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Saint-Martin, le parent pauvre de la justice française

Par Valérie DAIZEY
20 mai 2022
Les chefs de cour l’ont rappelé lors de l’inauguration de la rénovation du palais de justice historique de Saint-Martin la semaine dernière : du fait de l’éloignement de son cœur d’attache de Basse-Terre, le territoire fait exception dans le paysage judiciaire national. Une rupture géographique entre le parquet et la juridiction qui coûte chère à la Nation qui peine à mettre les moyens pour y pallier.
Sans moyens, pas d’égalité d’accès aux droits !
 
Des moyens insuffisants sont en effet mis à disposition par le Ministère de la justice pour que les avocats puissent assurer leurs pleines missions, en l’occurrence celles afférentes à l’aide juridictionnelle, qui est un droit pour tout justiciable, ou encore dans le cadre des audiences en comparution immédiate pour lesquelles la loi impose la présence d’un avocat pour le prévenu, bien souvent un avocat commis d’office. Dans ce contexte, faute d’avocat, les renvois d’audiences en comparution immédiate sont légions ici à Saint-Martin, impliquant pour le tribunal la recherche de solutions pour les prévenus, soit la convocation pour un jugement à une date ultérieure, comportant le risque que le prévenu ne se représente pas, soit un placement sous contrôle judiciaire, ou bien encore le maintien en détention provisoire du détenu qui, dans ce cas-là, sera envoyé en maison d’arrêt en Guadeloupe, le temps de son jugement, et sera ensuite jugé soit en Guadeloupe, soit à Saint-Martin, en visioconférence depuis la Guadeloupe. Les avocats sont en effet en nombre insuffisant sur le territoire pour assurer l’ensemble de leurs missions, et faire venir des avocats de Guadeloupe a un coût.
Présente à Saint-Martin la semaine dernière à l’occasion de l’inauguration de la rénovation du Palais de justice, Maître Tania Bangou, bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de la Guadeloupe Saint-Martin et Saint-Barthélemy, rappelait aux Chefs de Cour cette problématique récurrente, pour laquelle elle se bat depuis de longs mois sans que cela ne soit suivi d’effets par le Ministère de la justice. Un manque de moyens qui créé un traitement inégal des justiciables saint-martinois. Maître Tania Bangou d’évoquer également vendredi dernier la juridiction des prud’hommes, laquelle, pire encore, outre un manque de moyens, souffre également d’un manque de reconnaissance.
 
Juridiction des prud’hommes : une mission de service public en péril
 
S’agissant en effet de la juridiction des prud’hommes, le manque de moyens est tout autant prégnant. Chargés de régler les conflits individuels entre employeurs et salariés liés au contrat de travail de droit privé, les conseillers des prud’hommes sont amenés à se rendre environ toutes les deux semaines à Basse-Terre. Des missions de service public qui n’existeraient plus si les conseillers des prud’hommes de Saint-Martin ne prenaient pas sur eux, sur leur temps de travail et sur leurs propres deniers, pour les accomplir. Car en effet, les conseillers des prud’hommes doivent avancer les frais engendrés par ces déplacements réguliers en Guadeloupe (hôtel, location de véhicule, restaurants…). « Seuls les billets d’avion sont pris en charge à l’instant T, tous les autres frais ne sont remboursés que 6 mois plus tard, et pas dans leur intégralité, le ministère de la justice remboursant les frais sur une base forfaitaire », précise Michel Vogel, président du Conseil des prud’hommes de Saint-Martin, qui décrie également l’indemnisation horaire des audiences, 16.80€ de l’heure ! Et Michel Vogel de s’indigner : « Que l’on ne vienne pas me parler du droit d’accès à la justice ! Ici, à Saint-Martin, ce droit est bafoué. Si nous devions mettre le ministère de la justice devant les prud’hommes, et bien nous gagnerions haut la main et le ministère serait condamné ! A-t-on déjà vu un employeur demander à ses employés d’accomplir des missions en les rétribuant 6 mois plus tard et pas à la hauteur des frais qu’ils ont engagés ? ».
Alors que mardi 24 mai prochain, sera célébrée la journée nationale de l'accès au droit, souhaitons que ces problématiques récurrentes et propres à Saint-Martin résonneront jusqu’aux oreilles du Ministère de la justice à Paris.
Valérie DAIZEY

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