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Vers une « happy end » pour Thomas, 38 ans, barman saisonnier devenu sans abri

Par Valérie DAIZEY
17 novembre 2023

La rue n’est pas une finalité. La volonté de s’en sortir et de ne pas complètement sombrer, conduit à ouvrir les bonnes portes pour trouver l’aide et l’accompagnement nécessaires qui font d’abord reprendre confiance en soi, puis prendre un nouveau départ. Nous avons rencontré Thomas, 38 ans, barman saisonnier tombé dans les dérives de la part sombre de l’île. Il nous a raconté son histoire et est aujourd’hui fin prêt à reprendre un nouvel envol.

DÉGÂTS DE LA CRISE SANITAIRE

Jeune et fougueux, Thomas, est barman depuis qu’il est en âge de travailler. Un métier qu’il pratique avec passion. Alors installé dans le sud de la France, il a ouvert sa propre affaire, un bar-restaurant « healthy » qu’il tient en location-gérance et qui était promis à un bel avenir. C’était sans compter les effets dévastateurs de la crise sanitaire du Covid 19 qui a sévi dès 2020. Obligé de réduire son activité aux seuls plats à emporter, le chiffre d’affaires se dégrade vertigineusement, jusqu’en février 2021, où Thomas dépose le bilan. Pouvant toutefois prétendre aux allocations chômage, Thomas et sa compagne se confinent comme la plupart des habitants de l’Hexagone. Cherchant à se retourner rapidement, Thomas contacte un ami rencontré à Paris, également saisonnier dans la restauration. Hasard de la vie, cet ami l’informe s’être installé à Saint-Martin pour y travailler pendant la saison, la crise sanitaire impactant l’île dans une bien moindre mesure. Habitués des voyages et des changements de décor, Thomas et sa compagne réfléchissent rapidement et quelques jours plus tard, ce même mois de février 2021, ils plongent dans l’inconnu et débarquent à Saint-Martin.

UNE ARRIVÉE AU PARADIS

Après une année vécue au rythme de la crise sanitaire et de ses confinements dans le sud de la France, l’île de Saint-Martin, avec ses bars et ses restaurants restés ouverts sous quelques contraintes sanitaires, avec la vie festive qui continue malgré tout, avec ses paysages et ses plages, Thomas et sa compagne semblent être arrivés au paradis. Malgré la crise, le travail pour les saisonniers ne manque pas et Thomas trouve rapidement un appartement puis une place comme barman dans un restaurant de plage de Grand Case, puis d'autres restaurants à Orient Bay, dont un dont le propriétaire luis donnait inouïe de mettre en place tous les outils pour qu’il puisse s’exprimer pleinement dans son métier.  

« L’ÎLE EST AUTANT MAGIQUE QU’ELLE PEUT ÊTRE UN ENFER… »

Mais le saisonnier a toujours aimé la fête, l’alcool et la consommation de drogues. L’argent n’étant pas un problème, il tombe dans des dérives, sort et consomme beaucoup. Sa compagne, elle, préfère rester plus oisive et passe de longs moments seule, coupée de sa famille, de ses amis, et de son compagnon qui vit sa vie et déserte de plus en plus souvent l’appartement qu’ils occupent. Cette dernière finit par quitter l’île, deux mois après son arrivée, et Thomas en même temps. Livré à lui-même et ayant perdu celle qui depuis 10 ans partageait sa vie et représentait un repère, une base structurante, Thomas le dit lui-même « je suis parti en vrille ». Avec sa compagne partie, il perd également son logement dont il a arrêté de payer le loyer. Son nouvel employeur, un restaurateur de la Baie Orientale voit en lui un joli potentiel pour développer la partie bar et les cocktails de son établissement. Il propose de l’héberger, le temps de se retourner et l’aide à retrouver un logement. Toutefois nourri par son égo et son impression de toute puissance, Thomas se met à mentir à tous, à son employeur, à sa famille, aux amis qui l’ont aidé à poser ses bases à Saint-Martin… Il finit par perdre la confiance de tous, se fait renvoyer de son emploi et perd l’appartement qui allait avec. Son employeur consent toutefois à faire une rupture conventionnelle de son contrat de travail, ce qui lui permet d’obtenir les allocations chômage. Il survit alors en effectuant à droite à gauche des extras. Toutefois, toujours rattrapé par ses démons, il n’honorait pas correctement ses missions, arrivait en retard… Et dans sa situation, sans contrat de travail, impossible de retrouver un logement fixe. Il commence à être hébergé quelques nuits par-ci, quelques nuits par-là. Jusqu’au jour où en mars 2022, un an après avoir débarqué à Saint-Martin, tout s’arrête, plus personne ne veut lui faire confiance.

