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Pass Sanitaire : flou et vide juridiques en droit du travail

09 August 2021
Le Pass sanitaire est entré en vigueur hier, avec son lot d’inquiétudes et d’incompréhensions pour tous et en particulier pour les professionnels. Si le gouvernement a annoncé une période de tolérance pour cette première semaine d’entrée en vigueur de la loi, les confusions quant à son application risquent de perdurer au-delà de cette semaine. Focus sur les mesures de suspensions de contrat de travail et de rémunération.
 
Une analyse du pass sanitaire au regard des textes de loi en vigueur laisse clairement entrevoir un vide juridique quant à la mesure de suspensions des contrats de travail et son corollaire, la perte de revenus. Le gouvernement souhaitait en première lecture que les salariés d’une profession concernée par la vaccination obligatoire qui refuserait de se soumettre à l’obligation vaccinale ou à la présentation d’un pass sanitaire valide (test PCR de 72h ou antigénique de 48h ou encore une attestation de contamination au Covid antérieure à 6 mois maximum), puissent être licenciés. Cette mesure a été retoquée par les sénateurs sans toutefois que ces derniers n’aient introduit expressément dans le texte « l’impossibilité de licencier un salarié qui ne présenterait pas un pass sanitaire ». Ce qui laisse la porte ouverte à d’autres voies dans le droit commun du travail pour un licenciement, en l’occurrence celle d’un préjudice porté à l’entreprise par la désorganisation de son fonctionnement, ou encore celle de déclarer un salarié inapte à exercer ses fonctions. Cette dernière déclaration qui ne peut être faite que par la Médecine du Travail. En cas d’inaptitude avérée, l’employeur dispose alors d’un motif réel et sérieux pour lancer la procédure de licenciement. Les juristes spécialisés en droit du travail semblent unanimes sur la question de la suspension du salaire consécutive à la suspension du contrat de travail : selon eux, c’est une sanction financière déguisée, alors que le droit commun interdit la sanction d’un salarié pour des faits qui relèveraient de sa vie privée, comme la consultation de son dossier médical. En effet, tous les fondements du serment d’Hippocrate résident dans le secret médical et dans la préservation de l’intégrité des personnes. Le Pass sanitaire semble faire fi de ce sacro-saint serment en sortant de la sphère hautement privée, l’état de santé du malade et sa condition face à la vaccination.
 
Sanctions à gogo
 
Les salariés des secteurs concernés (lesquels secteurs déterminés restent également confus, car pour l’heure on parle des professions médicales ou ayant trait à l’accompagnement de patients ou de personnes, des café et des restaurants sans inclure les hôtels ni les commerces de ventes à emporter…) pourront jusqu’au 15 septembre prochain faire valoir des tests négatifs, mais au-delà de cette date, ils devront être en mesure de présenter leur schéma vaccinal complet ou bien un certificat de rétablissement, ou encore un certificat médical de contre-indication, sans quoi ils s’exposeront à une amende de 135€. L’employeur pourra suspendre le salarié pour une période de 3 jours, à l’issue de laquelle le salarié devra présenter les documents requis. Pour rappel, un salarié soumis au pass sanitaire peut d'abord, avec l'accord de son employeur, poser des congés ou des RTT durant cette période. Il peut aussi obtenir une réaffectation sur un poste sans contact avec le public. La suspension du contrat n'intervient qu'après l'échec de ces deux options.
Du côté de l’employeur, s’il ne contrôle pas les pass sanitaires de ses salariés, il risque une mise en demeure de mettre en place des mesures de contrôle sous 24h, puis une fermeture de 7 jours maximum peut-être prononcée. Si l’employeur manque à ses obligations de contrôles plus de 3 fois dans un délai de 45 jours, il risque 1 an de prison et 9 000€ d’amende.
 
Charge de travail augmentée et entrée réduites … cherchez l’erreur !
 
Mais par quelle drastique organisation l’employeur sera-t-il en mesure de contrôler l’ensemble de ses salariés, en suivant au jour le jour la réalisation des tests à 48h ou à 72h ? Quelle organisation efficace pour contrôler l’accueil de la clientèle ? Des procédures qui semblent bien compliquées et incertaines… Face à ce surplus de travail demandé aux chefs d’entreprises, une association du département de la Vendée (85) regroupant les restaurateurs a eu l’idée de faire appel à des retraités bénévoles. Une idée qui a fait son chemin et qui a rapidement emporté l’agrément de nombreux retraités pour occuper ces fonctions bénévolement ; une procédure qui est encore toutefois proscrite par le droit du travail, dans la mesure où elle prive d’un poste salarié.
 
Licenciement inéluctable
 
De surcroît, qui dit suspension de contrat de travail sans contrepartie financière dit aussi que le salarié ne peut faire prévaloir de droits quelconques auprès d’organismes tels que les ASSEDIC ou la Sécurité sociale, mais également que l’employeur n’est pas en mesure légalement de remplacer ce salarié à son poste. Une situation qui se conclura par conséquent inéluctablement par un licenciement pour « désorganisation dans le fonctionnement de l’entreprise » lui portant préjudice.
A noter cependant que pour les professions non soumises au pass sanitaire ou à l’obligation vaccinale, une absence de pass ou un refus de vaccination ne pourra pas justifier une suspension de contrat de travail ou une sanction. L’employeur ne peut pas non plus, dans cette situation, imposer la vaccination à ses salariés ou les contraindre à effectuer un test PCR pour pouvoir travailler sur site.
Bref, entre flou et vide juridiques quant à la suspension du contrat et travail et complexité de la mise en place des contrôles du pass sanitaire, il semblerait que les technocrates vont devoir encore plancher sur le sujet pour éviter une cacophonie générale ainsi qu’une multiplication des actions en justice et devant les prud’hommes.

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