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Après 14 ans de procédure, Kathron Fortune dit « Cuchi » a écopé de 30 ans de réclusion pour le meurtre d’Angélique Chauviré

Par Valérie DAIZEY
23 octobre 2020
Lundi 19 octobre dernier, le couperet est tombé à la Cour d’Assises de Basse Terre. 14 ans après les terribles faits, le meurtrier présumé d’Angélique Chauviré a été déclaré coupable et condamné à 30 ans de réclusion criminelle. Un procès vivement attendu par la famille et les proches d’Angie après une longue et douloureuse période vécue comme des montagnes russes de l’émotion. Retour sur cette affaire qui avait, en juin 2006, plongé le territoire et ses habitants dans la colère et l’émotion.
 
Le 31 mai 2006, alors que ses parents étaient venus passer deux semaines de vacances auprès d’elle à Saint-Martin, Angélique Chauviré, Angie, tout juste 30 ans, travaillant et résidant à Grand Case, était sauvagement abattue. Son corps, atrocement mutilé et torturé était retrouvé par un promeneur, 48 heures après sa disparition, en contrebas d’une route de Dawn Beach, en partie hollandaise de l’île. Le village de Grand Case et toute l’île étaient secoués par cette macabre découverte et, dans les jours qui ont suivi, une marche blanche réunissant des centaines de personnes autour des parents d’Angie, s’organisait dans les rues de la partie française de l’île, afin de dénoncer cet acte horrible et barbare. Les parents de la jeune femme quittaient l’île pour rentrer chez eux dans la région Angevine, ramenant avec eux le corps de leur fille. Ce fut le point de départ pour la famille et les proches d’Angélique d’une longue et douloureuse période, faite de rebondissements, 14 années exactement, où le deuil d’Angélique n’a pas pu se consumer ni même s’entamer, tant que le meurtrier n’était pas puni pour ses actes de barbarie.
 
Multiples grains de sable dans l’enquête
 
Le corps de la jeune femme française et résidente de la partie française ayant été retrouvé en partie hollandaise, l’enquête a été confiée à la police de Sint Maarten. En 2006, la coopération judiciaire et policière entre les deux parties de l’île n’en était même pas à ses balbutiements. Si les enquêteurs de la gendarmerie française se sont intéressés dès le début de l’affaire à la personnalité de la jeune femme, à ses fréquentations, l’enquête principale a été menée par la police hollandaise, et peu ou pas d’informations relatives à son avancement n’ont été divulguées, tant aux enquêteurs français qu’à la famille d’Angélique, plongeant cette dernière dans l’incrédulité et l’abattement. Ce qui rapidement inquiète les enquêteurs de la partie française, c’est qu’une grosse pierre trouvée a proximité du corps de la jeune femme dont le crâne était enfoncé, probablement l’arme du crime, n’a pas été saisie et a été laissée sur les lieux du crime. Une pièce à conviction qui aurait pu être analysée pour y découvrir d’éventuelles traces d’ADN du meurtrier, aucune trace ADN n’ayant été retrouvée sur le corps d’Angélique. Les enquêteurs découvriront également plus tard que l’autopsie du corps d’Angie aurait été « bâclée », faite à même le cercueil…
 
Cuchi, un tueur en série
 
En décembre 2006, alors que l’enquête suit son cours côté hollandais sans véritables avancées, un dénommé « Cuchi », alias Kathron Fortune, originaire de l’île de Grenade, est incarcéré à la prison de Pointe-Blanche, pour y purger une peine de 21 ans de prison, accusé du meurtre d’un jeune homme de 22 ans tué par balles une vingtaine de jours avant le meurtre d’Angélique. Interpellée par cette arrestation et sans cesse relancés par la famille d’Angélique depuis l’Hexagone pour que l’enquête avance, la justice française arrive à obtenir de la justice hollandaise qu’un juge français puisse venir interroger Cuchi à la prison de Pointe Blanche. Le juge se confronte alors à un véritable mur : Fortune reconnait avoir côtoyé Angélique quelques mois avant sa mort, mais nie en bloc être l’auteur du meurtre. De même, l’homme, réputé violent, chef de gang et régnant en maître dans certains quartiers de l’île, c’est une sorte d’omerta qui entoure tous les interrogatoires menés par la police hollandaise auprès de l’entourage de Cuchi, par peur de représailles. En fin d’année 2009, l’affaire étant toujours au point mort, la justice hollandaise classe l’affaire « sans suite », faute de preuves. Cette information de classement de l’affaire est transmise aux autorités françaises qui la retransmettent à leur tour à la famille d’Angélique. Sidérée et anéantie par cette décision, cette dernière maintient sa pression sur les enquêteurs français.
 
