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En une semaine, Sint Maarten bascule du mode « laxiste » au mode « musclé » !

Par Valérie DAIZEY
6 avril 2020

En une semaine, la situation s’est précipitée en partie hollandaise. Après une période jugée laxiste dans le niveau des mesures prises et dans la conscience de la menace face à l’épidémie, les autorités hollandaises ont changé leur fusil d’épaule et sont passées à des mesures extrêmes : un confinement total H24 et pendant 2 semaines, avec la fermeture obligatoire de l’ensemble des commerces et des activités non essentielles, y-compris les épiceries et les supermarchés. Une décision drastique qui s’est prise en 24 heures, ne laissant certainement pas le temps à la population de se préparer à cette situation.

Chronologie des faits

En effet, en reprenant la chronologie des faits, le vendredi 27 mars, les autorités françaises et hollandaises menaient des contrôles conjoints à la frontière de Bellevue. Des contrôles conjoints instigués par les autorités françaises, au vu du non-respect des mesures de confinement et de la traversée trop fréquente et régulière de la frontière, tant par les résidents français que les résidents hollandais. Sous couvert de n’avoir encore recensé que trois seuls cas à cette date, tous des cas importés par des personnes ayant récemment voyagé, le gouvernement hollandais semblait se penser alors intouchable et allait même jusqu’à évoquer que le danger viendrait de la partie française… Les mesures de restriction en partie hollandaise étaient jusqu’alors très peu restrictives et la tentation était grande pour les résidents français de traverser la frontière et se rendre par exemple sur les plages, ou dans les magasins de bricolage encore tous autorisés à rester ouverts.

Dimanche 29 mars, la partie hollandaise doublait brutalement son nombre de cas, passant de 3 à 6 personnes infectées par le virus, le début d’une longue série… Un électrochoc qui amenait la première ministre à annoncer, à compter du lundi 30 mars, un couvre-feu partiel, de 20h à 6h le matin et imposait des attestations obligatoires pour se déplacer sur le territoire néerlandais et des attestations dérogatoires pour franchir la frontière de part et d’autre devenaient également obligatoires.

D’incohérences en incohérences

Les attestations dérogatoires, du même type que celles rendues obligatoires sur la partie française, ont donc été mises en place dès le lundi 30 mars pour que les résidents de Sint Maarten puissent circuler sur le territoire. Cette même journée du lundi 30 mars, Sint Maarten passait de 6 à 16 cas contaminés et déplorait son premier décès, un homme qui était placé en confinement à son domicile et qui est décédé chez lui. Toutefois, dès le mercredi 1er avril, le gouvernement proposait à ses administrés une application sur son site Internet leur permettant de présenter aux contrôles leurs attestations sur leur smartphone, facilitant alors les déplacements sur l’île. La 1ere ministre évoquait le jeudi 2 avril que la liste des commerces et activités autorisés à ouvrir pourraient même s’élargir. Pour autant, nouveau revirement de situation dès le lendemain, vendredi 3 avril, avec l’annonce faite d’un probable confinement total pendant 2 semaines, et la fermeture de l’ensemble des commerces et activités non essentielles, comprenant les supermarchés et les épiceries…

Toute la semaine dernière, le nombre de cas de personnes contaminées n’a cessé d’augmenter en partie hollandaise et la population déplorait vendredi 3 avril, 3 nouveaux décès, portant à cette date à 4 le nombre de personnes ayant succombé au virus.

Et c’est cette journée du vendredi 3 avril que tout a basculé, avec l’annonce de l’attente de la promulgation d’un décret imminent par le gouverneur imposant le confinement total.  Paniquée par cette annonce, la population en mesure de pouvoir le faire, se ruait dès le lendemain dans les supermarchés et épiceries encore ouvertes pour la journée, pour faires les provisions leur permettant de tenir pendant cette période de « shutdown ». La promulgation du décret de confinement total se faisait le samedi 4 avril en fin d’après-midi, couvre-feu 24h/24h sur toute la partie hollandaise et fermeture obligatoire de tous les commerces, à compter de dimanche 5 avril 0h01, et pendant une période de 2 semaines.

Dimanche 5 avril, en conférence de presse en visio-conférence tenue avec la préfète Sylvie Feucher et le commandant de gendarmerie Stephan Basso, ainsi que le président Gibbs qui était au téléphone, la première ministre indiquait les modalités d’application de ces mesures et assurait que des paniers repas pourraient être livrés aux personnes nécessiteuses  qui devaient se faire connaître auprès des services du gouvernement. 

Durant cette même journée, le nombre recensé de cas contaminés à Sint Maarten montait à 37, soit 12 cas de plus que la veille et le sud de l’île pleurait déjà 6 personnes décédées.

Ce dimanche, se posait à l’aéroport Juliana en provenance des Pays-Bas un avion militaire contenant 6 lits armés pour les unités de soins intensifs (avec respirateurs), des médicaments, des kits de tests, et du matériel pour installer un hôpital de campagne aux abords du centre médicale, le SMMC.  

Le sud de l’île est ainsi passé de « presque rien à tout » en une semaine, dans une impréparation totale et sans laisser le temps à la population du sud de l’île de se préparer à ce total confinement… Reste à voir comment la population va devoir et surtout pouvoir s’adapter à ces mesures drastiques.  

 

Nombreux questionnements
Les questions sont nombreuses quant à la gestion de cette crise par la partie hollandaise, les plus prégnantes étant :

  • Comment le gouvernement peut avoir décidé en moins de 24h à ce confinement total, sans en avoir averti suffisamment à l’avance ses administrés afin qu’ils se préparent à cette période ?
  • La première ministre a-t-elle conscience de la position dans laquelle se retrouvent des familles entières, avec des nourrissons, des enfants en bas-âge ? Quelles solutions pour ces familles pour acheter le lait, les couches, les produits de 1ere nécessité, pour manger tout simplement ?
  • La 1ere ministre a-t-elle conscience que le salaire moyen de ses administrés ne leur permet certainement pas de faire des provisions pour deux semaines, surtout pour les familles nombreuses ?
  • La 1ere ministre sait-elle qu’une grande part de ses administrés survit essentiellement grâce à des jobs journaliers qui leur permettent de vivre au jour le jour.
  • La 1ere ministre a-t-elle conscience que de nombreuses personnes n’ont pas accès au numérique et qu’elles n’ont certainement pas été informés en temps et en heure de ses décisions prises trop rapidement ?
  • La 1ere ministre a-t-elle pensé aux tonnes de denrées alimentaires qui vont se perdre dans les supermarchés et épiceries du sud de l’île ? Compte-t-elle prendre des mesures pour en faire profiter sa population qui risque d’en manquer cruellement ?

Malgré la pandémie qui sévit sur toute la planète, aucun autre pays au monde n’a pour l’heure pris des décisions comme celle-ci, empêchant la population d’avoir accès au premier besoin vital, celui de s’alimenter. Les pays qui songeraient à mettre en place le confinement total, sont ceux qui sont organisés pour pouvoir mettre en place un ravitaillement à domicile de la population, dans des conditions sanitaires visant à assurer la sécurité des personnels chargés de ce ravitaillement.  Et si la 1ere ministre a évoqué la distribution de repas pour les plus vulnérables, nous doutons fort que ses services soient organisés pour ce faire.  

Valérie DAIZEY

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