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Gendarme blessé : deux protagonistes condamnés

Par Ann Bouard
9 juillet 2021
L’affaire avait fait grand bruit en février lorsqu’un gendarme avait été fauché par un deux-roues qui participait à un rodéo sauvage autour de l’île. L’adjudant-chef Vincent Baudin avait été grièvement blessé. Cinq mois plus tard, sa vie est toujours entre parenthèses et ses séquelles physiques omniprésentes. Deux des participants au « run » ont été jugés mercredi matin en comparution immédiate.
Le dimanche 7 février, une trentaine de conducteurs de deux-roues se lancent dans un rodéo, bravant toutes les interdictions et au mépris de la sécurité des usagers de la route. Ils s’en donnent à cœur joie, faisant des roues arrière sur les trottoirs, circulant à contre-sens, slalomant entre les voitures. Des gendarmes sont en poste à Grand Case, à Friar’s Bay et au rond-point de Bellevue où à 18h30 l’adjudant-chef Vincent Baudin donne les consignes à son équipe. Celles de ne pas prendre de risque et de laisser passer les motards, qui remontent la rue de Hollande à contre sens, pour tenter d’identifier les conducteurs. Il est percuté et heurte le sol violement. Deux hommes, âgés tous deux de 19 ans, ont été interpellés suite à deux dénonciations anonymes. Le premier est inculpé de conduite compromettant la sécurité publique et de violations délibérées de la règlementation routière. Le second devait répondre des mêmes faits auxquels s’ajoutait celui de blessures involontaires avec circonstance aggravante. Aucun des deux n’étaient en possession du permis de conduire.
 
Le doute pour défense
 
Une vidéo qui a circulé sur les réseaux sociaux n’a pas permis d’identifier les individus et notamment l’auteur de l’accident. Cependant un automobiliste a été témoin de la scène. Arrivant face à la horde, il a préféré se ranger sur le bas-côté pour les laisser passer et a vu un homme sur une moto renverser le gendarme. C’est sur ce point que l’avocate du princi­pal prévenu va appuyer sa défense et expliquer que son client conduisait non pas une moto mais un scooter 125, moins puissant, et qu’il n’était pas seul car il avait un passager derrière lui. Le fait d’heurter un homme aurait immanquablement provoqué la chute du scooter ou du moins d’un des deux passagers. Ce qui n’a pas été le cas. Elle estime qu’il a été « embarqué dans cette procédure » et que le doute est bien présent et sollicite la bienveillance du tribunal. Pour l’autre prévenu, son avocate indique aussi que les éléments de preuve font défaut et requiert pour son client une peine assortie d’un sursis simple. Dans le box des accusés, sous escorte, les deux prévenus sont visiblement terrifiés par la peine encourue.
 
PRISON AVEC SURSIS POUR AVERTISSEMENT
 
Le procureur reconnait que les investigations ont été compliquées mais souligne que la présence des gendarmes était bien visible des motards avec plusieurs points de contrôle sur leur parcours. Si l’effet de groupe a pu jouer, et que le gendarme a pu être percuté par d’autres motos, le rôle du principal prévenu est majeur car il est le premier à l’avoir heurté.
Le tribunal a prononcé pour le premier une peine de 8 mois de prison assorti d’un sursis, l’obligation de suivre un stage de sensibilisation à la sécurité routière (150 € à ses frais), l’interdiction de conduire tout véhicule à moteur pendant un an. Pour le second, reconnu coupable des blessures infligées au gendarme, le tribunal n’a pas suivi les réquisitions du procureur qui demandait un mandat de dépôt et l’a condamné à deux ans de prison dont un an avec sursis probatoire de 18 mois. Il a d’autre part l’obligation de travailler ou de suivre une formation, d’indemniser la victime, d’effectuer lui aussi un stage sécurité routière, de ne pas conduire de véhicule pendant un an et son scooter lui sera confisqué.
La personnalité des deux prévenus, jeunes hommes discrets et sans problème n’ayant jamais eu affaire à la justice, aura joué en leur faveur et leur a exceptionnellement évité l’emprisonnement en Guadeloupe. Mais la juge leur a bien notifiés que cette apparente clémence était surtout « un sérieux avertissement » et qu’ils ont tous deux une épée de Damoclès au-dessus de leur tête.
 
Une vie brisée
 
Vincent Baudin assistait au procès en visioconférence depuis le tribunal d’Auxerre. Assis face à la caméra, il a résumé ses souffrances avec pudeur et humour déclarant : « je suis un marathonien à la retraite. Je ne peux plus courir. Ma main tremble et personne ne sait pourquoi. Je suis gendarme mobile depuis 30 ans. Je crois que c’est la fin de ma carrière ». En effet comme l’expliquera son avocat, il souffre de nombreux maux : perte de mémoire, tremblements, problèmes d’élocution, difficultés à se déplacer, etc. Son quotidien est fait de séances de rééducations. Son épouse a dû abandonner son travail pour pouvoir s’occuper de lui à plein temps car désormais cet homme autrefois très sportif ne peut plus rien faire tout seul. Le tribunal a accédé à la demande de son avocat en lui allouant à titre de provision la somme de 15 000 € et en ordonnant une expertise médicale plus complète pour estimer l’étendue réelle de ses dommages corporels.
Ann Bouard

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