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Harcèlement scolaire à Saint-Martin : une psychomotricienne tire la sonnette d’alarme

Par Swanee Ngo Kanga
27 octobre 2023

Virginie Pianel, psychomotricienne D.E libérale exerçant sur l’île depuis 2017 confie son inquiétude quant à l’augmentation des cas en milieu scolaire.

Le 97150 : Qu’est-ce qu’une psychomotricienne et quel est son rôle ?

Virginie Pianel : J’accompagne les enfants sur les thèmes de la confiance en soi, de l’estime et des émotions. Mon rôle est de les prendre en charge dans leur globalité, aussi bien dans la sphère psychologique, comportementale que corporelle.

Le 97150 : Quand fait-on appel à vous ?

V.P : Je suis sollicitée par des parents qui rencontrent de grandes difficultés et n’arrivent plus à faire face eux-mêmes. En général, c’est la maitresse qui fait des signalements autour du comportement d’un élève et leur recommande un psychologue ou un psychomotricien. J’évalue la situation, observe la relation parent/enfant et réalise ensuite un bilan. Tout se fait en lien avec les maitresses voire avec la directrice selon la gravité des cas.

Le 97150 : Qu’est-ce que le harcèlement scolaire ?

V.P : Lorsque je demande aux enfants ce qu’est le harcèlement pour eux, beaucoup me répondent : «c’est quand on me tape tout le temps», alors qu’il existe différentes manières de se faire harceler. On peut subir un harcèlement environnemental, familial, relationnel, corporel, personnel, directionnel («tu fais toujours le mauvais choix»), voire expérimental quand on remet toujours en cause une capacité ou une compétence. On parle de harcèlement lorsqu’une blessure intérieure est infligée de manière répétée à l’enfant.

Le 97150 : Quelles sont les situations courantes que vous observez ?

V.P : il y a la méchanceté entre enfants qui vont se moquer d’un élève sous prétexte qu’il est différent (poids, hyperactivité, autisme etc.). Parfois, ça implique aussi les maitresses qui ont du mal à leur enseigner leurs matières en raison d’un trouble d’apprentissage et qui perdent patience en leur reprochant ouvertement d’être nuls et de ne rien comprendre alors qu’ils ont simplement besoin qu’on leur enseigne différemment. Lorsque je leur soulève le problème sans les juger, beaucoup parviennent à corriger le tir et tout rentre dans l’ordre. L’enfant retrouve le plaisir de venir à l’école. C’est d’autant plus important qu’un enfant ne comprend pas le second degré et qu’il perd complètement confiance en lui dans ces cas-là. Ça peut le détruire. Parfois un parent s’en mêle et prend la maitresse à partie, ce qui aboutit à une triangulation enfant/maitresse/parent.

Le 97150 : Comment aidez-vous les enfants ?

V.P : En gagnant leur confiance. Ils appellent mon cabinet « leur maison ». Je les invite à se livrer et à prendre conscience du harcèlement qu’ils subissent. On fait aussi beaucoup de relaxation. En me rapprochant puis en m’éloignant d’eux par exemple, je leur apprends la conscience corporelle, sensorielle, auditive et verbale de l’autre. On fait également des scénettes où j’écoute leurs témoignages et leur montre ce que j’aurais ressenti dans leur situation, l’impact des mots, la conscience de soi et de l’autre, ce qu’est une émotion, etc.

Le 97150 : Quels sont les outils que vous leur apprenez pour se défendre ?

V.P : Je leur apprends à avoir confiance dans ce qu’ils disent sur le plan énergétique pour que l’autre le ressente et arrête. Je leur indique aussi quand ce n’est plus à eux d’agir mais à l’adulte. Certains n’osent pas se confier à leurs parents qui ne sont pas toujours bienveillants ou les accusent de mentir.

Le 97150 : Est-ce que vous aidez aussi ceux qui harcèlent ?

V.P : J’en ai eu 2 ou 3 en séances. C’est très compliqué parce qu’ils n’ont pas conscience de faire du mal aux autres. Ils sont très peu entourés et subissent beaucoup de violences à la maison. La thérapie est plus longue avec eux et dépasse le cadre de l’année scolaire habituelle. Pour autant, quand ils prennent conscience de leur attitude, certains arrivent à s’excuser et à chercher l’empathie de l’autre.

Le 97150 : Vous arrivent-ils d’être impuissante ?

V.P : oui parfois, et je fais dans ce cas un signalement aux services de protection de l’enfance. Ça ne passe pas toujours avec les parents non plus. Notamment lorsque je leur dis qu’il existe d’autres manières de faire que de recourir à la violence physique avec leurs enfants. J’ai déjà reçu des menaces de mort ou des SMS jusqu’à 23h avec nécessité de déposer une main courante à la gendarmerie pour me protéger. Malheureusement dans ces cas-là, je perds mon patient qui a pourtant besoin de soutien. Des fois les choses reviennent au calme et le parent reconnait de ne pas avoir compris l’importance de mon travail. Ce ne serait pas si inquiétant si en parallèle, les cas de harcèlement n’étaient pas en pleine progression sur l’île. 

Swanee Ngo Kanga

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