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Que vive la liberté de la presse !

Que vive la liberté de la presse !

26 October 2021
Deux organes de presse, votre journal Le 97150 et notre confrère le Saint-Martin’s Week, ont été mis en cause dans une prétendue affaire de diffamation et ont été appelés à comparaître par citation directe auprès du parquet de Saint-Martin. Mettant rapidement en lumière une forme utilisée peu conventionnelle dans le traitement de ce type d’affaire, notre conseil ouvrait la brèche et s’y engouffrait. Un jugement sur la forme du dossier donc, était rendu jeudi dernier par le tribunal de Saint-Martin qui concluait à une nullité de la procédure. Une petite victoire qui permet pour l’heure de garder espoir quant à la protection de la sacro-sainte liberté de la presse, qui ne sort pas écornée. Même si le fond de l’affaire n’a pas été étudié, on se plaît tout de même à l’écrire à l’envi et en profitons pour en re-brosser un petit historique.
 
Quelle que soit sa ligne éditoriale, la presse d’information locale n’a d’autres buts que d’informer la population de la manière la plus objective et la plus complète possible. Que l’on reste dans le factuel ou que l’on s’aventure dans des analyses, la publication d’articles respecte une déontologie journalistique qui s’appuie sur des sources fiables et avérées, pas toujours officielles, fort heureusement, mais toujours sûres. Notre indépendance, pas si facile à défendre ni à assumer, reste cependant le gage de notre objectivité. Voilà pourquoi nous ne pouvons que nous réjouir du délibéré de nullité rendu jeudi 21 octobre dernier, dans un jugement d’une affaire pour laquelle nous nous sommes toujours sentis «bien droits dans nos bottes».
Pour rappel des faits, au petit matin du 18 janvier dernier, une perquisition était menée, à grand renfort de militaires, dans une habitation d’un couple de guadeloupéens, résidents de Saint-Martin et occupant des postes importants dans des institutions locales. Suivant l’affaire comme notre mission le requiert, nous avons titré dans notre édition du 22 janvier : «Un couple de saint-martinois serait impliqué dans un vaste réseau de trafics présumés de stupéfiants et d’armes». A ce stade, l’instruction venant d’être ouverte, nous avons employé le conditionnel, respectant la présomption d’innocence. Restant factuel, notre article relate les faits, une affaire pilotée depuis la Martinique par La Juridiction Interrégionale Spécialisée (JIRS). Le procureur de la République Renaud Gaudeul, patron de la JIRS, tenait le 18 janvier une conférence de presse sur les tenants et les aboutissants de ce dossier d’envergure internationale impliquant Saint-Martin, et comportant de multiples ramifications. Nous rédigions alors un article qui restait très factuel, donc, ne citant nommément à aucun moment le couple en question, ni même leurs emplois, des informations que pourtant nous détenions, évidemment. Cependant, au regard de la présomption d’innocence d’une part, mais également du respect à l’endroit de ces personnes bien connues sur la place publique, nous faisions le choix de la discrétion. Le Saint-Martin’s Week traitait également à sa manière cette affaire dans ses colonnes du vendredi 22 janvier.
De notre côté, quel n’a pas été notre étonnement, quand, plusieurs semaines à la suite de la parution de cet article, nous recevions à la rédaction la visite d’un huissier venu nous déposer une convocation à comparaître au tribunal le 22 avril. Le couple en question nous citait, ainsi que nos confrères du Saint-Martin’s Week, directement à comparaître devant le tribunal et lui demandait de déclarer les deux organes de presse, sans distinction, coupables de diffamation et de condamner les personnes morales et physiques à payer des dommages et intérêts de l’ordre de 50 000 euros par personne citée. Une première audience consacrée essentiellement à fixer le montant d’une consignation, en l’occurrence 5000 euros, une procédure habituelle dans ce type d’affaire. Le tribunal donnait au couple en question une échéance pour débloquer cette somme, soit le 31 mai 2021. L’affaire était une première fois renvoyée au 24 juin, puis à nouveau renvoyée au 16 septembre, à la demande des plaignants. Après une troisième tentative de renvoi, toujours à la demande des plaignants, mais cette fois refusée par le tribunal, le jugement sur la forme de ce dossier avait lieu, le tribunal remarquant toutefois au passage que la demande de consignation de la somme de 5000 euros dont l’échéance avait été fixée au 31 mai n’avait pas été respectée, puisque consignée à la date du 3 juin, et s’interrogeait par ailleurs, sur le fait que cette somme avait été réglée par un chèque émis par l’institution employant la femme dudit couple… Laquelle institution ne figurait pas parmi les personnes morales désignées. Après ces remarques lancées par la présidente du tribunal, le délibéré de l’affaire était fixé au 21 octobre dernier.
Et jeudi dernier, le verdict est tombé et l’affaire a été déboutée par le parquet, déclarant nulle et irrecevable l’action judiciaire menée par le couple et les condamnait à payer au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale la somme de 1500 € à chacune des personnes morales et physiques citées.
Bien que cette affaire ne soit pas définitivement close, le couple pouvant faire appel de cette décision dans les 10 jours qui suivent sa notification, et que par ailleurs son fond dont le sujet est la diffamation peut encore s’inviter dans d’autres débats, nous nous réjouissons que le Parquet ait sans doute peu apprécié la forme peu cavalière employée par des personnes qui seraient impliquées par ailleurs dans une affaire criminelle dont l’instruction est toujours en cours, pour avoir essayé de se défausser sur la presse locale dans le but sans doute de redorer son blason sur la place publique. Une petite victoire remportée donc pour la presse locale dont la liberté d’expression ne peut être aussi simplement balayée.
 

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