Skip to main content

Chantiers de déconstruction : les gravats déversés sauvagement dans la nature : une honte à ciel ouvert !

Par Valérie DAIZEY
24 août 2018

Les chantiers de déconstruction battent leur plein depuis quelques semaines. Et comme si à Saint-Martin rien ne pouvait se faire dans le respect des règles et de l’environnement, on assiste parallèlement à une corrélation entre l’augmentation de ces chantiers et la multiplication de décharges sauvages sur toute l’île. Un nouveau sujet pour lequel sont mis en exergue des failles dans l’organisation des systèmes locaux. Explications.

A Friar’s Bay, au Galion, à Oyster Pond, à Galisbay, à Agrément… c’est un peu dans tous les quartiers de l’île que sont apparues, ces dernières semaines, des décharges sauvages composées principalement de gravats et autres matériaux provenant, en toute vraisemblance, des chantiers de déconstruction qui ont actuellement cours sur le territoire. Sur certaines des images capturées, on aperçoit même les morceaux des frontons de certaines habitations à loyers modérés, gérées par des bailleurs sociaux.

LA COURSE AU PROFIT

A priori, la nouvelle manne financière engendrée par la période de reconstruction dans le secteur du bâtiment ne suffit pas aux entrepreneurs. Les entreprises chercheraient à gagner toujours plus, en économisant leur temps et leur argent. En effet, pour gagner du temps, certaines entreprises peu scrupuleuses ne respecteraient pas les règles de l’art dans la démolition, à savoir en triant les matériaux. Résultats, des centaines de camions (environ 250) se présentent chaque jour à l’écosite de Grandes Cayes, et parmi eux, environ la moitié ont les bennes remplies du tout-venant : ferraille, bois, encombrants, etc… Ces camions ne sont pas refoulés à l’entrée de l’écosite mais en revanche l’entreprise Verde Sxm qui gère l’écosite applique alors un tarif prohibitif, de 95 euros la tonne. « Un camion qui arrive avec sa benne pleine de déchets non triés représente un coût pour nous très important : Nous sommes obligés de stocker dans un premier temps tous ces déchets dans un endroit précis, puis j’ai une équipe qui procède au tri à la main de ces déchets. C’est seulement après cette première phase de tri que chaque catégorie de déchets ira vers la plateforme dédiée. Ceci représente un coût très important et bien évidemment nous sommes obligés de le répercuter sur le prix facturé à la pesée. A l’opposé, un camion qui arrive rempli de ferraille, par exemple, est directement acheminé vers la plateforme dédiée à ce matériau qui est traité immédiatement. La différence en termes de coûts est importante dans ces deux cas de figure », justifie Jean-Pierre Tey de Verde Sxm qui réfléchit de surcroît à encore augmenter ce tarif afin d’inciter les entreprises à trier.
Sauf que l’effet est inverse, et plutôt que d’inciter à devenir un bon citoyen respectueux de l’environnement en opérant à un tri sélectif des déchets, ce prix élevé incite les transporteurs peu scrupuleux à aller déverser sauvagement tous ces déchets dans la nature. Une économie certaine de temps et d’argent et même une embellie financière pour ces derniers, puisque le coût de transport à Grandes Cayes ainsi que le prix facturé par l’écosite sont bien répercutés sur le prix payé par le client…

LE CONCASSAGE, UNE FILIÈRE MANQUANTE

Par ailleurs, certaines de ces décharges sauvages ne sont composées que de gravats. Des gravats qui, en l’état, et par arrêté préfectoral ne sont pas autorisés à l’écosite. Normalement, pour tout chantier qui se respecte, ces gravats sont concassés et broyés pour être à nouveau utilisés, par exemple pour du remblais lors de la construction de fondations. Ce qui peut représenter une véritable valeur ajoutée sur un chantier. Mais à Saint-Martin, il n’existe pas d’entreprises spécialisées dans ce secteur. Seules deux entreprises de travaux publics détiennent les machines de concassage pour leurs propres besoins. L’une d’elles nous informait à ce propos que sa société n’avait pas remporté certains marchés publics car du fait de l’application du coût du concassage, ses prix devenaient supérieurs aux entreprises concurrentes répondant au même marché sans prévoir de coût pour le concassage des gravats.

UN SERPENT QUI SE MORD LA QUEUE

Nous sommes donc en présence d’une organisation défaillante et c’est l’environnement du territoire qui en paye les pots cassés. En effet, et pour résumer, l’écosite n’est pas en mesure de recevoir les gravats, il n’y a pas de filière à Saint-Martin pour concasser ces gravats et par ailleurs, les entreprises qui appliquent les tarifs incluant les concassages se voient refuser les marchés, car font des offres supérieures ! Pour certaines entreprises de transport et de déconstruction qui recherchent à tout prix le meilleur profit, la solution la plus simple et qui ne coûte rien, consiste à aller en catimini jeter ces déchets dans la nature !

QUID DES CONTRÔLES ?

Nous avons interrogé les bailleurs sociaux au sujet des modalités de contrôle des entreprises mandatées. La Semsamar nous indiquait appliquer une procédure de contrôle strictement rigoureuse quant au processus d’élimination des déchets à l’encontre des entreprises mandatées par elle. Nous reviendrons sur ces procédures de contrôle dans notre édition de mardi prochain. Du côté de la gendarmerie, le capitaine Verres nous assurait de la mobilisation des forces de l’ordre pour tenter d’éradiquer ce fléau préjudiciable à l’image de l’île : « Nous allons travailler sur tous les axes : contrôles et identifications des entreprises de transport, renforcement des contrôles des camions et en l’occurrence ceux qui ne présentent pas de plaque d’immatriculation, pesée des véhicules, contrôle de la régularité des employés et également enquête en flagrance de délit pour les dépôts de déchets dans la nature », nous indiquait-il.
Une fois encore, à quand la prise de conscience collective que Saint-Martin jouit d’une beauté naturelle extraordinaire qu’il faut préserver ? C’est une question de respect : respect de la nature, respect des populations qui vivent-là et respect des visiteurs censés revenir prochainement pour faire repartir l’économie touristique.

Valérie DAIZEY

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies pour réaliser des statistiques de visites.