Parmi les huit candidats déclarés officiellement, nous en avons rencontrés sept qui ont répondu à la question suivante : LES INSTITUTIONS et LA COOPERATION
Une fois élu à la présidence de la Collectivité, quelle sera votre priorité dans les domaines des INSTITUTIONS et de LA COOPERATION et les mesures phares pour leur mise en œuvre ?
Horace Whit : Soualiga Movement
Nous faisons la distinction entre l’Etat Français et le peuple saint-martinois. Je veux dire par là que la question d’être citoyen français n’est pas nécessairement incompatible avec ce que nous sommes. Il nous faut une nouvelle relation avec la France. L’article 74 donne davantage de moyens, or on est resté dans un esprit communal, rien n’a changé. Je prends comme exemple l’immigration, c’est une compétence régalienne de l’Etat, mais à travers tout ça, le droit du travail est de la compétence de la Collectivité. Donc les cartes de séjour, quelque part, devrait être une décision partagée. Quelqu’un qui a une carte de séjour doit avoir le droit de travailler. On a 5000 chômeurs déclarés à Pôle Emploi, pourquoi donner chaque jour des cartes de séjour à des gens qui ne vont pas pouvoir travailler ? Ce qui entraîne cette charge de 50 millions d’euros de dette du RSA, aux frais de la Collectivité qui s’endette chaque jour. Le saint-martinois du nord et du sud est un même peuple. Avec le temps, nous nous sommes un peu tournés le dos. Certains regardaient vers les Pays-Bas et Curaçao, d’autres vers la France et la Guadeloupe. Ça veut dire qu’il faut qu’on renouvelle cette relation entre les deux parties et que doubler les infrastructures, ce n’est pas nécessaire, c’est un gaspillage de fonds.
Jules Charville : Hope Party
En premier lieu, nous allons redonner tous leurs pouvoirs au Conseil Economique, Social et Culturel (CESC), et aux conseils de quartiers. Leur avis, qui est consultatif, est peu écouté, et jamais suivi. C’est devenu coutumier, dans les conseils territoriaux, le président du CESC est invité à la table des délibérations pour apporter l’analyse et les recommandations préconisées par les membres. Toutefois, c’est une tribune qui n’a aucun poids. C’est une insulte faite à la population car ces organes sont les représentants de la société civile. Avec notre groupe à la présidence, le CESC aura sa propre autonomie avec son propre budget. Et concernant nos institutions, nous envisageons la séparation des pouvoirs entre le Conseil exécutif et le Conseil territorial, avec un président pour chacun des organes. Le fonctionnement actuel est similaire à celui de l’ancienne commune, alors que nous avons récupéré les compétences de la Région et du Département et certaines de l’Etat.
Au sujet de la coopération avec la partie hollandaise, nous envisageons de mettre en place une assemblée qui sera composée de personnalités politiques des deux côtés de l’île. Cette assemblée sera chargée de prendre des décisions qui seront communes aux deux parties de l’île.
Daniel Gibbs : Team Gibbs 2017
Pour concrétiser notre projet pour Saint-Martin, dès les premiers jours de notre mandat nous lancerons trois audits : financier, fiscal mais aussi institutionnel. Loin d’être une remise en cause du 74, l’état des lieux de notre cadre institutionnel est l’occasion pour nous, d’identifier les dysfonctionnements que nous subissons depuis 2007. Notre statut, qu’une grande majorité de saint-martinois a appelé de ses vœux en 2003, est une chance. Donnons-nous les moyens de la saisir. Nous devons également réinterroger notre place au sein de l’Europe. Si notre statut de RUP fait de Saint-Martin un territoire à part entière de l’Union européenne, notre intégration régionale se voit souvent mise à mal par les normes et politiques de Bruxelles. Surtout, la différence de statut entre notre territoire et Sint-Maarten, PTOM empêche les deux parties de l’île à mettre en place une véritable collaboration économique et sociale. Sans pour autant présager du choix d’un statut ou d’un autre, il est donc temps de réinterroger notre intégration européenne, dans un contexte régional concurrentiel. En particulier, la coopération entre les deux parties de l’île nécessite la création dans les meilleurs délais d’un « Saint-Martin United Congress ». Cet organe de coopération offrirait le cadre d’un exercice conjoint des compétences de Saint-Martin et de Sint-Maarten.
Julien Gumbs : MOCSAM
La coopération doit s’inscrire au travers d’une institution. L’idée, c’est de constituer un corps qui sera reconnu des deux côtés de l’île, avec une présidence tournante, dans lequel les responsables des deux parties de l’île vont discuter de choses qui nous sont communes. Par exemple, la politique routière ou l’entretien routier, est-ce qu’il ne serait pas plus intelligent de le penser en commun ? Avoir une base commune où l’on peut vérifier les informations. C’est aussi valable pour nos visiteurs. Pourquoi ne pas imaginer un système dans lequel, lorsqu’un visa est demandé pour visiter l’île, qu’il soit valable sur les deux parties de l’île. Il est aberrant que quelqu’un obtienne un visa pour venir à Saint-Martin en vacance, mais ce visa n’est valable que pour la partie hollandaise et pas pour la partie française et vice-versa.
