Print this page

La réforme promise de la fiscalité toujours en attente de l’accompagnement de l’Etat

09 October 2020
Pierre angulaire du programme de campagne de la Team Gibbs et outil nécessaire à l’attractivité du territoire, la réforme fiscale de la Collectivité se fait appeler Désirée. Pourtant prête et formulée depuis 2019, après de longs mois de travail, la mise en application de cette réforme dépend du bon vouloir de l’Etat pour l’accompagnement de la Collectivité, notamment au regard des outils informatiques nécessaires à son déploiement. Rencontre avec la conseillère territoriale Marie-Dominique RAMPHORT en charge du dossier.
 
« De par la loi organique, la Collectivité détient la compétence fiscale, mais pour autant elle n’a pas une totale maîtrise de la gestion de cette compétence, ce qui pose problème ! », explique Marie-Dominique RAMPHORT.
En effet, suite à l’évolution statutaire, de commune de la Guadeloupe en Collectivité d’Outre-mer, l’Etat et la Collectivité ont conclu le 21 mars 2008 une convention de gestion prévoyant que les opérations d’imposition et de recouvrement des impôts et taxes soient assurées par les agents de l’Etat, conformément au II de l’article LO 6314-4 du CGCT. Ce rôle est dévolu au Centre des Finances Publiques de Saint-Martin par le biais de ses agents, mis à disposition de la Collectivité par l’Etat, dans le cadre d’une prestation de services régie par ladite convention.
La convention de gestion, tacitement reconductible tous les 4 ans, a fait l’objet le 1er mars 2019 d’une demande de révision par la Collectivité, demande restée à ce jour sans réponse de l’Etat.
 
Vers une fiscalité simplifiée, modernisée et attractive
 
Une fois arrivée à la tête de l’exécutif, l’équipe Team Gibbs a souhaité rapidement mettre en place l’un des points phares de son programme : la réforme de la fiscalité, dans le but de rendre plus attractif le territoire à l’endroit des investisseurs, mais aussi avec pour objectifs de simplifier, d’alléger et de moderniser la fiscalité locale pour ses contribuables et pour une meilleure visibilité dans la mise en œuvre de ses politiques publiques.
Parmi les premières pistes proposées, celles de privilégier une fiscalité indirecte, notamment pour les activités relevant du secteur touristique, mais aussi la refonte et la simplification de l’impôt sur le revenu en regroupant tous les revenus tirés d’une activité professionnelle pour les imposer à un impôt unique similaire à l’impôt sur les sociétés.
Irma étant passé par là en septembre 2017, le travail a néanmoins été retardé par les affaires urgentes à gérer. C’est dans le courant de l’année 2018, que Marie-Dominique RAMPHORT, assistée par les services concernés, a repris le cours de ce lourd dossier. Toutefois, en parallèle à la mise en place de cette réforme, il était nécessaire de réviser la convention de gestion liant l’Etat à la COM. L’une étant tributaire de l’autre.
Dès 2019, la fiscalité réécrite en partie avec la refonte du lourd code général des impôts, restait à la Collectivité d’obtenir l’aval de l’Etat devant s’inscrire dans une nouvelle convention de gestion et surtout sa mise en œuvre en adaptant l’outil informatique.
En effet, malgré la compétence fiscale dévolue depuis 2007, la Collectivité souffre d’une carence de mise à jour de son système d’information fiscal en raison de logiciels devenus obsolètes, avec une impossibilité encore à l’heure actuelle pour les contribuables de pouvoir avoir recours à la déclaration et au paiement de leur impôts et taxes en ligne, contrairement aux autres territoires de la République (télédéclarations et télépaiements).
En clair, tout document dématérialisé est inaccessible depuis et vers Saint-Martin. La preuve en a été encore ces derniers mois, avec les fonds d’Etat mis en place dans le cadre de la crise sanitaire (Fonds de Solidarité), ce qui a ralenti le traitement des dossiers et le versement du fonds.
 
La chronologie de la mauvaise foi
 
Or, à maintes reprises mais en vain, des demandes spécifiques ont été formulées auprès du Ministère des Finances, du Ministère des Outre-mer, pour la révision de cette convention de gestion et pour l’obtention des outils nécessaires à la mise en place de la réforme. La dernière en date étant en mai 2020. Sans réponse toujours à ses sollicitations, Marie-Dominique Ramphort s'était même rendue au ministère des Outre-mer courant août 2019 pour remettre en personne les documents relatifs à ce dossier. Des interventions qui sont toutes restées vaines. Le 9 juillet 2020, la Collectivité décide de porter le dossier devant le tribunal administratif, en formulant une requête en référé pour mesures utiles. La Collectivité reçoit alors le 20 juillet une convocation devant le tribunal administratif à l’audience du 30 juillet suivant. Le 21 juillet les élus apprennent que l’audience est renvoyée à une date ultérieure. Et coup de théâtre, le 27 juillet, la Collectivité reçoit un mémoire en défense de la Direction Générale des Finances Publiques (DGFIP) précisant que cette requête de la Collectivité n’a pas lieu d’être, l’outil informatique de la Collectivité semblant performant puisque les recettes restent correctement recouvrées, voire même augmentées. Et dès le lendemain, 28 juillet, la COM est destinataire d’une ordonnance de clôture d’instruction fixée au 30 juillet. Une clôture faite sans que la COM n’ait été auditionnée. La COM rédige dès le lendemain, 29 juillet, une réponse à ce mémoire de défense. Mais le 30 juillet l’affaire est jugée : la Collectivité reçoit une ordonnance du juge des référés qui rejette définitivement la requête.
 
La COM porte l’affaire devant le Conseil d’Etat
 
N’imaginant pas un instant d’en rester là, la Collectivité décide, le 14 août dernier, de porter l’affaire devant le Conseil d’Etat, la plus haute juridiction nationale, en demandant l’annulation pure et simple de l’ordonnance du tribunal administratif. Le Conseil d’Etat, qui devra juger le bon droit dans ce dossier et non les faits, a 3 mois pour se manifester auprès de la Collectivité, soit jusqu’au 14 novembre prochain. Un droit qui, selon Marie-Dominique Ramphort est clairement bafoué : « C’est l’article 74 de la Constitution française qui est ici mis à mal : la Collectivité a récupéré des compétences qu’elle n’est pas en mesure d’exercer, faute d’accompagnement et de moyens pourtant prévus dans la convention de gestion. Les termes de cette convention ne sont donc pas respectés. Ainsi, à défaut de pouvoir mettre en œuvre cette réforme fiscale, nous nous heurtons à un manque de visibilité sur les recettes potentielles de la Collectivité et sommes contraints dans la mise en place de nos politiques publiques. D’autant que par ailleurs nous ne détenons pas d’outils statistiques qui seraient à même de nous renseigner sur le tissu économique et le réel Produit Intérieur Brut » !
Une chronologie des faits qui révèlerait une mauvaise foi évidente de la part de l’Etat à accompagner la Collectivité dans son autonomie fiscale et dans la mise en place de ses politiques publiques et d’une fiscalité beaucoup plus attractive.
Et au final, à 18 mois de la fin de son mandat, l’exécutif local n’a pas encore pu mettre en œuvre cette réforme fiscale tant attendue par tous pour une vision à plus long terme du développement économique du territoire. Le Conseil d’Etat devra statuer. 
 

By continuing your visit to this site, you accept the use cookies to make statistics of visits.