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TROUBLES DE L'ORDRE PUBLIC : Des barricades au tribunal

Par Ann Bouard
10 mars 2020
Jeudi dernier le premier dossier concernant les manifestations de décembre était jugé au Tribunal de Saint-Martin. Deux personnes comparaissaient pour violences physiques et verbales sur les forces de l’ordre.
 
Un premier manifestant avait d’ores et déjà fait l’objet d’une assignation en justice, mais à Basse-Terre. A Saint-Martin, le sujet était abordé pour la première fois sur les bancs du tribunal dans deux affaires distinctes mais liées.
 
Deux dossiers, deux points de vue
 
JF, un haïtien de 31 ans, résidant à Marigot était rue Low Tow le 17 décembre. Bien que ne se sentant pas concerné par le PPRN (de son propre aveu) car il n'est pas français, il s'interpose lors d’une interpellation, intimant de manière peu courtoise l’ordre aux gendarmes de lâcher un individu. Il relate avoir été « tabassé » par les gendarmes, et à la lecture de sa déposition et de celles des gendarmes accuse « les flics » de mentir. Il reconnait cependant bien volontiers avoir été le premier à frapper.
DC est l’individu qui faisait l’objet de l’interpellation. Haïtien de 34 ans, naturalisé français il y a une dizaine d’année, a une position beaucoup plus engagée. Il annonce d’emblée à la cour faire partie des jeunes en colère contre la Collectivité et les décisions de l’État et être un fervent défenseur des droits des saint-martinois. Il est d’ailleurs décrit comme l’un des meneurs sur les barrages et sa mission était d’avertir les jeunes de l’avancée des gendarmes avec pour objectif de paralyser Saint-Martin. Les faits se sont déroulés le jour de la marche pacifique en blanc, « du cinéma de la part du Président » estime-t-il.
 
Un procureur en colère : « on ne rétablit pas l’ordre avec des fleurs ! »
 
Le vice-procureur Paillard n’a pas mâché ces mots lors de son réquisitoire, estimant qu’il faut arrêter de se raconter des histoires et dire que ce sont les gendarmes les agresseurs, d’autant que la majorité des personnes interpellées, de nationalités étrangères, admettent ne pas se sentir concernées par le PPRN.
JF est allé au contact des gendarmes qui étaient en mission de restauration de l’ordre. Malgré plusieurs injonctions de leur part pour lui faire quitter les lieux, il est resté, se mêlant d’une interpellation en cours. A lui d’en assumer aujourd’hui la responsabilité estime le Ministère Public qui aurait souhaité une interdiction de territoire (impossible, la loi l’interdit s’il n’y a pas d’ITT supérieure à huit jours), et suggère que son titre de séjour ne soit pas renouvelé. Concernant, DC les observations sont les mêmes mais le prévenu assume sa participation aux émeutes.
Le vice-procureur note que dans ce mouvement, outre le PPRN, il y a également des intérêts identitaires, de rejet de la population étrangère, des intérêts de business, de stupéfiants, etc. L’ordre public a été délibérément perturbé et s’en prendre aux gendarmes, qui sont eux aussi sur leur territoire au même titre que les prévenus, c’est enfreindre la loi. De tels agissements ne sont pas pardonnables selon lui, car ils ont décrédibilisé Saint-Martin à l’international et ont fragilisé l’île économiquement. Il requiert en conséquence six mois d’emprisonnement. Une réquisition suivie par le Tribunal qui a condamné les deux individus à six mois de prison ferme. A charge au Juge d’application des peines de décider de leur maintien sur le territoire ou de leur déférement à la prison de Basse Terre.
Dans le même contexte, une cinquantaine de procédures, sont actuellement en cours d’instruction.
 
Ann Bouard

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