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Quand l’industrie agro-alimentaire se sucre sur le dos des Antillais

Quand l’industrie agro-alimentaire se sucre sur le dos des Antillais

19 October 2021
Cela fait des années que des études démontrent que les aliments destinés aux Antilles et tout particulièrement les laitages ou les sodas, sont plus sucrés qu’en métropole. Un état de fait qui pose un problème de santé publique et pour lequel une loi pour imposer une équité avait été promulguée en 2013. Huit ans plus tard, certaines entreprises continueraient de proposer des produits aux teneurs en sucre différenciés au mépris de cette loi et des normes édictées. De là à en déduire que les problèmes de santé et d’obésité y sont liés, il n’y a qu’un pas.
 
En 2011 déjà, une première enquête avait démontré que le taux de sucre contenu dans les aliments en outre-mer était nettement supérieur à celui de ceux commercialisés en métropole. Aujourd’hui encore, les industriels justifient cette différence par plusieurs raisons : une demande pour des saveurs plus sucrées, le mode même de fabrication des laitages produits localement (avec de la poudre de lait riche en sucres naturels) ou encore de devoir diminuer progressivement les doses … car le sucre est aussi une addiction qui demande sevrage ! Le Ministre de l’Outre-mer de l’époque Victorin Lurel, actuel sénateur de Guadeloupe, avait décidé de faire de ce problème une priorité et était le co-auteur en 2013 d’une loi visant à aligner la teneur maximale en sucres ajoutés sur celle des produits distribués dans l’hexagone
 
Un rapport différé pour des raisons économiques ?
 
Fin août, le Canard Enchaîné affirmait dans un article que la publication d’une enquête de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes sur la bonne application de la loi Lurel avait volontairement été reportée par le ministère de l’Économie … car ce nouveau rapport serait « accablant ».
Toujours selon le Canard Enchainé, différer sa publication à la fin de l’année permettrait à l’industrie agro-alimentaire de gagner quelques mois … encore !
Victor Lurel a immédiatement réagi dans un communiqué, demandant l’application de la loi et exhortant le Gouvernement à sanctionner les marques qui continuent de frauder. Le sénateur de Guadeloupe a adressé simultanément un courrier au Ministre de l’Économie, Bruno Lemaire, le priant de rendre immédiatement public ce fameux rapport. Il indique par ailleurs qu’en « matière de lutte contre les addictions, contre l’obésité, le surpoids et leurs pathologies associées, il est désormais temps que le gouvernement mène une politique volontariste et sanctionne les entreprises qui s’obstinent à ne pas jouer le jeu ».
 
15 % de sucre en plus dans les yaourts
 
Les rares études disponibles sur les Antilles Françaises, montrent des problèmes urgents de santé publique. L’évolution des habitudes alimentaires, pas toujours bonnes, ont eu un impact direct sur l’augmentation de l'obésité et des maladies chroniques au cours des dernières décennies. En 2011, une grande majorité des laitages contenait entre 26,8% et 29,8% de sucre en plus ! Une publication de septembre 2021 des Cahiers de nutrition et de diététique, précise qu’en « moyenne les teneurs en sucres sont comparables, tant pour le secteur des boissons sucrées (5 % d’écart en moyenne) que pour celui des biscuits et gâteaux ». Mais pour les produits laitiers frais, la teneur moyenne en sucres est toujours bien supérieure à celle de l’hexagone. En effet si l’on compare les valeurs nutritionnelles sur les emballages, un yaourt à la fraise contient 11,4g de sucre (pour 100g) en métropole et 14g aux Antilles et un yaourt à boire, selon les marques est jusqu’à 33% plus sucré !
A ce jour, la moyenne sur l’ensemble des produits est de 15%. On note donc bien une diminution depuis dix ans … mais dix ans, auront été nécessaires pour ne faire que la moitié du chemin. Il faudrait, si rien n’est fait, encore une décennie pour que les consommateurs des Antilles disposent des mêmes aliments que les citoyens de métropole. Dans une interview accordée à nos confrères de France 2, le Docteur Atallah (chef du service de cardiologie au Centre hospitalier de Basse-Terre) constate que pour un enfant qui consomme un yaourt tous les jours, cela représente 17 kilocalories par jour de plus, soit un kilo de plus par an … dix kilos en dix ans et donc un surpoids ou une obésité qui peuvent engendrer diabète et hypertension. La dernière enquête Kannari de 2013 faisant déjà état de 11% de diabétique et d’un taux d'obésité de 27.8% sur la population de la région Guadeloupe de plus de seize ans (14,5% en métropole). Pour les enfants le taux d’obésité est aujourd’hui à 8%. Des pathologies qui augmentent aussi les facteurs de risque dans l’épidémie de Covid-19.
Avant de mettre en place des dispositifs pour lutter contre le diabète, les maladies cardiovasculaires, l’obésité … peut-être faudrait-il commencer par juguler le mal à la source et appliquer les lois ?

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