PREMIÈRES NUITS DANS LA RUE ; LE TEMPS DE LA REMISE EN QUESTION

« Par tous mes mensonges et mon mauvais comportement, j’étais grillé dans les restaurants de la Baie O et de Grand Case, plus personne ne voulait m’ouvrir ses portes », nous confie-t-il. Un soir, Thomas se retrouve dehors avec sa valise, seul face à lui-même, devant affronter ses premières nuits à la rue. « Je me suis dirigé vers la digue de la marina Fort Louis, et, sans doute ma bonne étoile m’a conduit sur la route du Fort, sans que je connaisse l’existence du Manteau de Saint-Martin. J’ai passé les premières nuits dehors, calé sous un arbre devant le Manteau. D’autres hommes vivant dans la rue m’ont expliqué qu’au Manteau je pouvais prendre une douche, manger des repas le matin et le midi, et même dormir dans le Centre d’hébergement pour homme, si je m’inscrivais auprès du 115. Ne voulant me résoudre à faire la manche, désirant rester propre, manger à ma faim et retrouver un cadre structurant, j’ai fait ce choix-là. Les travailleurs sociaux du Manteau m’ont été d’une grande aide, pour m’accompagner dans mes démarches pour refaire mon passeport, pour me faire reprendre confiance en la vie, en moi. Je suis toutefois passé par une longue période de déprime, où je me suis renfermé sur moi-même. Mais une période d’introspection nécessaire. Car tout ce qui m’arrivait était de ma faute. J’avais honte de moi, de tous mes mensonges proférés à des personnes qui m’avaient pourtant tendu la main… Après plusieurs mois passés au Manteau j’y ai tissé des liens forts avec certains usagers, des travailleurs sociaux. Les personnes qui vivent- là, celles qui travaillent-là, deviennent ta famille. J’ai peu à peu repris confiance en moi … J’ai eu la prétention de croire que j’étais invincible et que jamais je ne pourrais arriver dans cette situation, mais l’alcool, la drogue et mon égo m’ont conduit tout droit vers cet enfer… J’ai fini par me résoudre à contacter celui que j’appelle « papa », ce père adoptif sur qui j’ai toujours pu compter depuis mon enfance, un très bon ami de ma mère. Il est installé depuis 5 ans aux Philippines et exploite un site touristique. Je lui ai raconté mon histoire, mes dérives. J’ai osé lui demander de l’aide, il a répondu à mon appel et m’a proposé de venir le rejoindre pour travailler avec lui, dans un archipel des Philippines.» Le départ de Thomas est imminent. Malgré tout, il va repartir de Saint-Martin riche de cette expérience malheureuse qui l’a remis sur les rails d’une vie plus saine, reprenant goût aux valeurs que sa mère lui a inculquées : l’amitié, le travail et le respect, mais aussi celui de l’argent gagné dignement. C’est une happy end que l’on souhaite à Thomas, dont la force et le mental ont pu le conduire vers les bonnes personnes pour l’accompagner sur ce chemin de la rédemption et d’une nouvelle vie.

Valérie DAIZEY

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