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Enfance maltraitée : la triste réalité

Enfance maltraitée : la triste réalité

20 September 2022
La maltraitance des enfants est un phénomène récurrent, qui s’est accru en métropole lors de la crise sanitaire mais étrangement la crise n’a rien changé à Saint-Martin. Si les violences intraconjugales ont elles explosées, les maltraitances vis-à-vis des enfants sont restées relativement stables. Malgré tout, les chiffres du territoire sont hors normes.
La maltraitance a plusieurs visages. Elle peut être physique (coups), psychologique (insultes, humiliations), due à la négligence (absence de soins ou de nourriture) ou sexuelle (viols). Les victimes peuvent bénéficier de deux prises en charges selon la gravité des faits, administrative ou judiciaire … encore faut-il que cela se sache.
 
300 dossiers traités par l’Aide sociale à l’enfance
 
Au sein de la délégation solidarité et famille de la Collectivité, la direction enfance et familles traite la prise en charge administrative ou judiciaire d’environ 300 dossiers et gère 43 familles d’accueil. Une équipe de 27 personnes (responsables administratif, assistantes sociales, psychologues, médecin, etc) assure à la fois une mission de prévention avec un accompagnement à domicile et le placement en famille d’accueil lorsque cela est nécessaire (à la demande du parquet). Actuellement 89 enfants et jeunes, de la naissance à 21 ans, sont placés. La loi oblige en effet un accompagnement au-delà de la majorité, jusqu’à 21 ans. Ces jeunes majeurs doivent alors signer un contrat qui les engage sur un certain nombre de points. Certains retournent chez eux, car le problème peut être ponctuel ou sont repris par un autre partent.
En règle générale, l’objectif est de garder les enfants sur l’île, dans un environnement plus sûr, mais certains, nécessitant un suivi particulier comme un placement en IME, doivent eux être placés en Guadeloupe, Martinique ou en métropole, faute d’une telle structure à Saint-Martin.
Avancement significatif, l’appel à projet est en cours et le choix du prestataire devrait se faire dès ce mois-ci assure la Direction enfance et familles. Cet IME, d’une capacité de 35 places, devrait donc voir enfin le jour en 2023.
 
Entendre les enfants : libérer la parole
 
Au sein de la gendarmerie (à Concordia) la maison de protection des familles assure elle aussi une mission de prévention en se rendant chaque année dans tous les établissements scolaires, publics ou privés, pour informer les enfants et adolescents contre les violences, la maltraitance, le harcèlement, les réseaux sociaux, les addictions, etc. Ces interventions peuvent être faites également sur des thématiques demandées par les enseignants ou pour le suivi d’enfants ayant un comportement déviant par exemple. Deux gendarmes, volontaires et ayant suivi une formation spécifique, sont dédiés à ce service qui en parallèle est chargé de recueillir les témoignages des jeunes victimes. Environ une cinquantaine d’enfants sont auditionnés chaque année (22 depuis le début de l’année).
Il n’y a pas de profil type pour les auteurs des faits. Cela concerne toutes les catégories socio-professionnelles, tous les âges et les faits ne sont pas forcément liés à la consommation d’alcool ou de stupéfiants, mais plutôt à des problèmes de séparation, à l’oisiveté ou à des difficultés financières.
La méthode utilisée, est la méthode Mélanie qui consiste à enregistrer et filmer la discussion sans prendre aucune note afin de ne pas l’interrompre et libérer la parole de l’enfant. Ses paroles sont ensuite retranscrites d’après l’enregistrement.
Majoritairement, les enfants auditionnés ont été victimes de coups, mais parfois les gendarmes doivent faire la part des choses, notamment en cas de viol. Les réseaux sociaux sont dévastateurs, on le sait, et une jeune fille consentante mais dont les images ont été diffusées peut, pour se dédouaner, déclarer avoir été victime d’un viol (à noter que depuis 2021 la loi spécifie qu’aucun adulte ne peut se prévaloir du consentement sexuel d'un enfant s'il a moins de 15 ans, ou moins de 18 ans en cas d'inceste). Suite à ces auditions, la MPF émet des préconisations de suivi et remet le dossier au parquet. Les cas les plus graves font alors l’objet de poursuites judiciaires.
 