Sur l’évolution statutaire, une des principales transformations, c’est la gouvernance. Il faut qu’on aille vers la création de deux Assemblées. Au MOCSAM, nous sommes favorables à ce qu’on reste avec nos 23 conseillers. Dans cette organisation future, l’Exécutif est invité à l’Assemblée législative, il répond aux questions, il peut porter et défendre des projets, mais il n’a pas le droit de vote. On est toujours dans une configuration communale et j’estime que les besoins de la Collectivité de Saint-Martin demandent plus de responsabilité et surtout que l’on ait des Assemblées distinctes.
Louis Mussington : MJP
Le statut est un outil formidable qui permet de prendre les bonnes décisions dans l’intérêt du pays Saint-Martin. Il y a un manque de courage politique pour prendre les bonnes décisions, pour oser initier, innover, en ce qui concerne la gestion du territoire. Il est précisé dans la loi organique que nous pouvons demander la modification de cette loi organique, de même que nous pouvons demander la réorganisation des services de l’Etat.
Je suis favorable à ce que nous ayons notre propre code de marchés publics inscrit dans la loi organique et que nous fixions les règles en matière de marchés publics. En ce qui concerne les statistiques, il faut un véritable bureau de statistiques, c’est une nécessité urgente.
Je souhaite que nous fixions les règles en matière de RSA. Cette richesse que nous distribuons aux bénéficiaires de ce dispositif, nous voulons qu’elle circule dans l’économie locale et qu’il y ait moins de transfert d’argent vers l’étranger.
Il faut à tout moment coopérer avec nos amis de l’autre partie de l’île. Sur le dossier Interreg, par exemple, nous devons renforcer le partenariat et continuer à travailler en étroite collaboration pour que nous puissions profiter de la manne européenne.
Alain Richardson : En marche vers le Progrès
Il est clair que l’architecture telle qu’elle est de notre Collectivité ne correspond pas aux besoins et surtout aux compétences que la COM a récupérées. A peu de chose près, notre fonctionnement est similaire à celui d’une commune. Nous prônons un vrai organe exécutif avec un gouvernement qui délibère. L’organe exécutif doit être responsable devant l’organe délibérant. C’est en fait un gouvernement assez similaire de celui du gouvernement de la France, avec des parlementaires en Assemblée et un gouvernement composé de Ministres. Les appellations peuvent être différentes. Là n’est pas le plus l’important. Quant à notre relation avec l’Europe, il nous faut pour l’heure rester en tant que Région Ultra-Périphérique (RUP). Et ce, tant que nous n’aurons pas rattrapé notre retard dans les équipements structurants (les routes, le port, l’accueil de la croisière…). Nous pourrons ensuite porter la réflexion afin de devenir Pays et Territoire d’Outre-Mer (PTOM), ce qui nous ôtera de nombreuses contraintes de l’Europe qui sont inadaptées à notre territoire.
Concernant la coopération avec Sint Maarten, nous allons négocier avec cette partie de l’île pour devenir un vrai partenaire. Dans les domaines de la santé, de l’éducation, etc. Les deux parties de l’île doivent être complémentaires.
Jeanne Rogers-Vanterpool : New direction pour Saint-Martin
IOn demande plus de compétences, plus d’autonomie, on a raison, mais il faut que le personnel suive aussi. Parce que ce sont les techniciens qui doivent faire le travail. Il ne faut pas que ça nous arrive comme la première fois, où l’on a eu un statut alors que les gens n’étaient pas formés. La coopération est un dossier prioritaire parce que les relations sont en ce moment un peu froissées. Il faut reprendre ces relations, regarder ces personnes en face et avoir un franc parlé. On ne peut pas faire l’un sans l’autre. En tourisme, par exemple, on ne peut pas vendre le côté français sans le côté hollandais et vice-versa. Qu’on le veuille ou non, on doit trouver les moyens de travailler ensemble. On doit coopérer au niveau de tout ce qui est environnement, sécurité, infrastructures…
Il n’y a pas que le côté hollandais, il y a nos voisins de la Caraïbe. On fait partie de cette zone caribéenne sur laquelle il ne faut pas fermer les yeux.
On est au 21e siècle et il n’est pas normal qu’à Saint-Martin, on n’ait toujours pas compris comment il faut faire pour développer ce côté de l’île. Il faut une volonté politique, l’expérience aussi, et lever les freins que nous avons avec une législation qui est trop difficile, trop compliquée. Je ne dis pas qu’il faut qu’on soit un PTOM, mais il faut demander des réformes pour tout ce qui nous empêche de nous développer.