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Une gestion de la crise du Covid-19 qui pose questions

08 May 2020
Entre la non-prise en compte des recommandations, la succession de contradictions, la saga des masques et celle des tests, se multiplient depuis quelque temps des interrogations quant à la gestion de la crise du Covid-19. Plusieurs créations d’enquêtes parlementaires et des plaintes contre des membres de l’exécutif national et des responsables d’administration sont d’ailleurs légion depuis quelques semaines. Dans la ligne de mire, les dysfonctionnements dans la gestion de la crise sanitaire par les autorités françaises depuis ses débuts.

En reprenant la chronologie des faits, il est facile de mettre en exergue des contradictions, des ratés, parfois même des mensonges, dans les prises de décision par les autorités françaises et de poser la bonne question, celle de savoir si un pays comme la France était prête à faire face à une crise de cette ampleur… Ce, malgré les différentes recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé et de la communauté scientifique en général.
 
Des recommandations non prises en compte
 
Reprenant la chronologie des faits, il y a en premier lieu le Livre blanc de défense et de sécurité nationale édité en 2013, qui pointait déjà du doigt le risque « d’une nouvelle pandémie hautement pathogène et à forte létalité, pouvant résulter de l’émergence d’un nouveau virus franchissant la barrière des espèces ou d’un virus échappé d’un laboratoire de confinement". Les auteurs du Livre blanc estimaient par ailleurs que « en matière sanitaire, la circulation des personnes et des marchandises, la concentration de populations dans des mégalopoles et la défaillance des systèmes de santé dans certaines zones favorisent la survenue de crises majeures ».
Malgré cet avertissement issu de la communauté scientifique, la France qui s’était doté en 2007 d’un établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) chargé de gérer à la fois la réserve sanitaire et les stocks stratégiques de produits de santé, décide en 2016 de la fermeture de cet établissement.
 
Septembre 2019 : l’OMS recommande de construire des systèmes de santé plus effectifs
 
De même, pas plus tard qu’en septembre dernier, le Conseil mondial de suivi de la préparation, émanation de l'OMS et de la Banque mondiale, souligne dans un rapport que le monde dans son ensemble n’est pas prêt à faire face à une pandémie mondiale.
Le rapport énumère sept mesures urgentes pour préparer le monde aux situations d’urgence sanitaire, parmi lesquelles l’exigence pour les chefs de gouvernement de consacrer une part prioritaire des ressources nationales et des dépenses courantes à la préparation pour garantir la sécurité nationale et mondiale, de construire des systèmes de santé plus effectifs, à même d’envisager et de prévenir la majorité des risques de contaminations, de renforcer les mécanismes de coordination internationaux.
 
Coupe de 5 M€ dans le budget de la Santé en novembre 2019
 
Pour autant, la loi de financement de la sécurité sociale votée au Parlement en novembre 2019 acte une suppression de 5 milliards d’euros du budget de la santé, dont la diminution de 1 milliard directement imputable au budget de l’hôpital public.
Selon certains députés à l’origine de la création d’une enquête parlementaire déposée le 8 avril dernier, "en vingt ans, 100 000 lits ont été supprimés dans les hôpitaux publics, dont 17 500 au cours des six dernières années ».
 
Alors que l’OMS alerte sur les risques d’une pandémie, la ministre de la santé indique que le risque est très faible
 
Dès le 13 janvier, alors que la Chine fait déjà face à l’épidémie, l’OMS alerte sur la forte probabilité que la contamination puisse s’étendre à d’autres pays et appelle les pays à se préparer en mettant en œuvre des dispositifs de surveillance active. Le 24 janvier, la France vient de recenser ses 2 premiers cas de Covid-19, 2 cas importés de Chine, et Agnès Buzyn, alors ministre de la santé, déclare : « Le risque d’importation depuis Wuhan est pratiquement nul (...) Le risque de propagation est très faible (...) Notre système de santé est bien préparé. ».
Le 11 mars, l’OMS déclare l’état de pandémie. Le 16 mars, le président Macron indique que la France est en guerre et décrète le confinement à compter du lendemain, le mardi 17 mars.
 