Violée tous les jours, sauf le dimanche : des affaires judiciaires lourdes
 
Elle avait 12 ans quand elle est tombée enceinte et s’est présentée à l’hôpital pour se faire avorter accompagnée par son père qui avait pris soin de la briefer pour qu’elle impute sa grossesse à un petit ami. Le médecin ayant des doutes prévient les gendarmes qui récupèrent le fœtus. L’analyse ADN de celui-ci révèle que le géniteur est le père. Il la violait chaque jour, sauf le dimanche car il allait à l’église. L’année dernière, la cour d’assises de Guadeloupe l’a condamné à 15 ans de réclusion. Cette affaire a pu être jugée et la jeune fille sortir de cette spirale infernale grâce au médecin qui a levé le secret médical comme l’autorise la loi en cas de mise en danger. Une autre affaire de viol, subi par une enfant de 9 ans (et jusqu’à ses 11 ans) devrait être jugée le mois prochain par la même cour d’assises. Mais combien d’autres cas passent au travers des mailles de la justice ?

L’association Trait d’Union traite actuellement 47 dossiers, du nourrisson (bébé secoué) à des enfants de tous âges. Un chiffre hors norme si l’on se réfère à ceux de métropole : c’est le chiffre de tout un département en France !
En tant qu’administrateur ad hoc, Trait d’Union est désigné par le procureur pour défendre la victime quand les parents ou la famille proche, impliquée le plus souvent, ne peut le faire. L’enfant est informé de la manière dont cela va se dérouler et ce que l’on va faire pour lui. Tout cela s’effectue en lien avec l’ASE qui reste le référent quand le parquet prononce une ordonnance de placement. Trait d’Union assure, toujours en partenariat avec l’ASE, l’accompagnement de la victime pendant toute la procédure judiciaire, depuis l’audition chez les gendarmes jusqu’au procès.
L’association intervient aussi dans les lycées (avec d’autres partenaires) sur l’éducation sexuelle, et à chaque intervention au moins un adolescent vient dénoncer des faits. Jusqu’à présent peu de signalements émanaient de l’éducation nationale, mais les temps changent et l’arrivée d’un nouveau médecin scolaire, très impliqué dans cette cause, semble faire bouger les choses.
S’il y a eu quelques d’améliorations pour la protection de l’enfance, il reste encore beaucoup à faire. Le suivi psychologique des auteurs, pour éviter les récidives, n’existe pas, le port d’un bracelet électronique pour protéger la victime n’est pas possible (le territoire est trop petit pour ce système qui fonctionne par satellite), et les signalements, notamment en milieu scolaire, encore trop peu nombreux. Il ne faut pas hésiter à dénoncer ce genre de faits car rien ne justifie que l’on s’attaque à un enfant.
 
Faire un signalement, peut sauver un enfant
Le signalement d’un enfant en difficulté peut être fait directement auprès de la gendarmerie, auprès du Procureur de la République ou auprès de la CRIP (Cellule de recueil d’informations préoccupantes). Elle constitue l’interface, avec les services de l’action sociale et l’aide sociale à l’enfance et est l’interlocuteur privilégié du parquet à qui elle remet les dossiers si des poursuites doivent être engagées.
CRIP : 05 90 29 13 10 ou This email address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it.
Devenir famille d’accueil
C’est un vrai sacerdoce pour les familles qui ont fait le choix d’accueillir des enfants ou parfois de jeunes majeurs. Outre le temps que cela nécessite pour la personne en charge des enfants, c’est toute une famille qui s’engage tant cela modifie le quotidien du foyer. Les familles peuvent accueillir plusieurs enfants en même temps, d’autant que la loi oblige, autant que faire se peut, à ne pas séparer les fratries.
Si actuellement 43 familles peuvent accueillir des enfants, la Direction enfance et familles en recrute de nouvelles chaque année pour sursoir à celles qu’il faut remplacer (départ en retraite, nouveaux enfants à placer, etc). Les familles d’accueil doivent présenter un dossier irréprochable pour obtenir l’agrément de la Collectivité. Elle doit suivre une formation (prise en charge par la collectivité) de 60h à Saint-Martin et de 240 h avec un organisme de formation sur le territoire parfois en dehors. Les personnes qui souhaiteraient s’engager dans cette voie doivent se rapprocher de la Direction enfance et familles à la Collectivité de Saint-Martin.

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