Antoine Chapon en toute transparence

Quelques-unes de ses toiles étaient exposées jusqu’à la semaine dernière au concept store J’adore SXM de Grand Case. Un goût de trop peu, qui donne envie de partir sur les traces de cet artiste peintre prolifique qui a su au fil des ans garder intacte sa passion des débuts tout en faisant évoluer son art.
L’histoire d’amour entre Antoine Chapon et Saint-Martin a débuté il y a plus de quarante ans ! Quatre décennies où il a exploré les paysages, les horizons et la nature toujours avec cet œil acéré, qui lui fait voir l’infime détail. Certainement une petite déformation qu’il a gardée de son métier d’origine, photographe.
De la photo à la peinture
L’artiste a toujours aimé la mer et la navigation, ce qui le conduira jusqu’à Saint-Martin, où il débarque en bateau comme beaucoup d’arrivants de l’époque, et s’installe sur un chantier naval… peut-être inconsciemment le point de départ. Puis, il découvre le charme du village de Colombier d’alors, un endroit paradisiaque, en pleine nature, qui regorgeait de fruits et d’animaux. Autres inspirations.
Mais, s’il peignait depuis le plus jeune âge, tout restait à apprendre. Totalement autodidacte, il apprend les bases de l’aquarelle dans les livres et il lui faudra des mois et des mois de recherche pour en appréhender la technique et surtout trouver son style. Tous les livres sur le sujet de la bibliothèque municipale de Philipsburg y passeront. C’est la Belle Créole qui lui donnera sa première chance en passant commande de cinq aquarelles sur le thème de l’hôtel emblématique qu’il était à l’époque. Puis d’autres hôtels suivront. Sa carrière d’artiste peintre est lancée.
De l’aquarelle à la l’huile
Si ses premiers élans vont vers les vieilles maisons et la végétation, le spectacle de la mer et surtout des régates vont vite devenir ses sujets de prédilection. Il couche les silhouettes de bateaux sur la toile comme des papillons dans l’eau… un lien avec la mer dont il ne se départira jamais et qui aujourd’hui encore est source d’inspiration. Sa réputation s’est d’ailleurs faite avec ses aquarelles aux nuances de bleus si caractéristiques de nos contrées. Mais, peu à peu il délaisse l’aquarelle au profit de la peinture à l’huile réussissant malgré tout la prouesse de donner à ses nouvelles œuvres la même transparence, qui fait sa signature. Une manière, pour cet éternel insatisfait pouvant reprendre le simple détail d’une petite tache de couleur sur une marine pendant toute une journée, d’évoluer, d’exprimer des choses peut-être un peu plus abstraites et d’avoir plus de matière dans le rendu.
De l’accident à la superposition
Cette quête incessante du détail et de la transparence l’obsède souvent. Une ombre sur un mur l’interpelle, lui posant question sur la technique à utiliser pour la retranscrire au plus près de sa réalité. La peinture tourne en boucle dans sa tête et peut lui causer quelques frustrations, comme celle de ne pas réussir les portraits. Mais ce qu’il ne dit pas est qu’il excelle aussi dans la sculpture… et dans tout le reste. Incapable de travailler à petits coups de pinceaux, il est dans l’instinct. Sa technique est d’ailleurs assez surprenante, car il travaille au papier essuie-tout ! Un risque ? Non, pas pour Antoine Chapon, qui sait que si l’on se rate, on ne peut pas se rattraper, mais que l’on peut gérer l’incident sur une toile, et c’est même encore mieux. Il faut qu’il se passe quelque chose, un accident, pour que le rendu soit réussi.
Il applique parfois une sous-couche, primordiale pour l’effet glacis, et ensuite viennent les superpositions de couleurs et le fameux accident qui fera toute la différence.
De l’art au quotidien
Passionné par les peintures des autres, mais obsédé par la sienne qui envahit toutes ses pensées, « un bonheur et une souffrance en même temps », Antoine Chapon est plutôt clairvoyant sur la destinée des peintres. Très vite il s’est rendu compte qu’il était difficile de vivre uniquement de la vente de toiles originales. Les reproductions sont devenues vitales et sans fausse honte, il avoue que c’est aussi cette présence commerciale qui fait que les artistes continuent d’exister. Dans le monde actuel, être coté n’est plus la priorité. On peut ainsi trouver des reproductions de ses toiles sur des objets du quotidien dans de nombreuses boutiques de l’île et même à l’aéroport de Juliana. Une manière de s’offrir un petit bout d’expression artistique et de garder une jolie image de Saint-Martin. Aujourd’hui, Antoine Chapon s’estime extrêmement chanceux d’avoir pu vivre de sa peinture durant toutes ces années… et nous, sommes chanceux de pouvoir les admirer !
