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Santé mentale : table ronde sur l’égalité des droits à Saint-Martin

Par Swanee Ngo Kanga
19 octobre 2023

La 34ème édition des Semaines d’Information sur la Santé Mentale‭ (‬SISM‭) ‬s’est tenue ce mercredi dans la salle de conférence du Grand Case Beach Club‭. ‬Un constat‭ : ‬il existe dans la région une forte inégalité d’accès aux soins‭.‬

La santé mentale était à l’honneur mercredi 18 octobre à Saint-Martin. En effet, psychiatres, psychologues, infirmiers et grand public se sont réunis à l’initiative de l’ARS Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy autour du thème «Le droit à la santé mentale à tout âge». L’objectif : promouvoir la santé mentale, et mieux lutter contre la stigmatisation qui entoure encore les troubles psychiques sur l’île. 

LE TERRITOIRE LE 3E PLUS TOUCHÉ PAR LA MORTALITÉ LIÉE AU SUICIDE

Et pour cause, la région est le 3ème territoire français le plus touché par la mortalité liée à un suicide. Comment expliquer un tel phénomène ? Pour le docteur Eynaud qui a créé le service de psychiatrie de l’hôpital Louis Constant Fleming il y a 20 ans, les habitants de Saint-Martin sont exposés à plusieurs «facteurs de gravité des troubles psychiques»: difficultés économiques, isolement familial, faible niveau scolaire et manque d’offre de soins. Des spécificités locales qui portent atteintes à l’égalité des droits de chaque citoyen : «La précarité et la situation migratoire jouent un grand rôle important», abonde-t-il. «Le revenu des femmes dans la région est 4 fois inférieur à celui du territoire national. Quant à l’espérance de vie, elle est de 84 ans pour un retraité cadre, contre 64 ans pour une personne sans emploi».

DES DISPARITÉS À TOUS LES NIVEAUX

L’inégalité d’accès aux soins rapportée par le Docteur Eynaud s’observe à tous les niveaux. La Guadeloupe compte par exemple deux fois moins de psychiatres par habitant que la France métropolitaine. Retraité après 44 ans de carrière, le psychiatre a dû lui-même revenir sur le terrain comme praticien hospitalier honoraire afin d’appuyer le CReHPsy, (Centre de Ressources Handicap Psychique) dans ses actions.

L’inégalité d’accès aux soins touche aussi les maternités. Selon une enquête nationale réalisée en 2021, 30,6% des mères dans la région ont souffert d’une dépression post-partum contre 16,7% dans le reste du pays. Autant de disparités qui éclairent davantage sur le niveau de suicide dans nos territoires : 5% en métropole contre 27,6%.

QUE FAIRE ?

Face à un tel constat, l’heure est à la mobilisation, alors même que le handicap psychique n’est reconnu par loi que depuis 2005. «Les troubles mentaux font perdre 20 ans d’espérance de vie, avec un risque accrue de maladies physiques, de vieillissement prématuré, et de dépression», explique le psychiatre : « Il faut donc s’en occuper le plus tôt possible et lutter contre les phénomènes de stigmatisation car lorsque l’on est stigmatisé, on s’auto-stigmatise, et on ne bénéficie pas d’une protection sociale efficace ». Pourtant, le tabou culturel autour du sujet est toujours aussi présent et limite la capacité collective à reconnaitre, accompagner et soigner au mieux les personnes touchées.

Pour le docteur Eynaud, la santé mentale est une santé sociale et relationnelle nécessaire pour développer son potentiel, faire face aux difficultés normales de la vie, et contribuer à sa communauté : « C’est un état dynamique qui dépend beaucoup du contexte», ajoute-t-il. «Les soignants doivent donc s’attacher à créer un lien thérapeutique, et la société un lien social car on ne peut pas changer sa construction psychique mais on peut agir sur le reste ».

Pour mieux encadrer les personnes souffrant de pensées suicidaires, Caroline CHANTREL, chargée de mission Vigilans/3114 de la Guadeloupe et des îles du Nord a par ailleurs annoncé l’ouverture d’un nouveau numéro d’urgence, gratuit, confidentiel et ouvert 24/24 heures dès le premier trimestre 2024. Il viendra renforcer les dispositifs déjà en place.Un mot est fréquemment revenu lors de cette conférence, « empowerement ». Une volonté de donner les leviers d’action aux familles et aux acteurs de premières lignes souvent dépassés. Pour cela, une nouvelle formation aux premiers secours en santé mentale a été délivrée cette semaine pour apprendre à différents publics les moyens de désamorcer des situations de crise.

Une chose est sûre, avec 13% d’élèves souffrant de troubles mentaux probables en 2023, la santé mentale n’a pas fini de faire parler d’elle. 

Swanee Ngo Kanga

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