Verde SXM : le point sur les déchets
La campagne de nettoyage lancée par la Collectivité en prévision du pic de la saison cyclonique a pris fin le 31 août. Pour les retardataires, il y a encore des solutions. Mais tous les déchets ne vont pas au même endroit et ne sont pas traités de la même manière. Pour les dubitatifs qui doutent de la nécessité du tri, ou les fausses informations qui circulent qu’en est-il réellement ? Nous avons fait le point avec Maxime Arnal, directeur de Verde Sxm, qui a accepté de nous répondre, sans langue de bois !
QUI FAIT QUOI ?
La gestion des déchets est une compétence de la Collectivité. La partie française dispose d’une déchèterie à Galisbay, d’une Installation de Stockage de Déchets Non Dangereux (ISDND) appartenant à la Collectivité, et d'un écosite de recyclage et de valorisation à Grandes Cayes, appartenant à Verde Sxm depuis 2008. Les professionnels ont accès à l’écosite. Les particuliers peuvent bénéficier de l’enlèvement gratuit des « encombrants » par les services de la Collectivité ou en les déposant à la déchèterie. La problématique est sur le terme « encombrant », on ne dépose pas tout et n’importe quoi près des bennes. Pour qu’un frigo puisse être recyclé, il faut qu’il soit entier et non broyé. Tables, meubles, chaises, matelas sont des encombrants, un frigo est un déchet dit dangereux. Verde Sxm n’est pas équipé pour traiter les produits dit dangereux qui doivent être exportés.
COMMENT SONT TRAITÉS LES DÉCHETS ?
Les bornes de collecte, disparues avec Irma, n’ont toujours pas été remplacées. 250 bornes (125 pour le verre et 125 pour le carton et le plastique) achetées par la Collectivité sont toujours en cours d'installation. Il faudrait également plus d’infrastructures ; mais, la Collectivité a un projet de déchèterie vers l’étang de Chevrise. En attendant, faute de bornes dédiées, la population a tendance, ce qu’on ne peut lui reprocher, à ne pas trier. Pour exemple, la Collectivité a été informée que sur les 5 camions de déchets recyclables reçus en août à l’écosite, trois contenaient des déchets mélangés… et Verde ne peut recycler que les déchets triés.
Les infrastructures sur le territoire ne permettent pas à ce jour d’avoir un recyclage performant sur le plastique et le verre. La Collectivité travaille sur la mise en place d’un maillage de bornes pour améliorer tout cela. Pour le moment, les plastiques sont stockés dans une alvéole avant d’être envoyés en Guadeloupe, seule usine qui pré-trie tous les plastique des Antilles – Guyane avant de les envoyer en métropole où ils sont recyclés.
Le verre est broyé et transformé en sable et graviers, pouvant être utilisés à la place de ce qui est extrait des carrières. Il y a une demande forte des professionnels locaux que l’on ne peut satisfaire faute d’apport de verre propre (comprendre trié et non mélangé).
Depuis peu, les pots de peinture peuvent être envoyés en Guadeloupe. À ce jour, Verde Sxm expédie 3 conteneurs de 40 pieds chaque mois à destination de la Guadeloupe ou de la métropole selon les déchets. Les filières de recyclages sont mises en place petit à petit.
COMMENT CELA FONCTIONNE ?
Ici nous avons toutes les typologies de déchets, mais dans des quantités très faibles. Impossible d’avoir une usine de recyclage pour chacun, pour des raisons de coûts évidentes. On passe donc par des éco-organismes, des entreprises privées à but non lucratif, mandatées par l’État. Ils sont financés par l’écotaxe que paye les metteurs en marché et les consommateurs lors de l’achat. Il y a 23 éco-organismes, un pour chaque typologie de déchets. Toute la difficulté est de les convaincre de signer un contrat, car à Saint-Martin les volumes sont moindres qu’ailleurs et coûtent plus cher à traiter, alors que la taxe est la même que dans l’hexagone. Malgré tout nous sommes passées de 2 contrats il y a trois ans à 15 aujourd’hui et l’on devrait passer à 18 d’ici la fin de l’année.
L’éco-organisme nous rémunère pour la prestation de traitement des déchets, puisqu’il a déjà été payé par l’éco-taxe. Sans cela le consommateur paye deux fois, lors de l’achat et lors du traitement.