Le fiasco avec les masques et les tests
 
Le 23 février, le nouveau ministre de la santé, fraichement nommé, Olivier Veran, en remplacement d’Agnès Buzyn occupée par ailleurs par sa campagne des municipales, déclare « faire le nécessaire pour que les professionnels de santé puissent disposer de masques ». Il doit toutefois savoir que les stocks de masques nationaux ont été appauvris à peau de chagrin par des décisions prises par les gouvernements précédents, tant par des délocalisations de production que par des soucis de coupes budgétaires, le gouvernement s’étant déchargé sur les réseaux privés des industries pharmaceutiques. Olivier Véran assure alors avoir mobilisé l’ensemble des entreprises du secteur pour la fabrication de masques et avoir passé des commandes en quantité, notamment en Chine. Dans le même temps que la pénurie de masques de fait de plus en plus criante, notamment pour les personnels soignants, en première ligne face au virus, les experts se succèdent sur les plateaux télévisés pour indiquer que le port du masque n’a d’utilité que pour les soignants et les personnes malades… Toutefois, aujourd’hui, à l’heure proche de la date annoncée du déconfinement, les mêmes experts semblent avoir changé d’avis et les masques deviendraient l’un des objets barrières les plus efficaces, les rendant même obligatoires dans de nombreuses situations (dans les transports en commun, dans les magasins, dans les écoles, etc…).
Un même fiasco pour les tests de dépistage. La France n’en a pas en quantité suffisante, mais pour autant, le directeur général de la Santé informait le 27 janvier détenir des tests en quantité suffisante qui seront disponibles pour faire du dépistage massif sur l’ensemble du territoire. Une communication qui rejoint les recommandations de l’OMS qui clame haut et fort « Testez, testez, testez… ». Sauf que les campagnes de tests tardent à se mettre en œuvre, faute de matériel en quantité suffisante. La France passe de 2000 à 4000 tests par jour, puis à 9000 tests par jour à la fin du mois de mars. Ce n’est qu’après 2 semaines de confinement, à la fin du mois de mars, qu’Olivier Véran annonce un changement de stratégie avec la mise en place d’une action de dépistage massif, par la réalisation de 100 000 tests par jour, pendant la phase de déconfinement progressif, soit courant des mois de mai et de juin…
 
La chloroquine, encore un sujet opaque
 
Quand l’éminent, certes très médiatique, professeur Raoult, directeur de l’Institut Méditerranée Infection à Marseille, explique que la chloroquine peut agir efficacement sur les malades atteints du Covid-19, c’est l’impression d’une bombe qui explose dans les méandres du pouvoir. S’appuyant sur des résultats encourageants, le professeur Raoult met en place un protocole qui est publié dès le 17 mars. Après moult polémiques et autres tergiversations, une semaine après, le ministre de la Santé autorise l’utilisation de cette molécule de l’hydroxychloroquine, uniquement pour soigner les cas les plus graves pris en charge à l’hôpital. Cependant, selon le professeur Raoult, ce traitement à base de la fameuse molécule de chloroquine s’avèrerait efficace en tout début de traitement et pour des personnes présentant des fébrilités. La communauté scientifique se déchire alors, pour les uns, les études de toxicité préalables à la mise en circulation de tout médicament n’ayant pas encore été menées pour démontrer l’efficacité du traitement et l’absence de risques, pour les autres, ils se constituaient en collectif pour saisir le Conseil d’Etat et porter plainte contre le gouvernement qui n’aurait pas tenté d’utilisé des moyens existants qui avaient par ailleurs fait leurs preuves et permis de soigner des patients. A qui a profité et va profiter cette polémique ? Un autre sujet pour lequel le commun des mortels ne connait pour l’heure ni les tenants et les aboutissants, mais qui restera toutefois marqué par son opacité tout au long de la traversée de cette crise traversée. En attendant, il planerait sur le professeur Raoult l’ombre d’une suspension du Conseil de l’Ordre des médecins…
 
Si l’on ne nous dit pas tout, l’analyse de ces nombreuses contradictions, ces mensonges et ces revirements de stratégies nous autorise tout de même à nous poser des questions. Comment la France, la 6e puissance mondiale, a pu se retrouver face à de telles contradictions à la limite de l’absurde ? Que cachent-t-elles ? Quels enjeux financiers, politiques, stratégiques ? Le gouvernement français devra certainement en temps et en heure rendre des comptes. Souhaitons que la mission parlementaire récemment formée et présidée par Richard Ferrand, président de l’Assemblée Nationale, sera suffisamment impartiale et objective pour faire toute la lumière sur la gestion de cette crise. Et ses nombreux dysfonctionnements. 

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