Huit gouvernements réunis à Saint-Martin pour les premières assises de la pêche
Zones de pêche inégales, sargasses, régulation inadaptée, dépendance de la métropole … Huit états se sont réunis mardi pour amorcer la restructuration du secteur. Une initiative jugée «historique».
Les représentants de Saint-Martin, Sint-Maarten, Anguilla, Saint-Barthélemy, la Guadeloupe, la Martinique, Saba et Saint-Eustache étaient réunis le 12 décembre dernier à Anse Marcel pour aborder la houleuse question de la pêche dans la région. Et en effet, dans ce secteur, les problèmes ne manquent pas. Les zones de pêche et la tarification sont jugées inégales d’une île à l’autre, Anguilla - qui dispose de la plus grande zone de pêche - ne peut pas vendre son poisson à Saint-Martin, régulation européenne oblige, et notre territoire dépend des importations de la Métropole pour répondre à la demande locale. Sans oublier les effets du réchauffement climatique qui rendent l’avenir encore plus incertain. Autant de sujets qui ont donc pu être débattus mardi en présence des différents comités de pêches et des organisations engagées dans la protection de l’environnement: «Nous devons obtenir des accords entre îles afin d’optimiser la gestion de ressources communes de plus en plus menacées par le réchauffement climatique et la surpêche, a exprimé le préfet délégué Vincent Berton. Nous devons aussi nous inspirer des bonnes pratiques les uns des autres». Ce dernier juge déraisonnable sur le plan économique et écologique de continuer à importer du poisson de 6800 km pour alimenter les marchés de Saint-Martin et Saint- Barthélemy, et estime que la délimitation des zones de pêche reste hautement inégalitaire :«Nous pouvons trouver des accords, a-til ajouté. Et c’est ce dont on va parler aujourd’hui. Cet événement ne sera pas un one shot.» Une conviction que partage Louis Mussington qui a rappelé ses origines de fils de marin pêcheur. Le président a estimé que le temps était venu de restructurer la pêche sur la partie française en accordant des revenus suffisants aux pêcheurs de l’île :«Cela demande des efforts importants, a-t-il souligné, c’est la raison pour laquelle nous allons engager 1 à 2 personnes pour aider à la restructuration de cette industrie.» Grâce notamment aux fonds européens.
UN MOMENT « HISTORIQUE »
De son côté, la Prime minister de Sint Maarten Silveria Jacobs a plaidé en faveur d’une entraide entre îles voisines face à un enjeu qui dépasse la capacité financière de son territoire, et s’est félicitée de pouvoir «discuter à l’échelon local de sujets qui sont habituellement abordés à l’international.»
Même satisfaction en Guadeloupe, même si l’archipel compte 600 pêcheurs contre 33 à Saint-Barthélemy et 19 référencés à Saint- Martin. Son vice-président Camile Pelage a déclaré vouloir participer à «ce grand élan entre voisins» puisque «nous avons le même jardin et faisons face aux mêmes problématiques, notamment les sargasses, a-t-il affirmé. Nous devons donc inventer des outils ainsi que des espaces d’échanges et de collaboration pour poser la première pierre d’un édifice fondateur en faveur de l’économie bleue dans la zone.»
Disposant de la plus grande zone de pêche de la région, la Gouverneure d'Anguilla Julia Crouch a elle aussi qualifié ce moment «d’historique», et s’est prononcée en faveur d’un «esprit de coopération », même si elle concède que la pêche reste «un sujet de controverses» dans la région:«Nous pouvons travailler ensemble à des solutions, car nous voulons tous que les choses changent. », a-t-elle déclaré.
3 DEGRÉS DE PLUS D’ICI 2050
Initiée par le préfet Berton à la demande des pêcheurs de Saint- Barthélemy, ces premières assises donnent le coup d’envoi à des discussions entre acteurs et décideurs des différents États devant placer les pêcheurs au coeur des dispositifs et prioriser la question environnementale. L’élu a d’ailleurs rappelé que d’ici 2050, les températures devraient augmenter de 3 degrés, ce qui aura pour conséquences de raccourcir la saison des pluies et d’intensifier les phénomènes cycloniques. D’où la nécessité pour les îles de partager leurs données respectives, et de faire évoluer leurs réglementations. Le Président Mussington a ainsi annoncé qu’il se rendrait prochainement à Bruxelles afin de défendre les pêcheurs du territoire, d’oeuvrer en faveur d’une souveraineté alimentaire, et de promouvoir l’harmonisation des pratiques dans la région.