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Le décès du facteur Dicky met au grand jour un profond malaise à La Poste

12 June 2020
Depuis la découverte du drame, lundi en fin d’après-midi, les collègues du jeune facteur sont en émoi. Ils fustigent leur direction d’être à l’origine du geste fatal de leur collègue et dénoncent le mépris qu’elle affiche face à leur détresse.
 
Le jeune facteur non-titulaire Dicky Lisca, 34 ans, s’est donné la mort à son domicile de Concordia, durant le week-end dernier. Son corps n’a été découvert que lundi, en fin d’après-midi. Certains de ses collègues nous ont fait part du fait qu’il leur avait, peu de temps auparavant, expliqué son mal-être et indiqué qu’il se sentait être en permanence dans la ligne de mire du directeur du site, Georges Buval. Il avait d’ailleurs, la semaine dernière, déposé un arrêt de travail pour motif de stress et de fatigue, suite à une nouvelle sanction disciplinaire dont il aurait été destinataire. Dans les archives du Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT), est inscrite de sa main, en date de juillet 2019, une observation relative à ses conditions dégradées de travail, évoquant même la période de l’esclavage, qui est pourtant abolie…
 
« Arrogance, mépris et méchanceté »
 
Depuis mardi, lendemain de l’annonce du décès de Dicky, ses collègues de La Poste se rassemblent devant le centre de tri postal de Concordia et essaient de comprendre… Outre le recueillement et l’émotion face à la perte de leur collègue dans ces conditions tragiques, les langues se délient au fur et à mesure que les heures de la journée passent. Des phrases fusent dénonçant « l’arrogance, le mépris, voire la méchanceté, exercés par le directeur du site à l’égard des agents ». Certains évoquent la précarité de leur statut, multipliant des dizaines de CDD depuis des années, quand un contrat de travail existe. D’autres parlent des avertissements reçus par lettre recommandée alors qu’ils étaient en arrêt maladie… Et tous s’accordent à dénoncer l’ambiance exécrable qui règne au sein de l’entreprise depuis l’arrivée de ce directeur, 2 ans auparavant, et parlent de « dialogue rompu avec la direction ».
Des conditions de travail encore exacerbées par la crise sanitaire, où une pression supplémentaire a été exercée sur les agents afin de rattraper le retard accumulé dans l’acheminement du courrier… Et la journée de mardi passe sans qu’aucun contact ne soit établi avec les agents par leur direction. En effet, le directeur du site, Georges Buval qui était alors en déplacement en Guadeloupe, n’a fait aucune communication à leur endroit, pour exprimer son soutien et ses condoléances. La mise en place d’une cellule psychologique était annoncée par voie de communiqué de la direction régionale de La Poste. En fait de cellule psychologique, normalement constituée d’au moins 4 professionnels de santé (infirmiers, psychologue, assistante sociale…), la direction de la Poste a mandaté un psychologue libéral, venu rencontrer les agents dans l’après-midi, dans la rue. Tous ont refusé de parler dans ces conditions à ce psychologue.
 
Le silence de la direction de la Poste, un mépris de plus
 
Une attitude considérée par les agents comme profondément méprisante qui a fait monter d’un cran la tension entre les agents et la direction. Dans la nuit de mardi et mercredi, deux véhicules stationnés sur le parking du centre de tri postal étaient incendiés. Une tension encore exacerbée par une communication faite sur un média guadeloupéen, laissant entendre que Dicky aurait mis fin à ses jours par « dépit amoureux ». Une raison juste impensable pour la sœur de Dicky, qui, très proche de son frère, n’a jamais eu l’écho de quelconque détresse amoureuse de son frère, mais qui l’a en revanche souvent écouté parler de ses problèmes rencontrés au travail avec sa direction…
La journée de mercredi est passée sans que les agents n’aient encore eu de contact avec leur direction. De leur propre chef, ils se sont rendus au Centre médico-psychologique, où ils ont rencontré un expert-psychiatrique, qui a été à l’écoute du choc subi par ce drame.
 
Une délégation arrivée de Guadeloupe
 
Ce n’est que jeudi matin, qu’une délégation de Guadeloupe, composée du directeur Régional, David Harlé, du directeur des actions courrier et colis, Jérôme Porcher, de la directrice des Ressources Humaines, Anne-Claude Amiens, de la directrice de la communication, Barbara Monplaisir, et du directeur du site Saint-Martin, Georges Buval, est arrivé sur le site. La délégation s’est directement rendue dans l’enceinte du tri postal, passant devant les agents sans avoir à leur égard le moindre mot de soutien, ni même un bonjour. Etant sur place, nous en avons été témoin.
 
« Profond malaise et audit du site »
 
Le directeur régional David Harlé a alors invité les agents à entrer dans la cour pour un temps d’échange. « Je suis venu pour leur témoigner ma solidarité face à ce douloureux événement, et exprimer mon soutien à la famille et aux collègues de ce jeune facteur. Nous avons échangé pendant près de 5 heures. Lors de ces échanges, il est effectivement ressorti un profond malaise qui s’est installé dans les conditions de travail. Un CHSCT extraordinaire s’est tenu et d’un commun accord avec les représentants du personnel, membres du CHSCT, il a été décidé de la tenue d’un audit sur le site », nous a confié David Harlé à l’issue de ces échanges. « Dans l’attente des résultats de l’enquête menée dans le cadre du décès du jeune facteur, et également des conclusions de l’audit qui sera diligenté, la direction de la poste souhaite rester discrète », a-t-il conclu.
Les membres du CHSCT et représentants du personnel ont rajouté que « cet audit devra se faire par un cabinet indépendant », ce qui aurait été concédé par la direction. Les bureaux de poste restent fermés jusqu’à nouvel ordre.
 

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