Des années d’incertitudes et des montagnes russes émotionnelles
 
Malgré la loi du silence et les dysfonctionnements qui entourent cette affaire, les enquêteurs de la partie française décident de reprendre l’enquête afin d’en tirer la vérité. Pourquoi et comment Angélique a-t-elle été tuée ? Connaissait-elle son agresseur ? Sans aucune preuve tangible, ils parviennent à déterminer qu’Angélique aurait été détentrice d’informations mettant en danger la liberté de Cuchi : Elle aurait su que le chef de gang n’aurait pas été étranger à la disparition de 2 hommes, l’un en novembre 2005, l’autre en mars 2006. L’élimination de ces deux hommes par Cuchi aurait été confirmée par le propre frère de Cuchi. Détentrice de ces informations, Angie aurait été la femme à abattre et attirée dans un guet-apens pour ce faire. Arrivée à ces conclusions, la justice française parvient enfin à mettre en examen Cuchi pour « assassinat et actes de torture ». Toutefois, Cuchi, toujours emprisonné continue de nier.
 
Evasion de Pointe Blanche et 18 mois de cavale
 
En janvier 2016, Cuchi est transféré de la prison de Pointe Blanche pour une visite médicale. Aidé par des complices, celui-ci arrive à prendre la fuite pendant ce transfert. Un nouveau coup dur pour la famille d’Angie, qui attendait un procès à la suite de cette mise en examen. Ce n’est que 18 mois plus tard, en juin 2017, et à la suite d’une chasse à l’homme menée conjointement cette fois, par les forces de l’ordre française et néerlandaise et la promesse d’une récompense de 5000 florins (environ 2000 euros, NDLR) à toute personne fournissant des informations permettant à l’arrestation de celui désormais nommé le tueur en série, que Cuchi est rattrapé alors qu’il était en cavale sur l’île de Saint-Kitts. Rapatrié à Sint Maarten il est remis en cellule à Pointe Blanche. Après le passage de l’ouragan Irma, en septembre 2017, et pour prévenir une éventuelle autre évasion, Cuchi est transféré dans une prison de haute-sécurité, aux Pays-Bas. Alors qu’il y est incarcéré pour y purger une peine de 21 ans pour le meurtre du jeune de 22 ans (voir plus haut), il est à nouveau jugé en juin 2019 et condamné à perpétuité pour une autre affaire, le double-meurtre perpétré en décembre 2016 à Sint Maarten d’un couple de touristes hollandais.
 
L’affaire du meurtre d’Angélique Chauviré a finalement été jugée lundi dernier
 
Sans doute au grand regret de la famille d’Angélique qui souhaitait voir de visu son assassin, les Pays-Bas ont refusé d’extrader Cuchi vers la Guadeloupe afin qu’il soit présent à ce nouveau procès. Il a donc été jugé par contumace lundi dernier, à l’issue d’une journée de procès de la cour d’Assise de Basse-Terre, et c’est de sa cellule de la prison de haute-sécurité des Pays-Bas qu’il a appris cette nouvelle sentence, déclaré coupable du meurtre d’Angie : 30 années de réclusion criminelle. Celui qui se serait déjà vanté d’avoir à son actif une vingtaine de meurtres est aujourd’hui âgé de 43 ans et sous le coup de toutes ces condamnations, il sera emprisonné à vie. Connaissant maintenant la vérité sur ce fait dramatique qui a coûté la vie d’Angie et sachant son assassin enfermé à vie, la famille d’Angie va enfin pouvoir entamer son deuil, près de 15 ans après les terribles faits. La population de Grand Case et tous ceux qui l’auront côtoyée et aimée, aussi.
 
Valérie DAIZEY

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