LE TRAITEMENT DE CERTAINS DÉCHETS EST DONC GRATUIT ?
Oui, pour les déchets d’équipements électriques et électroniques (D3E) ou la collecte et le traitement sont gratuits pour la collectivité et les professionnels. Cela s’applique sur les D3E, mais aussi les piles, les huiles minérales, les fusées de détresse, les meubles, les déchets du bâtiment et les bateaux hors d’usage. Mais la condition reste la même, ils doivent être triés au préalable.
QUELS SONT CEUX POUR LESQUELS IL FAUT PAYER ?
Ceux pour lesquels il n’y a pas de contrat avec un éco-organisme. Nous avons priorisé les contrats avec les éco-organismes sur les déchets les plus impactants pour le territoire. On doit maintenant travailler sur les autres, comme les gravats, les textiles, les voitures ou les pneus. Sur ces derniers l’écotaxe est de 1,44€ par pneu et le traitement revient à 730 € la tonne pour les professionnels, c’est impensable ! L’éco-organisme en charge des pneus est relancé régulièrement, mais toute la difficulté est que l’écotaxe est la même partout, mais le tonnage à traiter ne les intéresse pas. Il faut faire pression auprès des pouvoirs publics.
Les DIB (déchet industriel banal) coûtaient 98€ la tonne en 2017, aujourd’hui ils sont à 107€ la tonne et en deçà des prix pratiqués en Martinique, Guadeloupe ou métropole (160€ la tonne !).
Ceux qui sont triés et recyclables coûtent moins cher : 80€ les cartons, 50 € pour la ferraille, 35€ le bois, 35 € les déchets verts. Les gravats (béton, parpaings) aujourd’hui facturés 15€ la tonne, vont faire l’objet d’un accord avec un éco-organisme et devraient donc être gratuits d’ici quelques mois.
PEUT-ON DÉPOSER LES DÉCHETS EN PARTIE HOLLANDAISE ?
Le transport de déchets interfrontaliers est interdit. Côté hollandais la réglementation n’est pas la même (pas de membrane, d’argile, tout est à même la terre), et surtout c’est gratuit. C’est une concurrence déloyale. J’ai sollicité la Collectivité et la Préfecture pour faire pression sur les particuliers et les entreprises qui exporteraient leurs déchets en partie hollandaise, ce qui est interdit.
Nous sommes en partenariat cependant, par le biais de Verde VB, avec la partie hollandaise pour développer le traitement des déchets et mettre en place des normes. Il faut travailler avec le gouvernement … et c’est à suivre avec les nouveaux politiques en place.
L’ÉCOSITE EST-IL SATURÉ ?
Nous avons fini de traiter les déchets générés par Irma en septembre 2022 seulement. Aujourd’hui le site est effectivement saturé, ce qui pose des problèmes d’accès et de circulation pour les transporteurs, faute de place. Des travaux sont en cours pour agrandir une alvéole (argile et membrane) ce qui va nous faire gagner un à deux ans. Une demande d’autorisation a été formulée à la DEAL pour entreprendre des travaux d’installation d’un métacasier, qui lui devrait prolonger la durée de vie de 3 ans.
Le projet « Pi » de valorisation énergétique des déchets, est par ailleurs dans les tablettes depuis plusieurs années. Il vise à transformer les déchets non recyclables en combustible pour produire 2,8 Mégawatts, soit 10% de la consommation électrique de la partie française. Nous avons d’ores et déjà le permis de construire et l’arrêté préfectoral.
Concernant la rentabilité, la Collectivité nous paye pour le traitement des déchets et nous on revend de l’électricité. Pour avoir un prix sur le traitement des déchets, il faut conclure un marché avec la Collectivité, ce qui est prévu d’ici octobre, cela représentera 20% du chiffre d’affaires.
Le tarif de rachat de l’électricité est lui à négocier avec la commission de régulation de l’énergie. Pour cela il faut une PPE (programmation pluriannuelle de l’énergie), actuellement en cours de validation à la Collectivité. C’est ce qui déclenchera la mise en route du projet Pi.
C’est une décision stratégique à long terme, très dimensionnant pour le territoire, il faut donc prendre le temps pour prendre la bonne décision.