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Reprise d’Air Antilles : Décryptage de l’offre présentée par la Collectivité de Saint-Martin et EDEIS

Par Valérie DAIZEY
5 octobre 2023

Le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre a donc validé vendredi 29 septembre dernier l’offre présentée par la Collectivité de Saint-Martin, associée à son partenaire EDEIS qui gère l’aéroport de Grand Case, dont la maison mère est CIPIM. Pour porter le projet, une société d’économie mixte, New Air Antilles est en cours de création. Décryptage du dossier de reprise, ses tenants et ses aboutissants.   

La création d’une société d’économie mixte (SEM), New Air Antilles, a été actée par délibération lors d’un conseil territorial tenu en urgence le 20 septembre dernier, à la veille de l’audience programmée le lendemain par le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre. Une audience devant décider de la meilleure offre proposée pour la reprise des activités déployées par le groupe CAIRE, les filiales Air Antilles et Air Guyane. La décision de l’audience a été rendue le 29 septembre, et l’offre partielle de reprise concernant le périmètre antillais, à savoir Air Antilles, proposée par la Collectivité de Saint-Martin et EDEIS, a été retenue par le tribunal. La filiale Air Guyane qui opérait sur le périmètre guyanais a quant à elle été placée en liquidation judiciaire. Depuis le 1er octobre dernier, la SEM New Air Antilles, constituée par un capital détenu à 60% par la Collectivité et à 40% par EDEIS, est donc adjudicataire pour la reprise d’Air Antilles. Une reprise qui ne concerne que l’actif du groupe CAIRE et non pas le passif, dont les dettes déclarées sont estimées a-minima à 91 M€. S’agissant de l’actif, il est composé de 4 aéronefs, 3 ATR et 1 Twin, pour lesquels des investissements de maintenance sont à réaliser, en atteste l’incident dû à une défaillance technique de l’avion de la compagnie Air Antilles, qui s’est produit à Saint-Barthélemy en août dernier. Des avions acquis en défiscalisation dont les échéances continuent de courir.

TROIS LIGNES RENTABLES IDENTIFIÉES

Les conseils de la Collectivité, Maître Laurent Cotret du cabinet August & Debouzy et François- Xavier Goldsmith du cabinet KPMG, ont exposé en séance plénière du Conseil territorial du 20 septembre dernier le projet et le business-plan présentés au tribunal, précisant qu’ils ont eu un temps très contraint et serré, d’un mois (entre environ le 15 août et le 18 septembre), pour présenter une offre cohérente, en fonction des données qu’ils avaient en leur possession. Une cohérence déterminée par le prix proposé d’acquisition des actifs, le nombre d’emploi temps-plein repris et la pérennité du projet de reprise. Le prix d’acquisition de l’actif a été évalué à 400 000 €. Le business-plan présenté par les conseils de la Collectivité évalue à 120 le nombre d’emplois temps-plein nécessaire pour envisager la viabilité et la rentabilité du projet rapidement. Trois lignes rentables ont été identifiées, Pointe-à-Pitre/ Saint-Barthélemy, Pointe-à-Pitre / Fort de France et Pointe-à-Pitre / Saint-Martin. Une rentabilité justifiée par les hausses tarifaires observées ces derniers mois, mais dont les bénéfices, selon les conseils de la Collectivité, auraient été engloutis par les pertes accusées par les autres lignes déficitaires opérées par le Groupe CAIRE et ses filiales.

UNE PÉRIODE INCOMPRESSIBLE OÙ LES AVIONS RESTERONT AU SOL

S’agissant de la reprise effective de l’activité des rotations aériennes, elle est conditionnée par les délais d’attribution par la Direction Générale de l’Aviation Civile (DGAC) du Certificat de Transport Aérien (CTA) et autres licences. Des documents sans lesquels une compagnie aérienne ne peut faire voler ses avions. Ces délais d’instruction sont de minimum 3 mois et peuvent atteindre 6 à 9 mois, voire plus, à compter du jour où l’adjudicataire est nommé. Une période incompressible pendant laquelle les avions acquis par New Air Antilles resteront au sol et qui correspond aux mois de la prochaine haute-saison touristique.

MAINTENIR LA CONTINUITÉ TERRITORIALE ET ÉVITER LA SITUATION DE MONOPOLE

Motivés par l’absolue nécessité de la continuité territoriale pour Saint-Martin et les îles antillaises en général, mais aussi par les conséquences, notamment en termes de prix des billets d’avion si la compagnie Air Caraïbes venait à se retrouver en situation de monopole sur ce secteur aérien, la Collectivité de Saint-Martin, EDEIS et leurs conseils, ont envisagé une seule solution pendant cette période d’instruction par la DGAC: l’affrètement d’avions d’une autre compagnie aérienne. L’affrètement comprend la location des avions, ainsi que les salaires. Une solution dont le business-plan présenté prévoit un coût de 2.3 M€.

UNE PERIODE DE TRANSITION DONT LE COUT EST EVALUE A 12 M€

Au total, le projet évalue que le coût de cette période de transition, certes variable en fonction de sa durée, sera de 12 M€, dont 6M€ en perte d’activité et 2M€ en investissements. La SEM New Air Antilles reprendra également à son compte les billets émis mais non utilisés par les passagers, du fait de l’interruption des vols de la compagnie Air Antilles. Dans le calcul du chiffre d’affaires prévisionnel, les conseils ont évalué un prix moyen du billet d’avion à 150€ (calcul du prix moyen sur les trois lignes citées ci-dessus), soit 300€ pour un aller et retour.

QUID DE L’ÉVOLUTION DU CAPITAL DE LA SEM NEW AIR ANTILLES ?

Si pour l’heure et face au temps contraint pour présenter un projet de reprise, le capital de la SEM New Air Antilles est composé des 60% détenus par la Collectivité de Saint-Martin et des 40% détenus par EDEIS/CIPIM, les parties, publique et privée, envisagent l’ouverture du capital. La Collectivité dont la mise de départ annoncée est de 2M€, ouvrirait à hauteur de 9% son capital détenu – ce qui la laisserait majoritaire à 51% dans la SEM - à d’autres Collectivités et d’autres organismes publics, dont l’Etat. Au nom du respect du principe de la continuité territoriale, le 1er vice-président Alain Richardson se dit confiant quant à la position de l’Etat dans ce dossier. S’agissant de la part privée du capital, 40%, EDEIS resterait majoritaire mais ouvrirait son capital à d’autres investisseurs privés, dont un principal est déjà identifié sans pour autant préciser à quelle hauteur : la société J.A. Capital, dont l’unique actionnaire est Jérôme Arnaud, le Directeur Général Développement de EDEIS. Alain Richardson a garanti que la part du capital privée sera également ouverte à d’autres investisseurs locaux qui seraient intéressés. L’ouverture du capital à l’épargne privée ne serait quant à elle pas possible.

Quant au président de la SEM New Antilles, il sera nommé parmi les membres du Conseil d’administration, et devrait être issu du secteur de l’aéronautique.   

Valérie DAIZEY

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