordonnée par le centre d’addictovigilance de Paris permet, chaque année, d’identifier les substances en cause, de mieux définir les contextes des agressions et le modus operandi des agresseurs. En 2020, elle révèle 539 signalements suspects, en particulier dans les lieux festifs mais aussi dans les lieux privés. Sur ces signalements, seuls 60 (11%) ont été classés comme "vraisemblables", c’est-à-dire suite à un dépôt de plainte, un témoignage et une analyse positive à une substance psychoactive n’appartenant pas à un traitement pris par la victime. Parmi ces victimes "vraisemblables", l’agression sexuelle est la principale finalité. Pour seulement 10 % de ces 60 cas, du GHB a été retrouvé dans le sang.     

Valérie DAIZEY

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