Les écrans et les tout-petits : une génération en danger ?

Samedi, la direction de la santé, de la prévention et de la protection maternelle et infantile a organisé une conférence à la Mission locale, réunissant de nombreux parents et professionnels de la petite enfance. Les experts de la PMI ont présenté un constat alarmant concernant les risques liés à la surexposition des enfants aux écrans, tout en suggérant des solutions alternatives pour limiter ces dangers.
B.Daviaud, E.Banguid, L.Durand
« Zéro écran avant 3 ans. » Le message des autorités sanitaires est sans appel, alors qu’une récente étude de la direction de la santé et de la PMI révèle des chiffres alarmants : les enfants de moins de trois ans passent en moyenne deux heures par jour devant les écrans. Une surexposition qui inquiète les professionnels, confrontés à une augmentation significative des troubles du développement chez les tout-petits. Les moments clés de la journée — petit-déjeuner, trajets en voiture, coucher — se transforment en séances d’écrans par défaut, et de plus en plus souvent.
Les bilans de santé réalisés annuellement en maternelle à Saint-Martin dressent un constat préoccupant. « Nous observons une hausse inquiétante des affections du comportement et des retards de langage », alerte le Dr Durand.
« Actuellement, 25 % des élèves examinés présentent une suspicion de trouble cognitif, ce qui est supérieur à la moyenne nationale. Toutefois, ces chiffres doivent être interprétés avec prudence, car nous testons presque la totalité des enfants, ce qui n’est pas nécessairement le cas en métropole, où un échantillon plus restreint est analysé. Ces problématiques, directement liées à une exposition précoce, se manifestent dès l’âge d’un an. « Le plus inquiétant, c’est le caractère addictif de cette exposition, les enfants développent de véritables symptômes de manque lorsqu’on leur retire les écrans », souligne Eveline Banguid, directrice du service de la santé, de la prévention et de la protection maternelle et infantile à la Collectivité.
Si les causes sont identifiées, les experts définissent plusieurs conséquences majeures : une myopie précoce due à la fixation prolongée à courte distance, des troubles du sommeil et de la concentration, une augmentation de l’agressivité couplée paradoxalement à une forme de passivité et un isolement social croissant. « Le cerveau des tout-petits subit une véritable perturbation dans la formation de ses connexions neuronales », explique le Dr Durand, « ces connexions sont pourtant essentielles pour un développement harmonieux et pour éviter toutes les conséquences ultérieures néfastes ».
Des solutions concrètes pour les familles
« Il ne s’agit pas simplement d’interdire », nuance Blandine Daviaud, infirmière puéricultrice.« Nous devons essayer de proposer des alternatives aux familles ». Les professionnels recommandent des changements simples : instaurer des rituels sans écran, multiplier les activités sensorielles, comme la manipulation d’objets ou la lecture, et valoriser les moments partagés. « La cuisine, le dessin, la musique… ces activités nourrissent non seulement le développement de l’enfant, mais renforcent aussi les liens familiaux », souligne le Dr Durand. Des parents témoignent de transformations significatives après avoir limité les écrans. « Le changement a été spectaculaire, même si cela a été difficile au début », raconte Sophia, mère de deux jeunes garçons. « Ils ont retrouvé le goût du jeu et de l’imagination ».
L’augmentation des troubles du neurodéveloppement pose la question de l’avenir de toute une génération. Les autorités sanitaires appellent à une mobilisation générale : parents, éducateurs et professionnels de santé doivent travailler ensemble pour protéger les plus jeunes. Mais dans un monde toujours plus connecté, le défi est de taille. Comment permettre aux enfants de développer pleinement leurs capacités cognitives, émotionnelles et sociales, tout en les préparant à une utilisation raisonnée des technologies numériques ? Une véritable question de santé publique, dont la réponse doit être trouvée en urgence.
