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Les crises dans la crise : le président Gibbs s’exprime

18 September 2020
Avec la levée des contrôles aux frontières, il semblerait que l’on ait évité de justesse une nouvelle crise de contestation sociale. Nous avons souhaité rencontrer le président Daniel Gibbs afin de recueillir à chaud son sentiment sur ces derniers mois traversés. Le président a accepté de nous recevoir hier pour nous livrer son analyse de la situation.
 
Le 97150 : Monsieur le président, bonjour. Pour entrer dans le vif du sujet, celui du contrôle de la frontière séparant le nord et le sud de l’île, décidé unilatéralement par la représentation locale de l’Etat en date du 31 juillet dernier, pouvez-vous nous détailler quelle a été depuis cette date la position de l’exécutif local ainsi que les actions menées ?
 
Daniel Gibbs : Autant nous étions favorables à cette mesure quand elle a été prise en avril dernier, en plein pic de l’épidémie alors que nous étions en confinement, et de façon concertée avec la partie hollandaise, autant à partir du 1er août dernier, nous nous y sommes dès le départ opposés, dans la mesure où cette décision n’était pas unanime.
Toutefois, la priorité devait être donnée à la santé et pendant cette période du mois d’août nous avons axé notre travail sur la mise en place de mesures sanitaires, afin d’être prêts au moment de la rentrée, notamment au niveau des établissements scolaires et des services administratifs. Nous avons commandé des machines de tests et du matériel médical avec l’aide des fonds européens, nous avons commandé des masques, etc. Nous avons dès le mois d’août alerté la préfecture, oralement, par des courriers et des mails, des complications qui allaient se poser au moment de la rentrée si cette mesure devait être prolongée. De même, tout comme les socioprofessionnels l’ont fait, nous avions informé la préfète de toutes les mesures sanitaires mises en place par les hôtels en partie française pour accueillir les touristes en sécurité. Il n’y a jamais eu d’ambigüité à notre niveau, même si nous avons été concertés, nous avons toujours exposé des arguments allant contre cette mesure remise en place le 31 juillet par la préfecture, la veille de l’ouverture de l’aéroport Juliana aux compagnies aériennes américaines. D’ailleurs, si nous étions inquiets de cette décision prise par Sint Maarten, nous voulions avant tout travailler à la mise en commun d’un protocole sanitaire. Mais cela n’a pas été possible en raison des difficultés de dialogue entre la préfète et la première ministre de Sint Maarten.
Le 1er septembre, jour de la rentrée scolaire, alors que la préfète venait de prolonger pour encore 15 jours cette mesure de contrôle des frontières, nous l’avons une nouvelle fois alertée sur les conséquences qu’elle allait encore impliquer sur la vie des familles et sur l’économie de l’île.
 
Le 97150 : Dans votre position, vous ne pouviez pas appeler la population à descendre dans la rue. Toutefois, une partie de la population a semblé, notamment à travers les commentaires sur les réseaux sociaux, vous reprocher ne pas vous être manifesté plus tôt en faveur d’une réouverture des frontières… Quelles ont été vos motivations pour annoncer votre participation mardi, la veille de l’appel à manifester lancé par le collectif Soualiga United ?
 
Daniel Gibbs : Au risque de me répéter, je redis que je n’ai eu de cesse en tant que président de la Collectivité de me prononcer auprès de la préfète contre cette mesure. J’ai même interpellé le préfet de Région. En tant que président du Conseil de Surveillance de l’hôpital, je suis en permanence au fait de la situation sanitaire de l’hôpital et suis en relation quotidienne avec la direction de l’hôpital, l’ARS, les biologistes, les médecins. Les contrôles aux frontières n’ont pas prouvé leur utilité face à la propagation du virus. Mais est-ce que la préfète a réellement entendu notre appel ? Je pense que nous avons tout tenté en amont pour éviter d’en arriver à cette extrémité, mais il aura fallu que la rue se manifeste pour que la préfète entende ce que tout le monde lui disait depuis plusieurs semaines. Et quant à notre participation à cette journée de protestation, cela n’a pas été une décision de dernière minute, puisque nous étions opposés à ces contrôles, mais puisque nous n’étions pas écoutés, il était légitime que nous soyons là auprès de la population.
 
Le 97150 : Que pensez-vous aujourd’hui des annonces faites par la préfecture : ouverture des frontières, responsabilisation des membres du collectif au regard du respect des gestes barrières, probable restrictions des déplacements aériens avec la Guadeloupe… ?
 
Daniel Gibbs : Si je me réjouis de l’ouverture enfin de la frontière, je suis perplexe face au mépris que la représentation locale de l’Etat a eu face aux élus locaux. D’ailleurs, je m’interroge sur le blocage systématique de la représentation locale de l’Etat face aux élus…
Quant aux annonces faites par la préfecture sur la responsabilité sanitaire qui nous incombe à chacun, la sensibilisation, la communication et le contrôle en matière sanitaire demeurent un devoir des services de l’Etat, qui en ont la compétence et les moyens humains et financiers. Je ne saurais laisser reposer les responsabilités de cette mission sur les seuls citoyens, même si chacun peut se positionner en acteur de la lutte contre cette épidémie.
Nous continuerons de notre côté à tout mettre en œuvre pour assurer la sécurité sanitaire des concitoyens, qui reste le sujet majeur actuellement.
Et si nous devons subir de nouvelles restrictions aériennes avec la Guadeloupe, la Martinique et la métropole, pourquoi n’y a-t-il pas ces mêmes restrictions entre Paris et Marseille ou Bordeaux, qui sont également dans le rouge ? J’aimerais comprendre le réel sens d’une restriction aérienne entre Saint-Martin et Ponte-à-Pitre qui fermerait alors l’accès d’un territoire français à un autre territoire français sans prendre en compte la spécificité de notre île ?
 
Le 97150 : La préfecture indique également qu’en stoppant les contrôles aux frontières, cela risque non seulement de mettre en difficulté notre système de santé mais également de compromettre la prochaine saison touristique. L’Etat semble d’ailleurs attribuer à Sint Maarten la nouvelle vague de propagation du virus en Guadeloupe. Quel est ici votre sentiment ?
 
Daniel Gibbs : Je réponds clairement que c’est en laissant le contrôle aux frontières que la prochaine saison touristique était menacée. Car tant que la frontière restait fermée, les tours opérateurs n’étaient pas en mesure de programmer des séjours sur notre île. De même, les compagnies aériennes n’y programmaient pas de rotations supplémentaires. Je rappelle que nous vivons à 95% du tourisme contrairement à la Guadeloupe et la Martinique.
Nous avons maintenant de meilleurs espoirs pour la prochaine saison touristique.
 
Le 97150 : Quid de la coopération avec Sint Maarten pour l’élaboration d’un protocole sanitaire commun ? Vous avez rencontré hier la première ministre Silveria Jacobs hier. A votre demande, la préfète était conviée à cette réunion. Qu’en est-il ressorti ? Pourquoi cette coopération n’a-t-elle pas été mise en place avant ?
 
Daniel Gibbs : Nous appelons cette coopération de nos vœux depuis longue date. Comme je le martèle depuis plusieurs mois, c’est à l’échelle de cette petite île qu’il faut agir pour combattre durablement ce virus, et nous mettrons toute notre énergie pour que des dispositifs tel que le Centre de dépistage et de surveillance conjoint Saint-Martin/Sint Maarten, voient rapidement le jour. J’ai d’ailleurs eu une réunion fructueuse, jeudi après-midi (ndlr hier) avec le conseil des ministres de Sint Maarten à ce sujet.
 
Le 97150 : Pour conclure, monsieur le Président, votre mandat a pour l’heure traversé de nombreuses et fortes crises… Irma, le PPRN, les bromates, un conflit de 4 mois avec les agents de la CTOS, les affaires judiciaires, le Covid… Du jamais vu certainement dans la vie de président de Saint-Martin. Quel est votre état d’esprit, à 18 mois de la fin de votre mandat ?
 
Daniel Gibbs : Je ne lâche rien et reste fidèle à ma pensée. Je continue à œuvrer avec les moyens que j’ai et je continuerai jusqu’au bout. Plus il y a des difficultés et plus je suis prêt à combattre. Je continuerai à travailler sur le terrain pour le bien de l’île et de la population. Notez d’ailleurs que comme certains l’avaient pourtant prédit, je ne me suis pas défaussé pour aller aux sénatoriales… J’aurais pu le faire par facilité. La pression ne m’a jamais fait peur, bien au contraire, et mon devoir d’élu reste ici, à Saint-Martin, en tant que président de la Collectivité.

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